Hello, everyone. It's a bit funny, because I did write that humans will become digital, but I didn't think it will happen so fast and that it will happen to me. But here I am, as a digital avatar, and here you are, so let's start. And let's start with a question. How many fascists are there in the audience today?
Bonjour tout le monde. C'est drôle ; j'ai bien écrit que les humains deviendraient numériques, mais je ne m'attendais pas à ce que ça arrive si vite, ni que ça m'arrive à moi. Et pourtant me voici, en avatar numérique, et vous êtes ici avec moi. Alors, commençons ! Laissez-moi débuter avec une question. Combien de fascistes sont avec nous dans la salle aujourd'hui ?
(Laughter)
(Rires)
Well, it's a bit difficult to say, because we've forgotten what fascism is. People now use the term "fascist" as a kind of general-purpose abuse. Or they confuse fascism with nationalism. So let's take a few minutes to clarify what fascism actually is, and how it is different from nationalism.
Eh oui, c'est un peu difficile à dire, car on a oublié ce qu'est le fascisme. De nos jours, les gens utilisent le terme « fasciste » pour parler de toute forme d'abus, de manière générale. Ou alors ils confondent le fascisme et le nationalisme. Prenons donc quelques minutes pour définir ce qu'est vraiment le fascisme, et pour comprendre comment il diffère du nationalisme.
The milder forms of nationalism have been among the most benevolent of human creations. Nations are communities of millions of strangers who don't really know each other. For example, I don't know the eight million people who share my Israeli citizenship. But thanks to nationalism, we can all care about one another and cooperate effectively. This is very good. Some people, like John Lennon, imagine that without nationalism, the world will be a peaceful paradise. But far more likely, without nationalism, we would have been living in tribal chaos. If you look today at the most prosperous and peaceful countries in the world, countries like Sweden and Switzerland and Japan, you will see that they have a very strong sense of nationalism. In contrast, countries that lack a strong sense of nationalism, like Congo and Somalia and Afghanistan, tend to be violent and poor.
Les formes modérées de nationalisme ont été parmi les créations les plus bienveillantes de l'homme. Les nations sont des communautés composées de millions d'étrangers qui ne se connaissent pas vraiment. Par exemple, je ne connais pas les huit millions de personnes qui sont, comme moi, des citoyens israéliens. Mais grâce au nationalisme, nous pouvons se soucier les uns des autres et coopérer de manière efficace. C'est très bien. Certaines personnes, comme John Lennon, imaginent qu'un monde sans nationalisme serait un paradis paisible. Il est fort plus probable que sans le nationalisme, nous serions plongés dans un chaos tribal. De nos jours, en observant les pays les plus prospères et paisibles au monde, comme la Suède, la Suisse ou le Japon, vous verrez qu'ils ont un fort sentiment nationaliste. Par contre, dans les pays qui n'ont pas ce sens du nationalisme, comme le Congo, la Somalie ou alors l'Afghanistan, on retrouve plus de violence et de pauvreté.
So what is fascism, and how is it different from nationalism? Well, nationalism tells me that my nation is unique, and that I have special obligations towards my nation. Fascism, in contrast, tells me that my nation is supreme, and that I have exclusive obligations towards it. I don't need to care about anybody or anything other than my nation. Usually, of course, people have many identities and loyalties to different groups. For example, I can be a good patriot, loyal to my country, and at the same time, be loyal to my family, my neighborhood, my profession, humankind as a whole, truth and beauty. Of course, when I have different identities and loyalties, it sometimes creates conflicts and complications. But, well, who ever told you that life was easy? Life is complicated. Deal with it.
Qu'est-ce donc que le fascisme ? Comment est-il différent du nationalisme ? Eh bien, le nationalisme me dit que ma nation est unique, et que j'ai des obligations particulières envers elle. Le fascisme, par contre, me dit que ma nation est suprême, et que j'ai des obligations exclusives envers elle. Je n'ai pas à me soucier de quiconque ou de quoi que ce soit d'autre que ma nation. Évidemment, les gens ont généralement de multiples identités et loyautés envers divers groupes. Par exemple, je peux être un bon patriote, loyal envers mon pays, puis, en même temps, être loyal envers ma famille, envers mon voisinage, ma profession, envers toute la race humaine, envers la vérité, ou la beauté. Bien entendu, lorsque j'ai diverses identités et allégeances, cela peut créer des conflits et des complications. Mais, après tout, qui vous a dit que la vie serait simple ? La vie est compliquée. Apprenez à la gérer.
Fascism is what happens when people try to ignore the complications and to make life too easy for themselves. Fascism denies all identities except the national identity and insists that I have obligations only towards my nation. If my nation demands that I sacrifice my family, then I will sacrifice my family. If the nation demands that I kill millions of people, then I will kill millions of people. And if my nation demands that I betray truth and beauty, then I should betray truth and beauty. For example, how does a fascist evaluate art? How does a fascist decide whether a movie is a good movie or a bad movie? Well, it's very, very, very simple. There is really just one yardstick: if the movie serves the interests of the nation, it's a good movie; if the movie doesn't serve the interests of the nation, it's a bad movie. That's it. Similarly, how does a fascist decide what to teach kids in school? Again, it's very simple. There is just one yardstick: you teach the kids whatever serves the interests of the nation. The truth doesn't matter at all.
Le fascisme apparaît lorsque les gens tentent d'ignorer les complications et cherchent à se faciliter la vie de manière excessive. Le fascisme renie toutes les identités, à l'exception de l'identité nationale, et insiste pour que j'aie des obligations uniquement envers ma nation. Si ma nation exige que je sacrifie ma famille, je sacrifierai donc ma famille. Si ma nation exige que j'assassine des millions de personnes, eh bien, je tuerai des millions de personnes. Et si ma nation exige que je trahisse la vérité et la beauté, je trahirai donc la vérité et la beauté. Par exemple, comment un fasciste juge-t-il l'art ? Comment un fasciste décide-t-il si un film est bon ou mauvais ? Eh bien, c'est très très simple. Il n'y a qu'un seul critère : si le film sert les intérêts de la nation, c'est un bon film ; si le film ne sert pas les intérêts de la nation, c'est un mauvais film. C'est tout. De même, comment un fasciste choisit-il ce qu'on enseigne aux enfants à l'école ? Encore une fois, c'est très simple. Un seul critère est utilisé : vous enseignez aux enfants tout ce qui peut servir les intérêts de la nation. La vérité n'a aucune importance.
Now, the horrors of the Second World War and of the Holocaust remind us of the terrible consequences of this way of thinking. But usually, when we talk about the ills of fascism, we do so in an ineffective way, because we tend to depict fascism as a hideous monster, without really explaining what was so seductive about it. It's a bit like these Hollywood movies that depict the bad guys -- Voldemort or Sauron or Darth Vader -- as ugly and mean and cruel. They're cruel even to their own supporters. When I see these movies, I never understand -- why would anybody be tempted to follow a disgusting creep like Voldemort? The problem with evil is that in real life, evil doesn't necessarily look ugly. It can look very beautiful. This is something that Christianity knew very well, which is why in Christian art, as [opposed to] Hollywood, Satan is usually depicted as a gorgeous hunk. This is why it's so difficult to resist the temptations of Satan, and why it is also difficult to resist the temptations of fascism.
Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et de l'Holocauste nous rappellent les terribles conséquences de ce genre de mentalité. Mais, de manière générale, lorsqu'on parle des fléaux du fascisme, on le fait de manière très peu efficace, car on a tendance à dépeindre le fascisme comme un monstre horrible, sans toutefois expliquer ce qui le rend si séduisant. C'est un peu comme ces films d'Hollywood, qui nous présentent les méchants -- Voldemort, Sauron ou Darth Vader -- comme étant hideux, mesquins et cruels. Ils sont cruels même envers leurs propres partisans. Lorsque je regarde de genre de films je n'arrive jamais à comprendre -- pourquoi quiconque serait tenté de suivre un type aussi répugnant que Voldemort ? Le problème avec le Mal est que, dans la vraie vie, il n'est pas nécessairement laid. Il peut être très beau. Voici quelque chose que le Christianisme a bien compris ; c'est pourquoi dans l'art chrétien, contrairement à Hollywood, Satan est généralement dépeint comme un très beau mâle. Voilà pourquoi il est si difficile de résister aux tentations de Satan, et voilà pourquoi il est aussi difficile de résister aux tentations du fascisme.
Fascism makes people see themselves as belonging to the most beautiful and most important thing in the world -- the nation. And then people think, "Well, they taught us that fascism is ugly. But when I look in the mirror, I see something very beautiful, so I can't be a fascist, right?" Wrong. That's the problem with fascism. When you look in the fascist mirror, you see yourself as far more beautiful than you really are. In the 1930s, when Germans looked in the fascist mirror, they saw Germany as the most beautiful thing in the world. If today, Russians look in the fascist mirror, they will see Russia as the most beautiful thing in the world. And if Israelis look in the fascist mirror, they will see Israel as the most beautiful thing in the world. This does not mean that we are now facing a rerun of the 1930s.
Le fascisme permet aux gens de se percevoir eux-mêmes comme faisant partie de la plus belle et la plus importante chose au monde -- la nation. Puis les gens se disent : « Eh bien, on nous a appris que le fascisme est hideux. Pourtant, dans mon miroir, je vois quelque chose de magnifique, je ne peux donc pas être fasciste, n'est-ce pas ? » C'est faux. Voilà le problème. Lorsque vous vous regardez dans le miroir fasciste, vous vous percevez comme étant beaucoup plus beau que vous ne l'êtes vraiment. Dans les années 30, quand les Allemands se sont regardés dans le miroir fasciste, ils ont vu l'Allemagne comme la chose la plus magnifique au monde. De nos jours, si les Russes regardent dans le miroir fasciste, ils verront la Russie comme étant la plus belle chose du monde. Et si les Israéliens se regardent dans le miroir fasciste, ils verront Israël comme étant la plus belle chose au monde. Cela ne veut pas nécessairement dire que nous revivons les années 30.
Fascism and dictatorships might come back, but they will come back in a new form, a form which is much more relevant to the new technological realities of the 21st century. In ancient times, land was the most important asset in the world. Politics, therefore, was the struggle to control land. And dictatorship meant that all the land was owned by a single ruler or by a small oligarch. And in the modern age, machines became more important than land. Politics became the struggle to control the machines. And dictatorship meant that too many of the machines became concentrated in the hands of the government or of a small elite. Now data is replacing both land and machines as the most important asset. Politics becomes the struggle to control the flows of data. And dictatorship now means that too much data is being concentrated in the hands of the government or of a small elite.
Le fascisme et les régimes dictatoriaux peuvent possiblement refaire surface, mais ils reviendront sous une forme différente, une forme beaucoup mieux adaptée à la nouvelle réalité technologique du 21ème siècle. Dans les temps anciens, le territoire était la possession la plus importante au monde. Ainsi, les politiques s'efforçaient de contrôler les terres. Dans une dictature, toutes les terres étaient contrôlées par la même personne ou par un petit oligarque. Aux Temps modernes, les machines sont devenues plus importantes que la terre. Les politiques se sont alors débattus pour contrôler les machines. À ce moment-là, une dictature signifiait qu'un trop grand nombre de machines étaient concentrées et contrôlées par le gouvernement ou par une élite restreinte. Maintenant, les données remplacent à la fois les terres et les machines, comme étant la possession la plus prisée. Ainsi, les politiques se démènent pour contrôler les flux de données. Une dictature veut maintenant dire que trop de données sont concentrées et contrôlées par le gouvernement ou par une élite restreinte.
The greatest danger that now faces liberal democracy is that the revolution in information technology will make dictatorships more efficient than democracies.
Le plus grave danger auquel fait maintenant face la démocratie libérale est la révolution des technologies de l'information, qui rendra les dictatures plus efficaces que les démocraties.
In the 20th century, democracy and capitalism defeated fascism and communism because democracy was better at processing data and making decisions. Given 20th-century technology, it was simply inefficient to try and concentrate too much data and too much power in one place.
Au 20ème siècle, la démocratie et le capitalisme ont vaincu le fascisme et le communisme, car la démocratie était plus efficace en analyse de données et prise de décisions. Considérant la technologie du 20ème siècle, il était clairement inefficace de tenter de concentrer trop de données et trop de pouvoir dans un seul endroit.
But it is not a law of nature that centralized data processing is always less efficient than distributed data processing. With the rise of artificial intelligence and machine learning, it might become feasible to process enormous amounts of information very efficiently in one place, to take all the decisions in one place, and then centralized data processing will be more efficient than distributed data processing. And then the main handicap of authoritarian regimes in the 20th century -- their attempt to concentrate all the information in one place -- it will become their greatest advantage.
Par contre, il n'y a pas de loi naturelle qui dicte que centraliser l'analyse des données est toujours une méthode inefficace, comparativement à l'analyse de données répartie. Les progrès de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique pourraient rendre possible l'analyse de très larges quantités d'information, de manière très efficace dans un endroit centralisé ; il pourrait être possible de prendre toutes les décisions au même endroit, ce qui rendrait alors l'analyse centralisée plus efficace que le traitement de données distribué. Ainsi, la principale faiblesse des régimes autoritaires du 20ème siècle -- leur tentative de concentrer toute l'information au même endroit -- deviendra leur plus puissant atout.
Another technological danger that threatens the future of democracy is the merger of information technology with biotechnology, which might result in the creation of algorithms that know me better than I know myself. And once you have such algorithms, an external system, like the government, cannot just predict my decisions, it can also manipulate my feelings, my emotions. A dictator may not be able to provide me with good health care, but he will be able to make me love him and to make me hate the opposition. Democracy will find it difficult to survive such a development because, in the end, democracy is not based on human rationality; it's based on human feelings. During elections and referendums, you're not being asked, "What do you think?" You're actually being asked, "How do you feel?" And if somebody can manipulate your emotions effectively, democracy will become an emotional puppet show.
Un autre danger technologique qui guette le futur de la démocratie est la fusion des technologies de l'information avec la biotechnologie, qui pourrait avoir pour résultat la création d'algorithmes qui me connaîtraient mieux que je ne me connais moi-même. À partir du moment où de tels algorithmes existent, un système externe, comme le gouvernement, peut non seulement prédire mes décisions, mais également manipuler mes émotions et mes sentiments. Un dictateur ne pourrait peut-être pas m'offrir de bons soins de santé, mais il sera capable de me faire l'aimer et de me faire détester ses opposants. La démocratie aura de la difficulté à survivre un tel changement car, en fin de compte, la démocratie ne repose pas sur la rationalité humaine ; elle repose sur les émotions humaines. Lors des élections et des référendums, on ne vous demande pas : « Qu'en pensez-vous ? » En réalité, on vous demande : « Que ressentez-vous ? » Si une personne est en mesure de manipuler efficacement vos émotions, la démocratie ne deviendra qu'un spectacle de marionnettes.
So what can we do to prevent the return of fascism and the rise of new dictatorships? The number one question that we face is: Who controls the data? If you are an engineer, then find ways to prevent too much data from being concentrated in too few hands. And find ways to make sure the distributed data processing is at least as efficient as centralized data processing. This will be the best safeguard for democracy. As for the rest of us who are not engineers, the number one question facing us is how not to allow ourselves to be manipulated by those who control the data.
Que peut-on donc faire pour prévenir le retour du fascisme et l'apparition de nouvelles dictatures ? La question première à laquelle on fait face est : qui contrôle les données ? Si vous êtes ingénieur, trouvez des façons d'éviter que trop de données ne se retrouvent concentrées et contrôlées par un trop petit nombre. Trouvez aussi de nouvelles manières de vous assurer que le traitement de données distribué soit au moins aussi efficace que le traitement de données centralisé. Voilà notre rempart le plus solide pour protéger la démocratie. Pour le reste d'entre nous, qui ne sommes pas ingénieurs, la question la plus importante à se poser demeure : comment pouvons-nous éviter d'être manipulés par ceux qui contrôlent les données ?
The enemies of liberal democracy, they have a method. They hack our feelings. Not our emails, not our bank accounts -- they hack our feelings of fear and hate and vanity, and then use these feelings to polarize and destroy democracy from within. This is actually a method that Silicon Valley pioneered in order to sell us products. But now, the enemies of democracy are using this very method to sell us fear and hate and vanity. They cannot create these feelings out of nothing. So they get to know our own preexisting weaknesses. And then use them against us. And it is therefore the responsibility of all of us to get to know our weaknesses and make sure that they do not become a weapon in the hands of the enemies of democracy.
Les ennemis de la démocratie libérale ont leur propre méthode. Ils piratent nos émotions. Pas nos messageries, ni nos comptes bancaires -- ils piratent nos sentiments de peur, de haine et de vanité, puis utilisent ces mêmes émotions pour polariser la démocratie et la détruire de l'intérieur. Il s'agit bien là d'une méthode que la Silicon Valley a initiée afin de nous vendre ses produits. Maintenant, les ennemis de la démocratie utilisent cette même méthode pour nous vendre de la peur, de la haine et de la vanité. Ils ne peuvent pas créer ces sentiments à partir de rien. Ils en viennent alors à connaître nos faiblesses pré-existantes. Ensuite, ils les utilisent contre nous. Il est donc notre responsabilité à tous de connaître nos propres points faibles et de s'assurer qu'ils ne deviennent pas une arme dans les mains des ennemis de la démocratie.
Getting to know our own weaknesses will also help us to avoid the trap of the fascist mirror. As we explained earlier, fascism exploits our vanity. It makes us see ourselves as far more beautiful than we really are. This is the seduction. But if you really know yourself, you will not fall for this kind of flattery. If somebody puts a mirror in front of your eyes that hides all your ugly bits and makes you see yourself as far more beautiful and far more important than you really are, just break that mirror.
Apprendre à connaître nos propres faiblesses nous aidera également à éviter le piège du miroir fasciste. Comme nous l'avons vu plus tôt, le fascisme exploite notre vanité. Il nous fait voir une image de nous-mêmes beaucoup plus belle que la réalité. C'est là l'attrait. Mais si vous vous connaissez bien, vous ne tomberez pas dans le piège qu'offre ce genre de flatterie. Si quelqu'un place un miroir devant vous, et que ce miroir cache tous vos défauts et vous faire paraître beaucoup plus beau et beaucoup plus important que vous ne l'êtes en réalité, brisez ce miroir.
Thank you.
Merci.
(Applause)
(Applaudissements)
Chris Anderson: Yuval, thank you. Goodness me. It's so nice to see you again. So, if I understand you right, you're alerting us to two big dangers here. One is the possible resurgence of a seductive form of fascism, but close to that, dictatorships that may not exactly be fascistic, but control all the data. I wonder if there's a third concern that some people here have already expressed, which is where, not governments, but big corporations control all our data. What do you call that, and how worried should we be about that?
Chris Anderson : Merci, Yuval. Oh mon Dieu ! Quel plaisir de vous revoir. Donc, si je vous ai bien compris, vous nous mettez en garde contre deux sérieux dangers. Le premier est le retour possible d'une forme séduisante de fascisme, mais dans la même veine, des dictatures qui ne sont peut-être pas fascistes, mais qui contrôlent toutes les données. Je me demande s'il n'y a pas un troisième danger, que certaines personnes ici ont déjà soulevé ; que non pas des gouvernements mais des entreprises contrôlent nos données. Comment qualifier cela, et devrait-on s'en inquiéter ?
Yuval Noah Harari: Well, in the end, there isn't such a big difference between the corporations and the governments, because, as I said, the questions is: Who controls the data? This is the real government. If you call it a corporation or a government -- if it's a corporation and it really controls the data, this is our real government. So the difference is more apparent than real.
Yuval Noah Harari : Eh bien, en fin de compte, il y a peu de différence entre les entreprises et les gouvernements, car, comme je l'ai dit, la question est : qui contrôle les données ? C'est le vrai gouvernement. Que vous l'appeliez entreprise ou gouvernement, si une entreprise contrôle véritablement les données, elle est notre véritable gouvernement. Ainsi, la différence en est une d'apparence.
CA: But somehow, at least with corporations, you can imagine market mechanisms where they can be taken down. I mean, if consumers just decide that the company is no longer operating in their interest, it does open the door to another market. It seems easier to imagine that than, say, citizens rising up and taking down a government that is in control of everything.
CA : D'une certaine manière, avec les entreprises du moins, on peut penser que des mécanismes du marché peuvent les faire tomber. Ainsi, si les consommateurs décident que cette compagnie ne sert plus leurs intérêts, cela permet l'émergence d'un nouveau marché. Ça semble plus plausible que, disons, des citoyens qui s'insurgent et renversent un gouvernement qui contrôle tout.
YNH: Well, we are not there yet, but again, if a corporation really knows you better than you know yourself -- at least that it can manipulate your own deepest emotions and desires, and you won't even realize -- you will think this is your authentic self. So in theory, yes, in theory, you can rise against a corporation, just as, in theory, you can rise against a dictatorship. But in practice, it is extremely difficult.
YNH : Nous n'en sommes pas là, mais je répète que si une entreprise vous connaît mieux que vous-même, elle peut à tout le moins manipuler vos désirs et émotions les plus profonds, sans que vous ne le réalisiez -- vous croyez qu'il s'agit bien là de votre véritable personne. Donc, en théorie, vous pouvez vous opposer à une entreprise, de la même manière que vous pouvez, en théorie, vous opposer à une dictature. Mais en réalité, c'est extrêmement difficile.
CA: So in "Homo Deus," you argue that this would be the century when humans kind of became gods, either through development of artificial intelligence or through genetic engineering. Has this prospect of political system shift, collapse impacted your view on that possibility?
CA: Dans votre livre « Homo Deus », vous avancez que ce siècle sera celui où les hommes sont en quelque sorte devenus des dieux, soit par le développement de l'intelligence artificielle, soit par l'ingénierie génétique. La possibilité d'un changement ou d'un effondrement du système politique a-t-elle changé votre vision de cette éventualité ?
YNH: Well, I think it makes it even more likely, and more likely that it will happen faster, because in times of crisis, people are willing to take risks that they wouldn't otherwise take. And people are willing to try all kinds of high-risk, high-gain technologies. So these kinds of crises might serve the same function as the two world wars in the 20th century. The two world wars greatly accelerated the development of new and dangerous technologies. And the same thing might happen in the 21st century. I mean, you need to be a little crazy to run too fast, let's say, with genetic engineering. But now you have more and more crazy people in charge of different countries in the world, so the chances are getting higher, not lower.
YNH : Je crois en fait que ça la rend encore plus probable, et que ça risque de se produire plus rapidement, car en temps de crise, les gens sont prêts à prendre des risques qu'ils ne prendraient pas en temps normal. Les gens sont aussi prêts à essayer toutes sortes de technologies à haut risque et à haut rendement. Ce genre de crises pourraient donc servir les mêmes desseins que les deux guerres mondiales du 20ème siècle. Les deux grandes guerres ont grandement accéléré le développement de technologies nouvelles et dangereuses. La même chose pourrait se produire au 21ème siècle. Ce que je veux dire, c'est que vous devez être un peu fou pour précipiter les choses avec, disons, l'ingénierie génétique. Mais maintenant il y a de plus en plus de gens fous qui sont à la tête de différents pays dans le monde, ce qui veut dire que les risquent augmentent, plutôt que de diminuer.
CA: So, putting it all together, Yuval, you've got this unique vision. Roll the clock forward 30 years. What's your guess -- does humanity just somehow scrape through, look back and say, "Wow, that was a close thing. We did it!" Or not?
CA : Si on fait la somme de tout cela, Yuval, vous avez une vision unique. Faisons un bond de 30 ans en avant. Quelle est votre prédiction ? Est-ce que l'humanité s'en sortira, regardera en arrière et dira : « On y a échappé de peu, mais on a réussi ! » ou pas ?
YNH: So far, we've managed to overcome all the previous crises. And especially if you look at liberal democracy and you think things are bad now, just remember how much worse things looked in 1938 or in 1968. So this is really nothing, this is just a small crisis. But you can never know, because, as a historian, I know that you should never underestimate human stupidity.
YNH : Jusqu'à présent, on a été en mesure de gérer toutes les crises précédentes. En regardant la démocratie libérale, en particulier, on se dit que les choses vont mal de nos jours. Mais rappelez-vous à quel point les choses étaient pires en 1938 ou 1968. Cela n'est donc rien, qu'une petite crise. Mais on ne peut jamais savoir, car, en tant qu'historien, je sais qu'on ne devrait jamais sous-estimer la bêtise humaine.
(Laughter) (Applause)
(Rires) (Applaudissements)
It is one of the most powerful forces that shape history.
Voilà l'une des forces les plus puissantes à avoir forgé l'histoire.
CA: Yuval, it's been an absolute delight to have you with us. Thank you for making the virtual trip. Have a great evening there in Tel Aviv. Yuval Harari!
CA : Yuval, ce fut un pur bonheur de vous avoir avec nous. Merci d'avoir fait ce voyage virtuel. Passez une belle soirée à Tel Aviv. Yuval Harari !
YNH: Thank you very much.
YNH : Merci beaucoup.
(Applause)
(Applaudissements)