Chris Anderson: Hello. Welcome to this TED Dialogues. It's the first of a series that's going to be done in response to the current political upheaval. I don't know about you; I've become quite concerned about the growing divisiveness in this country and in the world. No one's listening to each other. Right? They aren't. I mean, it feels like we need a different kind of conversation, one that's based on -- I don't know, on reason, listening, on understanding, on a broader context.
Chris Anderson : Bonjour, et bienvenue pour ce Dialogue TED, le premier d'une série de conversations en réponse aux bouleversements politiques actuels. Je ne sais pas vous, mais moi je commence à m'inquiéter de la division grandissante dans ce pays et dans le monde. Plus personne ne s'écoute, n'est-ce pas ? Plus personne. On dirait qu'il nous faut un autre type de conversation, basé sur... la raison, l'écoute, la compréhension, un contexte plus large.
That's at least what we're going to try in these TED Dialogues, starting today. And we couldn't have anyone with us who I'd be more excited to kick this off. This is a mind right here that thinks pretty much like no one else on the planet, I would hasten to say. I'm serious.
C'est ce que nous allons tenter avec ces Dialogues TED, à compter d'aujourd'hui. Et nous ne pouvions pas recevoir un invité plus enthousiasmant pour cette première. Ce cerveau-là réfléchit comme nul autre sur Terre, je tiens à le dire. Sérieusement.
(Yuval Noah Harari laughs) I'm serious. He synthesizes history with underlying ideas in a way that kind of takes your breath away.
(Rires) Je suis sérieux. Il synthétise l'histoire avec des idées sous-jacentes d'une manière qui coupe le souffle.
So, some of you will know this book, "Sapiens." Has anyone here read "Sapiens"?
Certains d'entre vous connaissent ce livre « Sapiens ». Quelqu'un a lu « Sapiens » ?
(Applause) I mean, I could not put it down. The way that he tells the story of mankind through big ideas that really make you think differently -- it's kind of amazing. And here's the follow-up, which I think is being published in the US next week.
(Applaudissements) Je n'arrivais plus à le lâcher. La façon dont il raconte l'histoire de l'humanité à travers de grandes idées qui changent notre manière de penser, c'est assez incroyable. Et voici la suite, qui, je crois, sera publiée la semaine prochaine aux États-Unis.
YNH: Yeah, next week.
YNH : Oui, exactement.
CA: "Homo Deus." Now, this is the history of the next hundred years. I've had a chance to read it. It's extremely dramatic, and I daresay, for some people, quite alarming. It's a must-read. And honestly, we couldn't have someone better to help make sense of what on Earth is happening in the world right now. So a warm welcome, please, to Yuval Noah Harari.
CA : « Homo Deus » Il y a là l'histoire des cent prochaines années. J'ai eu l'occasion de le lire. C'est extrêmement spectaculaire, je dirais même, pour certains, plutôt alarmant. À lire impérativement. Franchement, personne d'autre n'aurait pu venir nous aider à comprendre ce qui est en train de se jouer dans le monde actuel. Je vous prie d'accueillir chaleureusement Yuval Noah Harari.
(Applause)
(Applaudissements)
It's great to be joined by our friends on Facebook and around the Web. Hello, Facebook. And all of you, as I start asking questions of Yuval, come up with your own questions, and not necessarily about the political scandal du jour, but about the broader understanding of: Where are we heading? You ready? OK, we're going to go.
Je suis content que nos amis de Facebook et du web nous rejoignent. Bonjour, Facebook. Et vous tous, pendant que je pose des questions à Yuval, posez vos propres questions, pas forcément sur le scandale politique du jour, mais pour comprendre plus largement : « vers où allons-nous ? » Vous êtes prêts ? OK, c'est parti.
So here we are, Yuval: New York City, 2017, there's a new president in power, and shock waves rippling around the world. What on Earth is happening?
Nous y voilà, Yuval, New York, 2017, il y a un nouveau président au pouvoir, et des ondes de choc autour du monde. Qu'est-ce qu'il se passe ?
YNH: I think the basic thing that happened is that we have lost our story. Humans think in stories, and we try to make sense of the world by telling stories. And for the last few decades, we had a very simple and very attractive story about what's happening in the world. And the story said that, oh, what's happening is that the economy is being globalized, politics is being liberalized, and the combination of the two will create paradise on Earth, and we just need to keep on globalizing the economy and liberalizing the political system, and everything will be wonderful. And 2016 is the moment when a very large segment, even of the Western world, stopped believing in this story. For good or bad reasons -- it doesn't matter. People stopped believing in the story, and when you don't have a story, you don't understand what's happening.
YNH : Ce qu'il se passe, selon moi, c'est qu'on a simplement perdu notre histoire. L'humain raisonne avec des histoires et on essaie de comprendre le monde en racontant des histoires. Les dernières décennies, nous avions une histoire très simple et séduisante sur ce qu'il se passe dans le monde. Cette histoire racontait qu'en réalité l'économie se mondialise, la politique se libéralise et la combinaison des deux va créer le paradis sur Terre. Il faut donc mondialiser encore plus l'économie et libéraliser le système politique et tout sera merveilleux. 2016 marque le moment, où un large segment de la population, même en Occident, a arrêté de croire à cette histoire. à juste titre ou non, peu importe. Les gens ont cessé de croire à cette histoire et quand il n'y a plus d'histoire, on ne comprend pas ce qu'il se passe.
CA: Part of you believes that that story was actually a very effective story. It worked.
CA : D'un côté, vous pensez que cette histoire fonctionnait. Ça marchait.
YNH: To some extent, yes. According to some measurements, we are now in the best time ever for humankind. Today, for the first time in history, more people die from eating too much than from eating too little, which is an amazing achievement.
YNH : Oui, d'une certaine façon. D'après certaines mesures, nous sommes actuellement au meilleur moment de l'humanité. Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire, il y a plus de gens qui meurent de trop manger que l'inverse, ce qui est un progrès incroyable.
(Laughter)
(Rires)
Also for the first time in history, more people die from old age than from infectious diseases, and violence is also down. For the first time in history, more people commit suicide than are killed by crime and terrorism and war put together. Statistically, you are your own worst enemy. At least, of all the people in the world, you are most likely to be killed by yourself --
De plus, pour la première fois, il y a plus de personnes qui meurent de vieillesse que de maladies infectieuses. La violence a aussi diminué. Pour la première fois, il y a plus de personnes qui se suicident que de victimes de crimes, du terrorisme et de la guerre réunis. Statistiquement, vous êtes votre pire ennemi. Au moins, de toute la population mondiale, vous avez plus de risques de vous tuer vous-même --
(Laughter)
(Rires)
which is, again, very good news, compared --
encore une fois, c'est une bonne nouvelle comparé --
(Laughter)
(Rires)
compared to the level of violence that we saw in previous eras.
comparé au niveau de violence qu'il y avait auparavant.
CA: But this process of connecting the world ended up with a large group of people kind of feeling left out, and they've reacted. And so we have this bombshell that's sort of ripping through the whole system. I mean, what do you make of what's happened? It feels like the old way that people thought of politics, the left-right divide, has been blown up and replaced. How should we think of this?
CA : Mais dans ce mouvement de connexion mondiale, bon nombre de personnes se sont senties oubliées et elles ont réagi. On assiste à ce coup de théâtre qui bouleverse le système entier. Comment interpréter ce qu'il s'est passé ? On dirait que la façon dont les gens pensaient la politique, la division gauche-droite, a été détruite, puis remplacée. Comment interpréter cela ?
YNH: Yeah, the old 20th-century political model of left versus right is now largely irrelevant, and the real divide today is between global and national, global or local. And you see it again all over the world that this is now the main struggle. We probably need completely new political models and completely new ways of thinking about politics. In essence, what you can say is that we now have global ecology, we have a global economy but we have national politics, and this doesn't work together. This makes the political system ineffective, because it has no control over the forces that shape our life. And you have basically two solutions to this imbalance: either de-globalize the economy and turn it back into a national economy, or globalize the political system.
YNH : Oui, l'ancien modèle politique du XXe siècle gauche contre droite, n'est plus du tout applicable. La vrai division actuelle est entre le mondial et le national, le mondial et le local. On le voit encore à travers le monde, c'est maintenant l'enjeu principal. Il nous faut certainement de tout nouveaux modèles politiques et une manière complètement différente de penser la politique. En gros, on peut dire qu'il y a maintenant une écologie mondiale, une économie mondiale, mais toujours des politiques nationales et cet ensemble ne fonctionne pas. Cela rend le système politique inefficace, car il n'a aucun contrôle sur les forces qui façonnent notre vie. On a donc deux solutions à ce déséquilibre : soit démondialiser l'économie et revenir à une économie nationale, soit mondialiser le système politique.
CA: So some, I guess many liberals out there view Trump and his government as kind of irredeemably bad, just awful in every way. Do you see any underlying narrative or political philosophy in there that is at least worth understanding? How would you articulate that philosophy? Is it just the philosophy of nationalism?
CA : Donc j'imagine que, pour certains libéraux, Trump et son gouvernement sont irrémédiablement mauvais et terribles en tout point. Y voyez-vous là un discours sous-jacent ou une philosophie politique qui vaut la peine d'être entendue ? Comment articuler cette philosophie ? Est-ce seulement l'idéologie du nationalisme ?
YNH: I think the underlying feeling or idea is that the political system -- something is broken there. It doesn't empower the ordinary person anymore. It doesn't care so much about the ordinary person anymore, and I think this diagnosis of the political disease is correct. With regard to the answers, I am far less certain.
YNH : Je pense que le sentiment ou l'idée sous-jacente est qu'il y a quelque chose d'endommagé dans le système politique. Il ne rend plus l'individu lambda autonome. Il ne se soucie plus de l'individu lambda et c'est, selon moi, un diagnostic correct de la maladie politique. Pour ce qui est des solutions, rien n'est moins sûr.
I think what we are seeing is the immediate human reaction: if something doesn't work, let's go back. And you see it all over the world, that people, almost nobody in the political system today, has any future-oriented vision of where humankind is going. Almost everywhere, you see retrograde vision: "Let's make America great again," like it was great -- I don't know -- in the '50s, in the '80s, sometime, let's go back there. And you go to Russia a hundred years after Lenin, Putin's vision for the future is basically, ah, let's go back to the Tsarist empire. And in Israel, where I come from, the hottest political vision of the present is: "Let's build the temple again." So let's go back 2,000 years backwards. So people are thinking sometime in the past we've lost it, and sometimes in the past, it's like you've lost your way in the city, and you say OK, let's go back to the point where I felt secure and start again. I don't think this can work, but a lot of people, this is their gut instinct.
Je pense que l'on assiste à la réaction humaine immédiate : si ça ne marche pas, on revient en arrière. On voit cela dans le monde entier, pratiquement personne aujourd'hui dans le système politique n'a de vision orientée vers l'avenir en ce qui concerne l'humanité. On voit une vision rétrograde presque partout : « Rendons à l'Amérique sa grandeur, » Comme si c'était le cas à une époque, disons dans les années 50 ou 80, retournons-y. Si vous allez en Russie, cent ans après Lénine, la vision de Poutine pour l'avenir est en gros : « Retournons à l'empire tsariste. » Et en Israël, d'où je viens, la vision politique brûlante du moment est celle-ci : « Reconstruisons le temple. » Retournons donc 2 000 ans en arrière. Les gens pensent que nous avons perdu quelque chose dans le passé, parfois c'est comme si on s'était perdu dans une ville, on se dit : faisons demi-tour, là où on se sentait en sécurité pour recommencer. Selon moi, cela ne marche pas, mais pour certains, c'est un instinct viscéral.
CA: But why couldn't it work? "America First" is a very appealing slogan in many ways. Patriotism is, in many ways, a very noble thing. It's played a role in promoting cooperation among large numbers of people. Why couldn't you have a world organized in countries, all of which put themselves first?
CA : Pourquoi ça ne marcherait pas ? « L'Amérique d'abord » est un beau slogan à bien des égards. Le patriotisme est très noble pour plusieurs raisons. Cela a permis la coopération au sein d'une foule de personnes. Pourquoi le monde ne serait pas organisé en plusieurs pays, où chacun penserait d'abord à lui-même ?
YNH: For many centuries, even thousands of years, patriotism worked quite well. Of course, it led to wars an so forth, but we shouldn't focus too much on the bad. There are also many, many positive things about patriotism, and the ability to have a large number of people care about each other, sympathize with one another, and come together for collective action. If you go back to the first nations, so, thousands of years ago, the people who lived along the Yellow River in China -- it was many, many different tribes and they all depended on the river for survival and for prosperity, but all of them also suffered from periodical floods and periodical droughts. And no tribe could really do anything about it, because each of them controlled just a tiny section of the river.
YNH : Pendant des siècles et même des milliers d'années, le patriotisme a bien marché. Bien sûr, il a mené à des guerres, etc, mais ne nous attardons pas sur l'aspect négatif. Il y a beaucoup de positif dans le patriotisme et la possibilité d'avoir un grand nombre de personnes qui s'entre-aident, qui sympathisent entre eux et qui se réunissent pour l'action collective. Si l'on remonte aux premières nations, donc des milliers d'années en arrière, ceux qui vivaient sur les bords du Huang He en Chine, il y avait plusieurs tribus différentes, elles dépendaient toutes du fleuve pour leur survie et leur prospérité, mais elles subissaient toutes des inondations périodiques et des sécheresses. Aucune tribu ne pouvait y faire grand chose, car chacune ne contrôlait qu'une petite partie du fleuve.
And then in a long and complicated process, the tribes coalesced together to form the Chinese nation, which controlled the entire Yellow River and had the ability to bring hundreds of thousands of people together to build dams and canals and regulate the river and prevent the worst floods and droughts and raise the level of prosperity for everybody. And this worked in many places around the world.
Puis, au cours d'un processus long et complexe, les tribus se sont coalisées pour former la nation chinoise, qui contrôla tout le cours du fleuve Jaune et put réunir des centaines de milliers de personnes pour construire des barrages et des canaux, pour réguler le fleuve et éviter les pires inondations et sécheresses et élever le niveau de prospérité de tout le monde. Ça a marché à plusieurs endroits dans le monde,
But in the 21st century, technology is changing all that in a fundamental way. We are now living -- all people in the world -- are living alongside the same cyber river, and no single nation can regulate this river by itself. We are all living together on a single planet, which is threatened by our own actions. And if you don't have some kind of global cooperation, nationalism is just not on the right level to tackle the problems, whether it's climate change or whether it's technological disruption.
mais au XXIe siècle, la technologie change tout cela de manière fondamentale. Actuellement, tout le monde sur terre, vit le long du même cyber-fleuve et aucune nation ne peut à elle seule le réguler. Nous vivons tous ensemble sur la même planète, qui est menacée par nos propres actions. S'il n'y a aucune coopération mondiale, le nationalisme n'est pas au bon niveau pour régler le problème, soit pour le changement climatique ou les ruptures technologiques.
CA: So it was a beautiful idea in a world where most of the action, most of the issues, took place on national scale, but your argument is that the issues that matter most today no longer take place on a national scale but on a global scale.
CA : C'était donc une bonne idée, dans un monde où la plupart des actions et des problèmes se jouaient au plan national, mais vous dites que les principaux problèmes actuels ne se jouent plus au plan national mais mondial.
YNH: Exactly. All the major problems of the world today are global in essence, and they cannot be solved unless through some kind of global cooperation. It's not just climate change, which is, like, the most obvious example people give. I think more in terms of technological disruption. If you think about, for example, artificial intelligence, over the next 20, 30 years pushing hundreds of millions of people out of the job market -- this is a problem on a global level. It will disrupt the economy of all the countries.
YNH : Exactement. Les grands problèmes mondiaux aujourd'hui sont, par essence, mondiaux, et ne peuvent être résolus que par une sorte de coopération mondiale. Pas que le changement climatique, qui est l'exemple évident le plus souvent cité. Je pense plutôt aux ruptures technologiques. Prenez, par exemple, l'intelligence artificielle, qui durant les 20 ou 30 années à venir exclura des centaines de millions de personnes du marché de l'emploi, c'est un problème de niveau mondial. Cela bouleversera l'économie de tous les pays.
And similarly, if you think about, say, bioengineering and people being afraid of conducting, I don't know, genetic engineering research in humans, it won't help if just a single country, let's say the US, outlaws all genetic experiments in humans, but China or North Korea continues to do it. So the US cannot solve it by itself, and very quickly, the pressure on the US to do the same will be immense because we are talking about high-risk, high-gain technologies. If somebody else is doing it, I can't allow myself to remain behind. The only way to have regulations, effective regulations, on things like genetic engineering, is to have global regulations. If you just have national regulations, nobody would like to stay behind.
De même, si l'on prend la bio-ingénierie et ceux qui ont peur de mener, disons, des recherches sur le génie génétique humain, il serait inutile si un seul pays, disons les États-Unis, interdisait toute expérience génétique humaine, mais que la Chine ou la Corée du Nord continuait à le faire. Les États-Unis ne peuvent donc pas régler cela tous seuls. Très vite, la pression sur les États-Unis pour le faire aussi serait immense car il s'agit là de technologies aux risques et aux gains élevés. Si un autre le fait, on ne peut pas se permettre de rester en arrière. Le seul moyen d'avoir des réglementations efficaces, sur des sujets tels que le génie génétique, c'est d'avoir des législations mondiales. S'il n'y a qu'une règle nationale, personne ne voudrait rester en arrière.
CA: So this is really interesting. It seems to me that this may be one key to provoking at least a constructive conversation between the different sides here, because I think everyone can agree that the start point of a lot of the anger that's propelled us to where we are is because of the legitimate concerns about job loss. Work is gone, a traditional way of life has gone, and it's no wonder that people are furious about that. And in general, they have blamed globalism, global elites, for doing this to them without asking their permission, and that seems like a legitimate complaint.
CA : C'est très intéressant. On dirait qu'il y a là une voie vers un dialogue constructif entre les différentes parties, car on peut tous être d'accord que le point de départ de toute cette colère qui nous a menés là où l'on est est dû à une inquiétude légitime sur la perte d'emploi. On a perdu le travail, ainsi qu'un mode de vie traditionnel, et sans aucun doute, les gens en sont furieux. En général, ils accusent le mondialisme et ses élites, de leur avoir fait ça sans leur demander la permission, et cela semble une plainte légitime.
But what I hear you saying is that -- so a key question is: What is the real cause of job loss, both now and going forward? To the extent that it's about globalism, then the right response, yes, is to shut down borders and keep people out and change trade agreements and so forth. But you're saying, I think, that actually the bigger cause of job loss is not going to be that at all. It's going to originate in technological questions, and we have no chance of solving that unless we operate as a connected world.
Mais si je vous comprends bien, une question-clé serait : Quelle est la vraie cause de la perte d'emploi, maintenant et à l'avenir ? Au point où il est question de mondialisme, en effet, la bonne réponse serait donc de fermer les frontières et empêcher les gens d'entrer et changer les accords commerciaux, etc. Mais vous dites, je pense, que la réelle cause de ce problème n'est pas du tout celle-là. Elle viendra des questions technologiques et on n'a aucune chance d'arranger cela à moins de procéder en tant que monde connecté.
YNH: Yeah, I think that, I don't know about the present, but looking to the future, it's not the Mexicans or Chinese who will take the jobs from the people in Pennsylvania, it's the robots and algorithms. So unless you plan to build a big wall on the border of California --
YNH : Oui, en effet. Je ne sais pas pour maintenant, mais pour l'avenir, ce ne sont pas les Mexicains ou les Chinois qui voleront l'emploi des habitants de la Pennsylvanie, ce sont les robots et algorithmes. A moins de vouloir construire un mur à la frontière californienne --
(Laughter)
(Rires)
the wall on the border with Mexico is going to be very ineffective. And I was struck when I watched the debates before the election, I was struck that certainly Trump did not even attempt to frighten people by saying the robots will take your jobs. Now even if it's not true, it doesn't matter. It could have been an extremely effective way of frightening people --
le mur à la frontière mexicaine ne sera d'aucune efficacité. Cela m'a frappé, lorsque j'ai vu le débat avant les élections, de constater que Trump n'a même pas essayé d'effrayer les gens en disant : « les robots vont prendre vos emplois. » Même si c'est faux, peu importe. Cela aurait été un bon moyen d'effrayer la population --
(Laughter)
(Rires)
and galvanizing people: "The robots will take your jobs!" And nobody used that line. And it made me afraid, because it meant that no matter what happens in universities and laboratories, and there, there is already an intense debate about it, but in the mainstream political system and among the general public, people are just unaware that there could be an immense technological disruption -- not in 200 years, but in 10, 20, 30 years -- and we have to do something about it now, partly because most of what we teach children today in school or in college is going to be completely irrelevant to the job market of 2040, 2050. So it's not something we'll need to think about in 2040. We need to think today what to teach the young people.
de la galvaniser : Les robots prendront vos emplois ! Personne n'a dit cela. Et ça m'a fait peur, parce que, peu importe ce qu'il se passe, dans les universités et laboratoires, bien qu'il y ait un débat intense sur la question, mais dans le système politique dominant et parmi le grand public, les gens ne savent pas qu'il pourrait y avoir un immense bouleversement technologique, pas dans 200 ans, mais dans 10, 20, 30 ans, et il faut agir dès maintenant, parce que ce que l'on enseigne aux enfants dans les écoles sera complétement inutile sur le marché de l'emploi en 2040 ou 2050. Ce n'est donc pas en 2040 qu'il faudra y penser. Il faut réfléchir maintenant à ce que l'on va enseigner à la jeunesse.
CA: Yeah, no, absolutely. You've often written about moments in history where humankind has ... entered a new era, unintentionally. Decisions have been made, technologies have been developed, and suddenly the world has changed, possibly in a way that's worse for everyone. So one of the examples you give in "Sapiens" is just the whole agricultural revolution, which, for an actual person tilling the fields, they just picked up a 12-hour backbreaking workday instead of six hours in the jungle and a much more interesting lifestyle.
CA : Oui, absolument. Vous avez souvent écrit sur des moments de l'histoire où l'humanité est entrée dans une nouvelle ère, sans le vouloir. Des décisions ont été prises, la technologie a évolué et soudain, le monde a changé, peut-être d'une manière pire pour tout le monde. Un des exemples donnés dans « Sapiens » est celui de la révolution agricole, qui, pour un laboureur moyen, les mains littéralement dans le cambouis, il a échangé 12 heures par jour à se casser le dos au travail au lieu de 6 heures dans la jungle avec une vie bien plus enrichissante.
(Laughter)
(Rires)
So are we at another possible phase change here, where we kind of sleepwalk into a future that none of us actually wants?
Sommes-nous donc à un nouveau changement de phase, où l'on irait, tels des somnambules, vers un futur dont personne ne veut ?
YNH: Yes, very much so. During the agricultural revolution, what happened is that immense technological and economic revolution empowered the human collective, but when you look at actual individual lives, the life of a tiny elite became much better, and the lives of the majority of people became considerably worse. And this can happen again in the 21st century. No doubt the new technologies will empower the human collective. But we may end up again with a tiny elite reaping all the benefits, taking all the fruits, and the masses of the population finding themselves worse than they were before, certainly much worse than this tiny elite.
YNH : Oui, en grande partie. Pendant la révolution agricole, l'immense révolution technologique et économique a renforcé la collectivité humaine, mais si l'on prend les cas individuels, la vie est devenue meilleure pour une petite élite, mais pour la grande majorité, le niveau de vie a empiré. Cela peut se reproduire au XXIe siècle. Il est indiscutable que les nouvelles technologies vont renforcer l'humanité. Mais, nous pouvons nous retrouver à nouveau avec une petite élite engrangeant tous les bénéfices, tous les fruits, et la masse des populations se retrouvant plus mal lotie qu'auparavant, certainement bien plus mal lotie que cette petite élite.
CA: And those elites might not even be human elites. They might be cyborgs or --
CA: Et ces élites pourraient même ne pas être humaines. Ce pourrait être des cyborgs, ou --
YNH: Yeah, they could be enhanced super humans. They could be cyborgs. They could be completely nonorganic elites. They could even be non-conscious algorithms. What we see now in the world is authority shifting away from humans to algorithms. More and more decisions -- about personal lives, about economic matters, about political matters -- are actually being taken by algorithms. If you ask the bank for a loan, chances are your fate is decided by an algorithm, not by a human being. And the general impression is that maybe Homo sapiens just lost it.
YNH : Ce pourrait être des super-humains améliorés, des cyborgs, des élites complétement inorganiques, voire même des algorithmes sans conscience. Ce que nous voyons aujourd'hui est un glissement de l'autorité des hommes vers les algorithmes. De plus en plus de décisions -- sur les vies personnelles, sur des sujets économiques, politiques -- sont réellement prises par des algorithmes. Si vous sollicitez un prêt dans une banque, il est probable que votre sort soit décidé par un algorithme, pas par un être humain. Et l'impression générale est que peut-être l'homo sapiens a perdu.
The world is so complicated, there is so much data, things are changing so fast, that this thing that evolved on the African savanna tens of thousands of years ago -- to cope with a particular environment, a particular volume of information and data -- it just can't handle the realities of the 21st century, and the only thing that may be able to handle it is big-data algorithms. So no wonder more and more authority is shifting from us to the algorithms.
Le monde est si compliqué, il y a tant de données, les choses changent si vite, que cette chose qui s'est développée dans les savanes africaines, il y a des dizaines de milliers d'années -- en réaction à un environnement particulier, un volume particulier d'informations et de données -- ne puisse tout simplement pas appréhender la réalité du XXIe siècle et la seule chose qui pourrait être capable de le faire, ce sont les algorithmes du big data. Il n'est pas étonnant que de plus en plus de pouvoir bascule vers les algorithmes.
CA: So we're in New York City for the first of a series of TED Dialogues with Yuval Harari, and there's a Facebook Live audience out there. We're excited to have you with us. We'll start coming to some of your questions and questions of people in the room in just a few minutes, so have those coming.
CA : Nous sommes ici à New York pour le premier d'une série de Dialogues TED avec Yuval Harari, et il y a un public Facebook Live. Nous sommes heureux de votre présence. Nous poserons quelques unes de vos questions et de celles du public ici présent dans quelques minutes, alors envoyez-les nous.
Yuval, if you're going to make the argument that we need to get past nationalism because of the coming technological ... danger, in a way, presented by so much of what's happening we've got to have a global conversation about this. Trouble is, it's hard to get people really believing that, I don't know, AI really is an imminent threat, and so forth. The things that people, some people at least, care about much more immediately, perhaps, is climate change, perhaps other issues like refugees, nuclear weapons, and so forth. Would you argue that where we are right now that somehow those issues need to be dialed up? You've talked about climate change, but Trump has said he doesn't believe in that. So in a way, your most powerful argument, you can't actually use to make this case.
Yuval, si vous devez soutenir que nous devons dépasser le nationalisme du fait de l'arrivée, d'une certaine façon d'un ... danger technologique, présenté par beaucoup comme ce qui arrive, nous devons mener une conversation mondiale à ce sujet. L'ennui est qu'il est difficile de faire prendre conscience que l'IA est vraiment une menace imminente. La chose dont les gens, certains d'entre eux au moins, se préoccupent le plus aujourd'hui, est le changement climatique, avec d'autres problèmes comme les réfugiés, les armes nucléaires, etc. Diriez-vous que, depuis notre position actuelle, ces problèmes doivent être pris en compte ? Vous avez parlé du changement climatique, mais Trump a dit qu'il n'y croyait pas. Donc d'une certaine façon, votre argument majeur, vous ne pouvez pas l'utiliser défendre cette idée.
YNH: Yeah, I think with climate change, at first sight, it's quite surprising that there is a very close correlation between nationalism and climate change. I mean, almost always, the people who deny climate change are nationalists. And at first sight, you think: Why? What's the connection? Why don't you have socialists denying climate change? But then, when you think about it, it's obvious -- because nationalism has no solution to climate change. If you want to be a nationalist in the 21st century, you have to deny the problem. If you accept the reality of the problem, then you must accept that, yes, there is still room in the world for patriotism, there is still room in the world for having special loyalties and obligations towards your own people, towards your own country. I don't think anybody is really thinking of abolishing that.
YNH : Je pense que le changement climatique, à première vue, et c'est assez surprenant il y a une relation très étroite entre le nationalisme et le changement climatique. Presque toujours, les négateurs du changement climatique sont nationalistes. Et vous vous demandez pourquoi. Quel est le lien ? Pourquoi les socialistes ne nient-ils pas le changement climatique ? Mais alors, quand vous y pensez, c'est évident -- parce que le nationalisme n'a pas de solution pour le changement climatique. Si vous voulez être un nationaliste du XXIe siècle, vous devez nier le problème. Si vous acceptez sa réalité, alors vous devez accepter que, oui, il reste une place dans le monde pour le patriotisme, il reste une place dans le monde pour des allégeances particulières et des obligations envers votre propre peuple, votre propre pays. Je ne crois pas que quiconque pense vraiment à abolir cela.
But in order to confront climate change, we need additional loyalties and commitments to a level beyond the nation. And that should not be impossible, because people can have several layers of loyalty. You can be loyal to your family and to your community and to your nation, so why can't you also be loyal to humankind as a whole? Of course, there are occasions when it becomes difficult, what to put first, but, you know, life is difficult. Handle it.
Mais pour se confronter au changement climatique, il nous faut des loyautés et des engagements supplémentaires à un niveau qui dépasse la nation. Et cela ne devrait pas être impossible, parce que les gens peuvent avoir plusieurs couches de loyauté. Vous pouvez être loyal à votre famille et à votre communauté et à votre nation. Pourquoi ne pourriez-vous pas aussi être loyal envers l'humanité toute entière ? Bien sûr, il y a des moments où cela devient difficile, quel choix privilégier, mais, la vie est difficile. Faites face.
(Laughter)
(Rires)
CA: OK, so I would love to get some questions from the audience here. We've got a microphone here. Speak into it, and Facebook, get them coming, too.
CA : Bien, donc j'aimerais maintenant que le public pose quelques questions. Le microphone est là. Allez-y et Facebook, posez vos questions aussi.
Howard Morgan: One of the things that has clearly made a huge difference in this country and other countries is the income distribution inequality, the dramatic change in income distribution in the US from what it was 50 years ago, and around the world. Is there anything we can do to affect that? Because that gets at a lot of the underlying causes.
Howard Morgan : Une des choses qui a vraiment fait une énorme différence dans ce pays et dans d'autres c'est l'inégalité de distribution des revenus, le changement dans la distribution des revenus aux États-Unis, par rapport à il y a 50 ans, et dans le monde entier. Pouvons-nous faire quelque chose pour modifier ça ? Parce qu'on arrive alors à beaucoup de causes sous-jacentes.
YNH: So far I haven't heard a very good idea about what to do about it, again, partly because most ideas remain on the national level, and the problem is global. I mean, one idea that we hear quite a lot about now is universal basic income. But this is a problem. I mean, I think it's a good start, but it's a problematic idea because it's not clear what "universal" is and it's not clear what "basic" is. Most people when they speak about universal basic income, they actually mean national basic income. But the problem is global.
YNH : Pour l'instant, je n'ai pas entendu de bonne idée sur ce qu'il faudrait faire, à nouveau, en partie parce que les idées restent au niveau national et que le problème est mondial. Je veux dire, une idée que l'on entend souvent maintenant est le revenu de base universel. Mais c'est problématique. Je pense que c'est un bon début, mais c'est une idée compliquée, la notion d'« universel » n'est pas claire comme celle de « de base ». La plupart des gens quand ils parlent de revenu de base universel, pensent réellement revenu de base national. Mais le problème est mondial.
Let's say that you have AI and 3D printers taking away millions of jobs in Bangladesh, from all the people who make my shirts and my shoes. So what's going to happen? The US government will levy taxes on Google and Apple in California, and use that to pay basic income to unemployed Bangladeshis? If you believe that, you can just as well believe that Santa Claus will come and solve the problem. So unless we have really universal and not national basic income, the deep problems are not going to go away.
Vous prenez une IA et des imprimantes 3D qui détruisent les millions d'emplois au Bangladesh, de ces gens qui fabriquent mes chemises, mes chaussures. Que se passera-t-il ? Le gouvernement américain va prélever des impôts sur Google et Apple en Californie et payer avec ça un revenu de base aux chômeurs bangladais ? Si vous y croyez, vous pouvez aussi croire que le Père Noël va venir pour résoudre le problème. Donc, à moins d'avoir un revenu de base vraiment universel et pas national, les problèmes de fond ne vont pas disparaître.
And also it's not clear what basic is, because what are basic human needs? A thousand years ago, just food and shelter was enough. But today, people will say education is a basic human need, it should be part of the package. But how much? Six years? Twelve years? PhD? Similarly, with health care, let's say that in 20, 30, 40 years, you'll have expensive treatments that can extend human life to 120, I don't know. Will this be part of the basket of basic income or not? It's a very difficult problem, because in a world where people lose their ability to be employed, the only thing they are going to get is this basic income. So what's part of it is a very, very difficult ethical question.
Et la notion « de base » n'est pas claire non plus, car quels sont les besoins de base de l'homme ? Il y a mille ans, de la nourriture et un toit suffisaient. Mais aujourd'hui, les gens diront que l'éducation est un besoin de base, il doit être inclus dans le lot. Mais combien ? Six ans ? Douze ans ? Un doctorat ? Même chose avec la santé, disons que dans 20, 30, 40 ans des traitements coûteux puissent allonger la durée de vie jusqu'à 120 ans, je ne sais pas. Feront-ils partie du panier du revenu de base ou pas ? C'est un problème très difficile, parce que dans un monde où les gens perdent leur capacité à être employés, la seule chose qu'ils obtiendront sera le revenu de base. Ce qu'il comprend devient une question d'éthique très, très compliquée.
CA: There's a bunch of questions on how the world affords it as well, who pays. There's a question here from Facebook from Lisa Larson: "How does nationalism in the US now compare to that between World War I and World War II in the last century?"
CA : Il y a un tas de questions sur comment le monde se le permet, qui paie. Nous avons une question, sur Facebook de Lisa Larson : « Comment le nationalisme aux États-Unis, aujourd'hui, se compare à celui d'entre la première et la seconde guerres mondiales au siècle dernier ? »
YNH: Well the good news, with regard to the dangers of nationalism, we are in a much better position than a century ago. A century ago, 1917, Europeans were killing each other by the millions. In 2016, with Brexit, as far as I remember, a single person lost their life, an MP who was murdered by some extremist. Just a single person. I mean, if Brexit was about British independence, this is the most peaceful war of independence in human history. And let's say that Scotland will now choose to leave the UK after Brexit.
YNH : Bon, la bonne nouvelle, concernant les dangers du nationalisme, nous sommes dans une bien meilleure position qu'il y a cent ans. Il y a cent ans, en 1917, les Européens s'entretuaient par millions. En 2016, avec le Brexit, autant que je m'en souvienne, une seule personne a perdu la vie, une députée assassinée par un extrémiste. Une seule personne. Si le Brexit concernait l'indépendance britannique, c'est la guerre d'indépendance la plus pacifique de l'histoire humaine. Et supposons que l'Écosse choisisse alors de quitter le Royaume-Uni, après le Brexit.
So in the 18th century, if Scotland wanted -- and the Scots wanted several times -- to break out of the control of London, the reaction of the government in London was to send an army up north to burn down Edinburgh and massacre the highland tribes. My guess is that if, in 2018, the Scots vote for independence, the London government will not send an army up north to burn down Edinburgh. Very few people are now willing to kill or be killed for Scottish or for British independence. So for all the talk of the rise of nationalism and going back to the 1930s, to the 19th century, in the West at least, the power of national sentiments today is far, far smaller than it was a century ago.
Donc, au XVIIIe siècle, si l'Écosse voulait -- et les Écossais l'ont voulu plusieurs fois -- s'échapper du contrôle de Londres, la réaction du gouvernement à Londres était d'envoyer une armée vers le nord pour brûler Édimbourg et massacrer les tribus des Highlands. À mon avis, si, en 2018, les Écossais votent pour l'indépendance, le gouvernement de Londres n'enverra pas d'armée vers le nord pour brûler Édimbourg. Aujourd'hui, très peu de gens veulent tuer ou mourir pour les indépendances écossaise ou britannique. Voilà pour la montée du nationalisme et le retour aux années 30, au XIXe siècle, au moins en Occident, le pouvoir des sentiments nationaux est bien, bien moins fort aujourd'hui qu'il ne l'était il y a cent ans.
CA: Although some people now, you hear publicly worrying about whether that might be shifting, that there could actually be outbreaks of violence in the US depending on how things turn out. Should we be worried about that, or do you really think things have shifted?
CA : Même si quelques personnes s'inquiètent publiquement d'un possible glissement, qu'il puisse vraiment y avoir des explosions de violence aux États-Unis selon la façon dont les choses se déroulent. Devons-nous nous en inquiéter, les choses ont-elles vraiment changé ?
YNH: No, we should be worried. We should be aware of two things. First of all, don't be hysterical. We are not back in the First World War yet. But on the other hand, don't be complacent. We reached from 1917 to 2017, not by some divine miracle, but simply by human decisions, and if we now start making the wrong decisions, we could be back in an analogous situation to 1917 in a few years. One of the things I know as a historian is that you should never underestimate human stupidity.
YNH : Non, nous devrions nous inquiéter de deux choses. Premièrement, ne soyez pas hystériques. Nous ne sommes pas encore revenus à la première guerre mondiale. Mais d'un autre coté, ne soyez pas complaisants. Nous sommes passés de 1917 à 2017, non par une sorte de miracle divin mais par des décisions humaines, et si nous commençons à prendre les mauvaises décisions, nous pourrions revenir à une situation analogue à celle de 1917 dans quelques années. Une des choses que je sais, en tant qu'historien, est que vous ne devriez jamais sous-estimer la stupidité de l'homme.
(Laughter)
(Rires)
It's one of the most powerful forces in history, human stupidity and human violence. Humans do such crazy things for no obvious reason, but again, at the same time, another very powerful force in human history is human wisdom. We have both.
C'est l'une des plus puissantes forces de l'histoire, la stupidité humaine et sa violence. Les hommes font des choses si folles sans raison évidente, mais encore, dans le même temps, une autre force très puissante dans l'histoire est la sagesse humaine. Nous avons les deux.
CA: We have with us here moral psychologist Jonathan Haidt, who I think has a question.
CA : Le psychologue moral Jonathan Haidt, est avec nous ici, je pense qu'il a une question.
Jonathan Haidt: Thanks, Yuval. So you seem to be a fan of global governance, but when you look at the map of the world from Transparency International, which rates the level of corruption of political institutions, it's a vast sea of red with little bits of yellow here and there for those with good institutions. So if we were to have some kind of global governance, what makes you think it would end up being more like Denmark rather than more like Russia or Honduras, and aren't there alternatives, such as we did with CFCs? There are ways to solve global problems with national governments. What would world government actually look like, and why do you think it would work?
Jonathan Haidt : Merci, Yuval. Vous semblez être un partisan de la gouvernance mondiale, mais quand vous regardez la carte du monde de Transparency International, qui note les niveaux de corruption des institutions politiques, c'est un océan de rouge avec de petits points jaunes ici et là pour les bonnes institutions. Si nous parvenions à une sorte de gouvernance mondiale pourquoi pensez-vous qu'il serait plutôt proche du Danemark que de la Russie ou du Honduras ? N'y a-t-il pas d'alternatives, comme ce que nous avons fait avec les CFC ? On peut résoudre les problèmes mondiaux avec des gouvernements nationaux. Que serait un gouvernement mondial, pourquoi pensez-vous que cela marcherait ?
YNH: Well, I don't know what it would look like. Nobody still has a model for that. The main reason we need it is because many of these issues are lose-lose situations. When you have a win-win situation like trade, both sides can benefit from a trade agreement, then this is something you can work out. Without some kind of global government, national governments each have an interest in doing it. But when you have a lose-lose situation like with climate change, it's much more difficult without some overarching authority, real authority.
YNH : Je ne sais pas ce à quoi cela ressemblerait. Personne n'a encore de modèle pour ça. La raison principale pour laquelle nous en avons besoin est que plusieurs de ces problèmes sont des situations perdant-perdant. Dans une situation gagnant-gagnant, comme avec le commerce, les deux parties peuvent bénéficier d'un accord commercial, on peut alors trouver une solution. Sans une sorte de gouvernement mondial, les gouvernements nationaux ont chacun un intérêt à le faire. Mais avec une situation perdant-perdant comme le changement climatique, c'est beaucoup plus difficile sans une sorte d'autorité supérieure, une véritable autorité.
Now, how to get there and what would it look like, I don't know. And certainly there is no obvious reason to think that it would look like Denmark, or that it would be a democracy. Most likely it wouldn't. We don't have workable democratic models for a global government. So maybe it would look more like ancient China than like modern Denmark. But still, given the dangers that we are facing, I think the imperative of having some kind of real ability to force through difficult decisions on the global level is more important than almost anything else.
Comment l'atteindre et ce à quoi cela ressemblerait, je ne le sais pas. Et il n'y a certainement pas de raison évidente de penser qu'il ressemblerait au Danemark ou qu'il serait une démocratie. Ce n'en serait probablement pas une. Nous n'avons pas de modèles démocratiques réalistes pour un gouvernement mondial. Donc cela ressemblerait plus à la Chine ancienne qu'au Danemark moderne. Mais, en considérant les dangers auxquels nous faisons face, je pense que l'impératif d'avoir une sorte de capacité réelle à imposer des décisions difficiles au niveau mondial est plus important qu'à peu près tout le reste.
CA: There's a question from Facebook here, and then we'll get the mic to Andrew. So, Kat Hebron on Facebook, calling in from Vail: "How would developed nations manage the millions of climate migrants?"
CA : Il y a une question de Facebook, puis nous passerons le micro à Andrew. Donc, Kat Hebron sur Facebook, depuis Vail : « Comment les pays développés gèreraient les millions de migrants climatiques ? »
YNH: I don't know.
YNH : Je ne sais pas.
CA: That's your answer, Kat. (Laughter)
CA : C'est votre réponse, Kat. (Rires)
YNH: And I don't think that they know either. They'll just deny the problem, maybe.
YNH : Je ne pense pas qu'ils le sachent non plus. Ils vont nier le problème, peut-être.
CA: But immigration, generally, is another example of a problem that's very hard to solve on a nation-by-nation basis. One nation can shut its doors, but maybe that stores up problems for the future.
CA : L'immigration est un autre exemple d'un problème très difficile à résoudre de nation à nation. Une nation peut fermer ses portes, mais c'est peut-être repousser les problèmes dans l'avenir.
YNH: Yes, I mean -- it's another very good case, especially because it's so much easier to migrate today than it was in the Middle Ages or in ancient times.
YNH : Oui, je veux dire -- c'est un autre très bon cas, parce qu'il est beaucoup plus facile de migrer aujourd'hui qu'au Moyen Âge ou dans les temps anciens.
CA: Yuval, there's a belief among many technologists, certainly, that political concerns are kind of overblown, that actually, political leaders don't have that much influence in the world, that the real determination of humanity at this point is by science, by invention, by companies, by many things other than political leaders, and it's actually very hard for leaders to do much, so we're actually worrying about nothing here.
CA : Yuval, il y a une croyance parmi de nombreux technologues, assurément, que les problèmes politiques sont un peu exagérés ; qu'en fait les hommes politiques n'ont pas tant d'influence que ça dans le monde ; qu'aujourd'hui, les décisions de l'humanité sont prises par la science, l'invention, les entreprises, par beaucoup de choses autres que les hommes politiques, il est très difficile pour les politiques de peser, donc, nous nous soucions vraiment de rien ici.
YNH: Well, first, it should be emphasized that it's true that political leaders' ability to do good is very limited, but their ability to do harm is unlimited. There is a basic imbalance here. You can still press the button and blow everybody up. You have that kind of ability. But if you want, for example, to reduce inequality, that's very, very difficult. But to start a war, you can still do so very easily. So there is a built-in imbalance in the political system today which is very frustrating, where you cannot do a lot of good but you can still do a lot of harm. And this makes the political system still a very big concern.
YNH : Premièrement, il doit être souligné qu'il est vrai que la capacité des hommes politiques à bien agir est limitée, mais leur capacité à blesser n'a pas de limites. Il y a un déséquilibre de base, là. Vous pouvez toujours presser le bouton et faire exploser tout le monde. Vous pouvez le faire. Mais si vous voulez, par exemple, réduire les inégalités, c'est très, très difficile. Mais lancer une guerre, vous pouvez encore le faire facilement. Donc il y a un déséquilibre fondamental dans le système politique actuel, ce qui est très frustrant. Vous ne pouvez pas faire beaucoup de bien mais pouvez encore faire beaucoup de mal. Cela fait toujours du système politique une très grande préoccupation.
CA: So as you look at what's happening today, and putting your historian's hat on, do you look back in history at moments when things were going just fine and an individual leader really took the world or their country backwards?
CA : En regardant ce qui arrive aujourd'hui, avec votre casquette d'historien, trouvez-vous dans l'histoire des moments où les choses allaient bien quand un dirigeant a vraiment fait revenir le monde ou son pays en arrière ?
YNH: There are quite a few examples, but I should emphasize, it's never an individual leader. I mean, somebody put him there, and somebody allowed him to continue to be there. So it's never really just the fault of a single individual. There are a lot of people behind every such individual.
YNH : Il y a plusieurs exemples, mais il faut noter que ce n'est jamais un dirigeant seul. Quelqu'un l'a placé là et quelqu'un lui a permis de rester à cette place. Donc ce n'est jamais vraiment la faute d'un seul individu. Il y a beaucoup de gens derrière chacun de ces individus.
CA: Can we have the microphone here, please, to Andrew?
CA : Pouvez-vous passer le micro à Andrew, s'il vous plait ?
Andrew Solomon: You've talked a lot about the global versus the national, but increasingly, it seems to me, the world situation is in the hands of identity groups. We look at people within the United States who have been recruited by ISIS. We look at these other groups which have formed which go outside of national bounds but still represent significant authorities. How are they to be integrated into the system, and how is a diverse set of identities to be made coherent under either national or global leadership?
Andrew Solomon : Vous avez parlé du mondial contre le national, mais de plus en plus, il me semble, la situation du monde est entre les mains de groupes identitaires. Nous voyons des gens, aux États-Unis qui ont été recrutés par Daech. Nous voyons ces autres groupes qui se sont formés qui dépassent les frontières nationales mais représentent toujours des autorités importantes. Comment les intégrer dans le système et comment rendre cohérent un ensemble d'identités diverses soit sous une direction nationale ou mondiale ?
YNH: Well, the problem of such diverse identities is a problem from nationalism as well. Nationalism believes in a single, monolithic identity, and exclusive or at least more extreme versions of nationalism believe in an exclusive loyalty to a single identity. And therefore, nationalism has had a lot of problems with people wanting to divide their identities between various groups. So it's not just a problem, say, for a global vision.
YNH : Le problème d'identités si différentes est aussi un problème de nationalisme. Le nationalisme croit en une identité unique, monolithique et exclusive, ou au moins les versions les plus extrêmes du nationalisme croient en une loyauté exclusive envers une identité unique. En conséquence, le nationalisme a eu de nombreux problèmes avec les personnes voulant diviser leur identité entre différents groupes. Donc, ce n'est pas un problème pour une vision mondiale.
And I think, again, history shows that you shouldn't necessarily think in such exclusive terms. If you think that there is just a single identity for a person, "I am just X, that's it, I can't be several things, I can be just that," that's the start of the problem. You have religions, you have nations that sometimes demand exclusive loyalty, but it's not the only option. There are many religions and many nations that enable you to have diverse identities at the same time.
Je pense que l'histoire montre que vous ne devriez pas nécessairement penser en termes si exclusifs. Si vous pensez qu'il n'y a qu'une identité unique par personne, « Je suis X, c'est tout. je ne peux pas être plusieurs choses, je ne peux être que ça », c'est la racine du problème. Il y a des religions, il y a des nations qui exigent parfois une loyauté exclusive, mais ce n'est pas la seule option. Il y a beaucoup de religions, beaucoup de nations qui vous permettent d'avoir des identités diverses au même moment.
CA: But is one explanation of what's happened in the last year that a group of people have got fed up with, if you like, the liberal elites, for want of a better term, obsessing over many, many different identities and them feeling, "But what about my identity? I am being completely ignored here. And by the way, I thought I was the majority"? And that that's actually sparked a lot of the anger.
CA : Mais peut-on expliquer ce qui est arrivé l'année dernière quand un groupe de personnes en ont eu marre des élites libérales, à défaut de meilleur terme, obnubilées par de nombreuses identités différentes et eux qui pensent : « Mais, et mon identité ? On m'ignore complètement, là. Et, en passant, je pensais appartenir à la majorité » ? Et c'est ce qui a vraiment déclenché une grande colère.
YNH: Yeah. Identity is always problematic, because identity is always based on fictional stories that sooner or later collide with reality. Almost all identities, I mean, beyond the level of the basic community of a few dozen people, are based on a fictional story. They are not the truth. They are not the reality. It's just a story that people invent and tell one another and start believing. And therefore all identities are extremely unstable. They are not a biological reality. Sometimes nationalists, for example, think that the nation is a biological entity. It's made of the combination of soil and blood, creates the nation. But this is just a fictional story.
YNH : Oui, l'identité est toujours problématique, parce que l'identité est toujours basée sur des histoires fictionnelles qui se heurtent tôt ou tard à la réalité. Presque toutes les identités, je veux dire, au-delà de la communauté de base de quelques douzaines de gens, sont basées sur une fiction. Elles ne sont pas la vérité. Elles ne sont pas la réalité. C'est une histoire que les gens inventent et qu'ils se racontent et commencent à croire. En conséquence, toutes les identités sont extrêmement instables. Elles ne sont pas une réalité biologique. Parfois les nationalistes, par exemple, pensent que la nation est une entité biologique. Qu'elle est faite d'une combinaison de sol et de sang, qui crée la nation. Mais ce n'est qu'une fiction.
CA: Soil and blood kind of makes a gooey mess.
CA : Le sol, le sang ça fait une sorte de masse gluante.
(Laughter)
(Rires)
YNH: It does, and also it messes with your mind when you think too much that I am a combination of soil and blood. If you look from a biological perspective, obviously none of the nations that exist today existed 5,000 years ago. Homo sapiens is a social animal, that's for sure. But for millions of years, Homo sapiens and our hominid ancestors lived in small communities of a few dozen individuals. Everybody knew everybody else. Whereas modern nations are imagined communities, in the sense that I don't even know all these people. I come from a relatively small nation, Israel, and of eight million Israelis, I never met most of them. I will never meet most of them. They basically exist here.
YNH : Oui et ça affecte aussi votre esprit quand vous pensez trop être un mélange de terre et de sang. Si vous prenez une perspective biologique, aucune des nations existantes aujourd'hui n'existait il y a 5 000 ans. L'homo sapiens est un animal social, c'est certain. Mais pendant des millions d'années, l'homo sapiens et nos ancêtres hominidés ont vécu dans de petites communautés de quelques douzaines d'individus. Tout le monde se connaissait. Alors que les nations modernes sont des communautés imaginaires, dans le sens où je ne connais pas toutes ces personnes. Je viens d'une assez petite nation, Israël, et sur les 8 millions d’Israéliens, je n'en ai jamais rencontré la plupart. Je ne les rencontrerai jamais. Ils existent essentiellement ici.
CA: But in terms of this identity, this group who feel left out and perhaps have work taken away, I mean, in "Homo Deus," you actually speak of this group in one sense expanding, that so many people may have their jobs taken away by technology in some way that we could end up with a really large -- I think you call it a "useless class" -- a class where traditionally, as viewed by the economy, these people have no use.
CA : Mais en termes d'identité, ce groupe qui se sent abandonné et dont on a peut-être pris le travail, je veux dire, dans « Homo Deus », vous parlez vraiment de ce groupe, qui en un sens s'étend, ces personnes si nombreuses qui peuvent perdre leur emploi du fait de la technologie, d'une certaine façon, que nous pourrions arriver à une très grande -- vous l'appelez une « classe inutile » -- une classe qui, traditionnellement, vue par l'économie, ces personnes n'ont pas d'utilité.
YNH: Yes.
YNH : Oui.
CA: How likely a possibility is that? Is that something we should be terrified about? And can we address it in any way?
CA : Quelle en est la probabilité ? Est-ce une chose dont nous devrions être terrifiés ? Et pouvons-nous résoudre ce problème ?
YNH: We should think about it very carefully. I mean, nobody really knows what the job market will look like in 2040, 2050. There is a chance many new jobs will appear, but it's not certain. And even if new jobs do appear, it won't necessarily be easy for a 50-year old unemployed truck driver made unemployed by self-driving vehicles, it won't be easy for an unemployed truck driver to reinvent himself or herself as a designer of virtual worlds.
YNH : Nous devrions y penser très attentivement. Personne ne sait vraiment ce que sera le marché de l'emploi en 2040, 2050. Il se peut que de nombreux nouveaux emplois apparaissent, mais ce n'est pas sûr. Et même si de nouveaux emplois se créent, il ne sera pas nécessairement facile pour un camionneur au chômage de 50 ans remplacé par les véhicules autonomes, ce ne sera pas facile pour un camionneur au chômage de se réinventer en tant que concepteur de mondes virtuels.
Previously, if you look at the trajectory of the industrial revolution, when machines replaced humans in one type of work, the solution usually came from low-skill work in new lines of business. So you didn't need any more agricultural workers, so people moved to working in low-skill industrial jobs, and when this was taken away by more and more machines, people moved to low-skill service jobs. Now, when people say there will be new jobs in the future, that humans can do better than AI, that humans can do better than robots, they usually think about high-skill jobs, like software engineers designing virtual worlds. Now, I don't see how an unemployed cashier from Wal-Mart reinvents herself or himself at 50 as a designer of virtual worlds, and certainly I don't see how the millions of unemployed Bangladeshi textile workers will be able to do that. I mean, if they are going to do it, we need to start teaching the Bangladeshis today how to be software designers, and we are not doing it. So what will they do in 20 years?
Avant, si vous regardez la trajectoire de la révolution industrielle, quand les machines ont remplacé les hommes pour un certain travail, la solution venait habituellement du travail avec peu de qualifications dans de nouvelles branches de l'activité. Donc, vous n'aviez plus besoin de travailleurs agricoles, les gens ont pris des emplois industriels peu qualifiés et quand cela leur a été retiré par de plus en plus de machines, les gens sont passés à des emplois de service peu qualifiés. Maintenant, quand on dit qu'il y aura de nouveaux emplois pour demain, que les hommes font mieux que les IA, que les hommes font mieux que les robots, ils pensent habituellement à des emplois très qualifiés, comme les ingénieurs logiciels qui conçoivent des mondes virtuels. Je ne vois pas comment une caissière de supermarché au chômage se réinvente à 50 ans en conceptrice de mondes virtuels et je ne vois certainement pas comment les millions de travailleurs du textile au chômage au Bangladesh pourront le faire. Je veux dire, pour le faire, nous devons commencer à les former aujourd'hui à être des concepteurs de logiciels et nous ne le faisons pas. Alors que feront-ils dans 20 ans ?
CA: So it feels like you're really highlighting a question that's really been bugging me the last few months more and more. It's almost a hard question to ask in public, but if any mind has some wisdom to offer in it, maybe it's yours, so I'm going to ask you: What are humans for?
CA : Il semble que vous posez vraiment une question qui me préoccupe vraiment de plus en plus ces derniers mois. C'est presque une question difficile à poser en public, mais si quelqu'un a une explication à donner, peut-être est-ce vous donc je vais vous demander : à quoi servent les hommes ?
YNH: As far as we know, for nothing.
YNH : Pour autant que je sache, à rien.
(Laughter)
(Rires)
I mean, there is no great cosmic drama, some great cosmic plan, that we have a role to play in. And we just need to discover what our role is and then play it to the best of our ability. This has been the story of all religions and ideologies and so forth, but as a scientist, the best I can say is this is not true. There is no universal drama with a role in it for Homo sapiens. So --
Je veux dire, il n'y a pas de grand drame, de grand plan cosmique, dans lequel nous avons un rôle à jouer. Et nous devons découvrir quel est notre rôle et puis le jouer au mieux de nos capacités. Cela a été l'histoire de nos religions et de nos idéologies jusqu'à maintenant, en tant que scientifique, je peux dire que ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de pièce de théâtre universelle avec un rôle pour les homo sapiens. Donc --
CA: I'm going to push back on you just for a minute, just from your own book, because in "Homo Deus," you give really one of the most coherent and understandable accounts about sentience, about consciousness, and that unique sort of human skill. You point out that it's different from intelligence, the intelligence that we're building in machines, and that there's actually a lot of mystery around it. How can you be sure there's no purpose when we don't even understand what this sentience thing is? I mean, in your own thinking, isn't there a chance that what humans are for is to be the universe's sentient things, to be the centers of joy and love and happiness and hope? And maybe we can build machines that actually help amplify that, even if they're not going to become sentient themselves? Is that crazy? I kind of found myself hoping that, reading your book.
CA : Je vais insister pour seulement une minute, dans votre propre livre, parce que dans « Homo Deus » vous donnez l'un des points de vue les plus cohérents et compréhensibles sur la sentience, la conscience et cette compétence unique de l'être humain. Vous dites qu'elle est différente de l'intelligence, celle que nous construisons dans les machines, et qu'elle est vraiment entourée d'un grand mystère. Comment pouvez-vous être certain qu'il n'y a pas de finalité quand nous ne comprenons même pas ce qu'est cette sentience ? Je veux dire, selon vous, n'est-il pas possible que la justification des hommes soit d'être les éléments sensibles de l'univers les centres du plaisir et de l'amour, du bonheur et de l'espoir ? Peut-être pouvons-nous construire des machines qui accentueraient ça même si elles ne deviennent pas sensibles elles-mêmes ? Est-ce une idée folle ? En lisant votre livre, je me suis vu espérer en tout ça.
YNH: Well, I certainly think that the most interesting question today in science is the question of consciousness and the mind. We are getting better and better in understanding the brain and intelligence, but we are not getting much better in understanding the mind and consciousness. People often confuse intelligence and consciousness, especially in places like Silicon Valley, which is understandable, because in humans, they go together. I mean, intelligence basically is the ability to solve problems. Consciousness is the ability to feel things, to feel joy and sadness and boredom and pain and so forth. In Homo sapiens and all other mammals as well -- it's not unique to humans -- in all mammals and birds and some other animals, intelligence and consciousness go together. We often solve problems by feeling things. So we tend to confuse them. But they are different things.
YNH : Je pense qu'aujourd'hui, la question la plus intéressante en sciences est la question de la conscience et de l'esprit. Nous comprenons de mieux en mieux le fonctionnement du cerveau et de l'intelligence, mais nous n'avançons pas autant dans la compréhension de l'esprit et de la conscience. Les gens confondent souvent l'intelligence et la conscience, surtout dans des endroits comme la Silicon Valley, ce qui est compréhensible parce que, chez les hommes, elles sont liées. Je veux dire, l'intelligence est au fond la capacité à résoudre des problèmes. La conscience est la capacité à ressentir les choses, à ressentir de la joie et de la tristesse, de l'ennui, de la souffrance et le reste. Chez l'homo sapiens et les autres mammifères -- ce n'est pas uniquement humain -- chez les mammifères, les oiseaux et quelques autres animaux, l'intelligence et la conscience sont liées. Nous résolvons souvent les problèmes en ressentant les choses. Donc, nous tendons à les confondre. Mais ce sont des choses différentes.
What's happening today in places like Silicon Valley is that we are creating artificial intelligence but not artificial consciousness. There has been an amazing development in computer intelligence over the last 50 years, and exactly zero development in computer consciousness, and there is no indication that computers are going to become conscious anytime soon.
Ce qui arrive dans des endroits comme la Silicon Valley, c'est que nous créons une intelligence artificielle mais pas une conscience artificielle. Il y a eu un développement formidable de l'intelligence des ordinateurs au cours des 50 dernières années, et exactement aucun développement dans la conscience des ordinateurs et il n'y a aucune indication que les ordinateurs deviendront conscients prochainement.
So first of all, if there is some cosmic role for consciousness, it's not unique to Homo sapiens. Cows are conscious, pigs are conscious, chimpanzees are conscious, chickens are conscious, so if we go that way, first of all, we need to broaden our horizons and remember very clearly we are not the only sentient beings on Earth, and when it comes to sentience -- when it comes to intelligence, there is good reason to think we are the most intelligent of the whole bunch.
Donc en premier lieu, s'il existe un rôle pour la conscience dans l'univers, il n'est pas réservé aux homo sapiens. Les vaches sont conscientes, les porcs sont conscients, les chimpanzés sont conscients, les poulets aussi, si nous suivons cette voie, premièrement, nous devons étendre notre horizon, nous souvenir clairement : nous ne sommes pas les seuls êtres sensibles sur Terre, mais s'agissant de la sentience -- quand il s'agit de l'intelligence, il y a de bonnes raisons de penser que nous sommes les plus intelligents de toute la bande.
But when it comes to sentience, to say that humans are more sentient than whales, or more sentient than baboons or more sentient than cats, I see no evidence for that. So first step is, you go in that direction, expand. And then the second question of what is it for, I would reverse it and I would say that I don't think sentience is for anything. I think we don't need to find our role in the universe. The really important thing is to liberate ourselves from suffering. What characterizes sentient beings in contrast to robots, to stones, to whatever, is that sentient beings suffer, can suffer, and what they should focus on is not finding their place in some mysterious cosmic drama. They should focus on understanding what suffering is, what causes it and how to be liberated from it.
Mais s'agissant de la sentience, dire que les hommes sont plus sensibles que les baleines, que les babouins ou que les chats, je n'en vois aucune preuve. Donc, d'abord, aller dans cette direction, s'étendre. Et alors la seconde question, à quoi ça sert ? Je la renverserais et dirais que je ne pense pas que la sentience ait une utilité. Je pense que nous n'avons pas à trouver notre rôle dans l'univers. La chose vraiment importante est de nous libérer de la souffrance. Ce qui caractérise les être sensibles en opposition aux robots, aux pierres, à quoi que ce soit, est que les êtres sensibles souffrent, peuvent souffrir, et ce sur quoi ils devraient se concentrer ce n'est pas de trouver leur place dans un quelconque drame cosmique. Ils devraient se concentrer sur la compréhension de ce qu'est la souffrance, de ce qui la cause et de la façon de s'en libérer.
CA: I know this is a big issue for you, and that was very eloquent. We're going to have a blizzard of questions from the audience here, and maybe from Facebook as well, and maybe some comments as well. So let's go quick. There's one right here. Keep your hands held up at the back if you want the mic, and we'll get it back to you.
CA : C'est un problème important pour vous et vous étiez très éloquent. Nous allons lancer une tornade de questions du public de la salle, et peut-être aussi de Facebook et peut-être même des commentaires. Donc, allons-y. En voici une ici. Si vous voulez le micro, conservez votre main levée et on vous le passera.
Question: In your work, you talk a lot about the fictional stories that we accept as truth, and we live our lives by it. As an individual, knowing that, how does it impact the stories that you choose to live your life, and do you confuse them with the truth, like all of us?
Question : Dans votre travail, vous parlez beaucoup des fictions que nous acceptons comme vérités et nous vivons en fonction. En tant qu'individu, sachant cela, comment cela impacte-t-il les histoires que vous choisissez de vivre et les confondez-vous avec la vérité, comme nous tous ?
YNH: I try not to. I mean, for me, maybe the most important question, both as a scientist and as a person, is how to tell the difference between fiction and reality, because reality is there. I'm not saying that everything is fiction. It's just very difficult for human beings to tell the difference between fiction and reality, and it has become more and more difficult as history progressed, because the fictions that we have created -- nations and gods and money and corporations -- they now control the world. So just to even think, "Oh, this is just all fictional entities that we've created," is very difficult. But reality is there.
YNH : J'essaie de ne pas le faire. Pour moi, la question peut-être la plus importante, en tant que scientifique et en tant que personne, est comment faire la différence entre la fiction et la réalité, parce que la réalité est ici. Je ne dis pas que tout est fiction. Il est difficile pour les êtres humains de faire la différence entre la fiction et la réalité et c'est devenu de plus en plus difficile à mesure de l'avancement de l'histoire, parce que les fictions que nous avons créées -- les nations et les dieux, l'argent et les entreprises -- contrôlent désormais le monde. Donc, juste de penser : « Oh, ce sont des entités fictives que nous avons créées », c'est très difficile. Mais la réalité est ici.
For me the best ... There are several tests to tell the difference between fiction and reality. The simplest one, the best one that I can say in short, is the test of suffering. If it can suffer, it's real. If it can't suffer, it's not real. A nation cannot suffer. That's very, very clear. Even if a nation loses a war, we say, "Germany suffered a defeat in the First World War," it's a metaphor. Germany cannot suffer. Germany has no mind. Germany has no consciousness. Germans can suffer, yes, but Germany cannot. Similarly, when a bank goes bust, the bank cannot suffer. When the dollar loses its value, the dollar doesn't suffer. People can suffer. Animals can suffer. This is real. So I would start, if you really want to see reality, I would go through the door of suffering. If you can really understand what suffering is, this will give you also the key to understand what reality is.
Pour moi le meilleur ... il y a plusieurs tests pour faire la différence entre la fiction et la réalité. Le plus simple, le meilleur que je puisse présenter rapidement, est le test de la souffrance. Si ça peut souffrir, c'est réel. Sinon, ce n'est pas réel. Une nation ne peut pas souffrir. C'est très, très clair. Même si une nation perd une guerre, on dit : « l'Allemagne a souffert d'une défaite durant la première guerre mondiale »; c'est une métaphore. L'Allemagne ne souffre pas. L'Allemagne n'a pas d'esprit. L'Allemagne n'a pas de conscience. Les Allemands peuvent souffrir, oui, mais pas l'Allemagne. De la même façon, quand une banque fait faillite, la banque ne peut pas souffrir. Quand le dollar perd de sa valeur, le dollar ne souffre pas. Les personnes peuvent souffrir. Les animaux aussi. C'est réel. Donc, si je voulais vraiment voir la réalité, je passerais la porte de la souffrance. Si vous pouvez vraiment comprendre ce qu'est la souffrance, ça vous donnera aussi la clé pour comprendre ce qu'est la réalité.
CA: There's a Facebook question here that connects to this, from someone around the world in a language that I cannot read.
CA : Il y a une question Facebook en relation avec ça, de quelqu'un, dans une langue que je ne lis pas.
YNH: Oh, it's Hebrew. CA: Hebrew. There you go.
YHN : C'est de l'hébreux ! CA : De l'hébreux ! Allez-y.
(Laughter)
(Rires)
Can you read the name?
Pouvez-vous lire le nom ?
YNH: Or Lauterbach Goren.
YHN : Or Lauterbach Goren.
CA: Well, thank you for writing in. The question is: "Is the post-truth era really a brand-new era, or just another climax or moment in a never-ending trend?
CA: Bien, merci pour la question. La question : « L'ère de la post-vérité est-elle vraiment une nouvelle ère ou juste un autre climax ou un moment dans une tendance sans fin ? »
YNH: Personally, I don't connect with this idea of post-truth. My basic reaction as a historian is: If this is the era of post-truth, when the hell was the era of truth?
YNH : Personnellement, je ne percute pas sur cette idée de post-vérité. Ma réaction, en tant qu'historien, est : si c'est l'ère de la post-vérité, quand a eu lieu l'ère de la vérité ?
CA: Right.
CA : C'est vrai.
(Laughter)
(Rires)
YNH: Was it the 1980s, the 1950s, the Middle Ages? I mean, we have always lived in an era, in a way, of post-truth.
YNH : Était-ce les années 1980, 1950, le Moyen-Âge ? Je veux dire, nous avons toujours vécu dans une ère de post-vérité.
CA: But I'd push back on that, because I think what people are talking about is that there was a world where you had fewer journalistic outlets, where there were traditions, that things were fact-checked. It was incorporated into the charter of those organizations that the truth mattered. So if you believe in a reality, then what you write is information. There was a belief that that information should connect to reality in a real way, and if you wrote a headline, it was a serious, earnest attempt to reflect something that had actually happened. And people didn't always get it right.
CA : Mais je répondrai à ça, parce que je pense que ce dont les gens parlent est qu'il existait un monde avec moins de publications, de journaux, ou il y avait des traditions, les faits étaient vérifiés. Il était intégré dans ces organisations que la vérité comptait. Donc, si vous croyez en une réalité, alors ce que vous écrivez est de l'information. On croyait que l'information devait être vraiment reliée à la réalité et si vous rédigiez un titre, c'était une tentative sérieuse de décrire une chose s'étant vraiment passée. Les gens n'avaient pas toujours raison.
But I think the concern now is you've got a technological system that's incredibly powerful that, for a while at least, massively amplified anything with no attention paid to whether it connected to reality, only to whether it connected to clicks and attention, and that that was arguably toxic. That's a reasonable concern, isn't it?
Mais le problème aujourd'hui est qu'il y a un système technologique incroyablement puissant qui, pendant un temps au moins, amplifie tout massivement sans prêter attention à son lien avec la réalité, seulement aux clics et à l'attention reçue et cela a été toxique. C'est une préoccupation raisonnable, n'est-ce pas ?
YNH: Yeah, it is. I mean, the technology changes, and it's now easier to disseminate both truth and fiction and falsehood. It goes both ways. It's also much easier, though, to spread the truth than it was ever before. But I don't think there is anything essentially new about this disseminating fictions and errors. There is nothing that -- I don't know -- Joseph Goebbels, didn't know about all this idea of fake news and post-truth. He famously said that if you repeat a lie often enough, people will think it's the truth, and the bigger the lie, the better, because people won't even think that something so big can be a lie. I think that fake news has been with us for thousands of years. Just think of the Bible.
YNH : Oui, ça l'est. La technologie change et il est plus facile de disséminer la vérité, la fiction, le faux. Cela marche dans les deux sens. Il est aussi plus facile de diffuser la vérité que cela ne l'était avant. Mais je ne pense pas qu'il y ait une chose fondamentalement nouvelle dans cette dissémination de fictions et d'erreurs. Il n'y a là rien que Joseph Goebbels ne savait pas sur toutes ces idées de fausses informations et de post-vérité. Il a dit que si vous répétez un mensonge suffisamment souvent, les gens vont penser que c'est la vérité et plus le mensonge est gros, mieux c'est, parce que les gens ne vont pas imaginer qu'une chose aussi énorme soit un mensonge. Je pense que les fausses informations nous accompagnent depuis des milliers d'années. Pensez simplement à la Bible.
(Laughter)
(Rires)
CA: But there is a concern that the fake news is associated with tyrannical regimes, and when you see an uprise in fake news that is a canary in the coal mine that there may be dark times coming.
CA : Mais il y a la crainte que les fausses informations soient associées à des régimes tyranniques et quand vous voyez une montée de fausses informations, c'est le canari dans la mine de charbon, des périodes sombres arrivent.
YNH: Yeah. I mean, the intentional use of fake news is a disturbing sign. But I'm not saying that it's not bad, I'm just saying that it's not new.
YNH : Oui, l'usage intentionnel des fausses informations est un mauvais signe. Mais je ne dis pas que ce n'est pas mal, je dis juste que ce n'est pas nouveau.
CA: There's a lot of interest on Facebook on this question about global governance versus nationalism. Question here from Phil Dennis: "How do we get people, governments, to relinquish power? Is that -- is that -- actually, the text is so big I can't read the full question. But is that a necessity? Is it going to take war to get there? Sorry Phil -- I mangled your question, but I blame the text right here.
CA : Il y a un grand intérêt pour cette question sur Facebook : la gouvernance mondiale contre le nationalisme. Une question de Phil Dennis : « Comment faire que les gouvernements renoncent au pouvoir ? Est-ce -- est-ce » -- le texte est vraiment trop gros je ne lis pas toute la question. Mais est-ce une nécessité ? Faudra-t-il une guerre pour y parvenir ? Désolé Phil -- j'ai déformé votre question, mais c'est le texte ici.
YNH: One option that some people talk about is that only a catastrophe can shake humankind and open the path to a real system of global governance, and they say that we can't do it before the catastrophe, but we need to start laying the foundations so that when the disaster strikes, we can react quickly. But people will just not have the motivation to do such a thing before the disaster strikes. Another thing that I would emphasize is that anybody who is really interested in global governance should always make it very, very clear that it doesn't replace or abolish local identities and communities, that it should come both as -- It should be part of a single package.
YNH : Une option dont certains parlent est que seule une catastrophe peut secouer l'humanité et ouvrir le chemin à un vrai système de gouvernance mondiale et ils disent que nous pouvons le faire avant la catastrophe, mais que nous devons commencer à en poser les fondations de façon à ce que quand le désastre se présente, nous puissions réagir rapidement. Mais les gens n'auront pas la motivation de faire une telle chose avant que le désastre ne nous frappe. Un autre point sur lequel je voudrais insister est que quiconque s'intéresse vraiment à la gouvernance mondiale devrait toujours rendre très, très clair le fait qu'elle ne remplace pas et n'abolit pas les identités locales et les communautés, qu'elle devrait arriver avec -- ça devrait arriver en un seul lot.
CA: I want to hear more on this, because the very words "global governance" are almost the epitome of evil in the mindset of a lot of people on the alt-right right now. It just seems scary, remote, distant, and it has let them down, and so globalists, global governance -- no, go away! And many view the election as the ultimate poke in the eye to anyone who believes in that. So how do we change the narrative so that it doesn't seem so scary and remote? Build more on this idea of it being compatible with local identity, local communities.
CA : Je veux en savoir plus sur ça, parce que les mots « gouvernance mondiale » sont presque le modèle du diable dans l'esprit de beaucoup de gens de la droite alternative. Ça semble effrayant, éloigné, distant, ça les a laissés tomber, et donc les mondialistes, la gouvernance mondiale -- Non, vade retro ! Et beaucoup voient l'élection comme le coup ultime pour quiconque croit à ça. Alors comment changer l'histoire pour qu'elle ne semble pas si effrayante et éloignée ? Précisez sur cette idée que ça peut être compatible avec l'identité locale, les communautés locales.
YNH: Well, I think again we should start really with the biological realities of Homo sapiens. And biology tells us two things about Homo sapiens which are very relevant to this issue: first of all, that we are completely dependent on the ecological system around us, and that today we are talking about a global system. You cannot escape that.
YNH : Je pense, à nouveau, que nous devrions commencer vraiment avec les réalités biologiques d'homo sapiens. Et la biologie nous dit deux choses sur homo sapiens qui sont vraiment pertinentes pour ce problème : premièrement, nous sommes complètement dépendants du système écologique qui nous entoure, et qu'aujourd'hui nous parlons d'un système mondial. On ne peut pas y échapper.
And at the same time, biology tells us about Homo sapiens that we are social animals, but that we are social on a very, very local level. It's just a simple fact of humanity that we cannot have intimate familiarity with more than about 150 individuals. The size of the natural group, the natural community of Homo sapiens, is not more than 150 individuals, and everything beyond that is really based on all kinds of imaginary stories and large-scale institutions, and I think that we can find a way, again, based on a biological understanding of our species, to weave the two together and to understand that today in the 21st century, we need both the global level and the local community.
Et en même temps, la biologie nous dit sur homo sapiens que nous sommes des animaux sociaux, mais que nous sommes sociables à un niveau très, très local. C'est un simple fait de l'humanité que nous ne pouvons pas avoir une familiarité intime avec plus d'à-peu-près 150 individus. La taille du groupe naturel, la communauté naturelle d'homo sapiens, ce n'est pas plus que 150 individus, tout ce qui dépasse 150 est vraiment basé sur des histoires imaginaires et des institutions de très grande taille, et je pense que nous pouvons trouver un moyen, basé sur la connaissance biologique de notre espèce, pour tisser les deux ensemble, et comprendre qu'aujourd'hui au XXIe siècle, nous avons besoin du niveau mondial et de la communauté locale.
And I would go even further than that and say that it starts with the body itself. The feelings that people today have of alienation and loneliness and not finding their place in the world, I would think that the chief problem is not global capitalism. The chief problem is that over the last hundred years, people have been becoming disembodied, have been distancing themselves from their body. As a hunter-gatherer or even as a peasant, to survive, you need to be constantly in touch with your body and with your senses, every moment. If you go to the forest to look for mushrooms and you don't pay attention to what you hear, to what you smell, to what you taste, you're dead. So you must be very connected.
Et j'irais même plus loin et dirais que cela commence avec le corps lui-même. Les sentiments d'aliénation et de solitude qu'éprouvent aujourd'hui les gens et de ne pas trouver leur place dans le monde, je penserais que le problème principal n'est pas le capitalisme mondial. Le problème principal est que pendant les cent dernières années, les gens sont devenus désincarnés, se sont éloignés de leur corps. En tant que chasseur-cueilleur ou même comme paysan, pour survivre, vous devez être constamment à l'écoute de votre corps et de vos sens, à tout moment. Si vous allez en forêt chercher des champignons que vous n'êtes pas attentif à ce que vous entendez, ce que vous sentez, ce que vous goûtez, vous êtes mort. Donc vous devez être très connecté.
In the last hundred years, people are losing their ability to be in touch with their body and their senses, to hear, to smell, to feel. More and more attention goes to screens, to what is happening elsewhere, some other time. This, I think, is the deep reason for the feelings of alienation and loneliness and so forth, and therefore part of the solution is not to bring back some mass nationalism, but also reconnect with our own bodies, and if you are back in touch with your body, you will feel much more at home in the world also.
Depuis cent ans, les gens perdent leur capacité à être à l'écoute de leur corps et de leurs sens, pour entendre, sentir, ressentir. Une attention de plus en plus grande est consacrée aux écrans, à ce qui arrive ailleurs, à une autre époque. Cela, je pense, est la raison profonde des sentiments d'aliénation et de solitude, et du reste. Donc, une partie de la solution n'est pas de faire revenir un nationalisme de masse, mais aussi de nous reconnecter à nos propres corps, et si vous revenez à l'écoute de votre corps, vous vous sentirez aussi bien plus chez vous dans le monde.
CA: Well, depending on how things go, we may all be back in the forest soon. We're going to have one more question in the room and one more on Facebook.
CA : Selon l'évolution des choses, nous serons tous dans la forêt bientôt. Nous prenons une autre question dans la salle et une dernière de Facebook.
Ama Adi-Dako: Hello. I'm from Ghana, West Africa, and my question is: I'm wondering how do you present and justify the idea of global governance to countries that have been historically disenfranchised by the effects of globalization, and also, if we're talking about global governance, it sounds to me like it will definitely come from a very Westernized idea of what the "global" is supposed to look like. So how do we present and justify that idea of global versus wholly nationalist to people in countries like Ghana and Nigeria and Togo and other countries like that?
Ama Adi-Dako : Je viens du Ghana, en Afrique de l'Ouest, ma question est : je me demande comment vous présentez, justifiez l'idée de gouvernance mondiale à des pays qui ont été exclus historiquement des effets de la globalisation, et aussi, si nous parlons de gouvernance mondiale, cela me semble devoir venir d'une idée très occidentale de ce à quoi le « mondial » doit ressembler. Donc, comment présenter et justifier l'idée du mondial contre le nationaliste intégral à des gens dans des pays comme le Ghana et le Nigéria ou le Togo et d'autres pays comme ceux-là. Merci.
YNH: I would start by saying that history is extremely unfair, and that we should realize that. Many of the countries that suffered most from the last 200 years of globalization and imperialism and industrialization are exactly the countries which are also most likely to suffer most from the next wave. And we should be very, very clear about that. If we don't have a global governance, and if we suffer from climate change, from technological disruptions, the worst suffering will not be in the US. The worst suffering will be in Ghana, will be in Sudan, will be in Syria, will be in Bangladesh, will be in those places.
YNH : Je commencerais par dire que l'histoire est extrêmement injuste, et que nous devons le réaliser. Beaucoup des pays qui ont le plus souffert des 200 dernières années de mondialisation de l'impérialisme, de l'industrialisation sont exactement les pays qui seront aussi les plus susceptibles de souffrir le plus de la vague suivante. Et nous devrions être très, très clairs à ce sujet. Sans gouvernance mondiale, si nous souffrons du changement climatique, des ruptures technologiques, ceux qui souffriront le plus ne seront pas les États-Unis. Ceux qui souffriront le plus seront le Ghana, le Soudan, la Syrie, le Bangladesh, ce sera ces endroits.
So I think those countries have an even greater incentive to do something about the next wave of disruption, whether it's ecological or whether it's technological. Again, if you think about technological disruption, so if AI and 3D printers and robots will take the jobs from billions of people, I worry far less about the Swedes than about the people in Ghana or in Bangladesh. And therefore, because history is so unfair and the results of a calamity will not be shared equally between everybody, as usual, the rich will be able to get away from the worst consequences of climate change in a way that the poor will not be able to.
Donc je pense que ces pays ont une motivation encore plus grande à faire quelque chose au sujet de la prochaine vague de ruptures, qu'elle soit écologique ou technologique. Si vous pensez à la rupture technologique, donc, si les IA et les imprimantes 3D les robots prennent les emplois de milliards de gens, je me fais bien moins de souci pour les Suédois que pour les gens au Ghana ou au Bangladesh. Et en conséquence, parce que l'histoire est si injuste, et que les dégâts d'une calamité ne seront pas partagés équitablement entre tous, comme toujours, les riches pourront échapper aux pires conséquences du changement climatique d'une façon dont les pauvres ne seront pas capables.
CA: And here's a great question from Cameron Taylor on Facebook: "At the end of 'Sapiens,'" you said we should be asking the question, 'What do we want to want?' Well, what do you think we should want to want?"
CA : Et voici une très bonne question de Cameron Taylor sur Facebook : « À la fin de 'Sapiens', vous dites que nous devrions nous demander, 'que voulons-nous vouloir ?' Bien, que pensez-vous que nous devrions vouloir vouloir ? »
YNH: I think we should want to want to know the truth, to understand reality. Mostly what we want is to change reality, to fit it to our own desires, to our own wishes, and I think we should first want to understand it. If you look at the long-term trajectory of history, what you see is that for thousands of years we humans have been gaining control of the world outside us and trying to shape it to fit our own desires. And we've gained control of the other animals, of the rivers, of the forests, and reshaped them completely, causing an ecological destruction without making ourselves satisfied.
YNH : Je pense que nous devrions vouloir vouloir connaître la vérité, pour comprendre la réalité. Principalement, ce que nous voulons c'est changer la réalité, pour la faire correspondre à nos désirs, à nos propres souhaits, et je pense que nous devrions d'abord vouloir la comprendre. Si vous regardez la trajectoire de l'histoire sur le long terme, vous voyez que depuis des milliers d'années nous, les humains avons pris le contrôle du monde qui nous entoure et essayé de le modeler pour qu'il corresponde à nos désirs. Et nous avons pris le contrôle des autres animaux, des rivières, des forêts. Nous les avons complètement remodelées, causant une destruction écologique sans nous satisfaire.
So the next step is we turn our gaze inwards, and we say OK, getting control of the world outside us did not really make us satisfied. Let's now try to gain control of the world inside us. This is the really big project of science and technology and industry in the 21st century -- to try and gain control of the world inside us, to learn how to engineer and produce bodies and brains and minds. These are likely to be the main products of the 21st century economy. When people think about the future, very often they think in terms, "Oh, I want to gain control of my body and of my brain." And I think that's very dangerous.
Donc la prochaine étape est de tourner notre regard vers l'intérieur, et de nous dire, contrôler le monde qui nous entoure ne nous a pas vraiment satisfaits. Essayons maintenant de contrôler le monde en nous. C'est le vraiment grand projet de la science et de la technologie, de l'industrie au XXIe siècle -- essayer et obtenir le contrôle du monde qui est en nous, d'apprendre comment concevoir et produire des corps, des cerveaux et des esprits. Ils sont susceptibles d'être les produits principaux de l'économie du XXIe siècle. Quand les gens pensent au futur, ils pensent très souvent en termes, « Oh, je veux prendre le contrôle de mon corps et de mon cerveau. » Et je pense que c'est très dangereux.
If we've learned anything from our previous history, it's that yes, we gain the power to manipulate, but because we didn't really understand the complexity of the ecological system, we are now facing an ecological meltdown. And if we now try to reengineer the world inside us without really understanding it, especially without understanding the complexity of our mental system, we might cause a kind of internal ecological disaster, and we'll face a kind of mental meltdown inside us.
Si nous avons appris une chose de l'histoire passée, c'est que oui, nous obtenons le pouvoir de manipuler, mais parce que nous ne comprenons pas vraiment la compléxité du système écologique, nous sommes confrontés maintenant à un effondrement écologique. Et si nous essayons maintenant de réorganiser le monde en nous sans vraiment le comprendre, particulièrement sans comprendre la complexité de notre système mental, nous pourrions causer une sorte de désastre écologique interne, et nous serions confrontés à une sorte d'effondrement mental, en nous.
CA: Putting all the pieces together here -- the current politics, the coming technology, concerns like the one you've just outlined -- I mean, it seems like you yourself are in quite a bleak place when you think about the future. You're pretty worried about it. Is that right? And if there was one cause for hope, how would you state that?
CA : Rassemblons toutes les pièces ensemble ici -- les politiques actuelles, la technologie qui arrive, la crainte que vous venez d'exposer --- Il semble que vous-mêmes soyez dans une position assez sombre quand vous pensez à l'avenir. Vous êtes vraiment alarmé. Est-ce bien cela ? Et si il restait une raison d'espérer, comment la formuleriez-vous ?
YNH: I focus on the most dangerous possibilities partly because this is like my job or responsibility as a historian or social critic. I mean, the industry focuses mainly on the positive sides, so it's the job of historians and philosophers and sociologists to highlight the more dangerous potential of all these new technologies. I don't think any of that is inevitable. Technology is never deterministic. You can use the same technology to create very different kinds of societies.
YNH : Je me concentre sur les possibilités les plus dangereuses en partie parce que c'est mon boulot ou ma responsabilité d'historien ou de critique social. Je veux dire, l'industrie se concentre principalement sur les côtés positifs c'est donc le travail des historiens, des philosophes, des sociologues, de présenter le potentiel le plus dangereux de ces nouvelles technologies. Je ne pense pas que tout ça est inévitable. La technologie n'est jamais déterminante. On peut utiliser la même technologie pour créer des sociétés très différentes.
If you look at the 20th century, so, the technologies of the Industrial Revolution, the trains and electricity and all that could be used to create a communist dictatorship or a fascist regime or a liberal democracy. The trains did not tell you what to do with them. Similarly, now, artificial intelligence and bioengineering and all of that -- they don't predetermine a single outcome. Humanity can rise up to the challenge, and the best example we have of humanity rising up to the challenge of a new technology is nuclear weapons. In the late 1940s, '50s, many people were convinced that sooner or later the Cold War will end in a nuclear catastrophe, destroying human civilization. And this did not happen. In fact, nuclear weapons prompted humans all over the world to change the way that they manage international politics to reduce violence.
Si vous regardez le XXe siècle, les technologies de la révolution industrielle, les trains, l'électricité et tout ça peuvent être utilisées pour créer une dictature communiste ou un régime fasciste ou une démocratie libérale. Les trains ne vous disent pas que faire avec eux. De même, l'intelligence artificielle et la bio-ingénierie et tout ça -- elles ne prédéterminent pas une issue unique. L'humanité peut relever le défi le meilleur exemple que nous ayons de l'humanité se dressant face au défi d'une nouvelle technologie est celui des armes nucléaires. À la fin des années 40, 50, beaucoup de personnes étaient convaincues que tôt ou tard la Guerre Froide finirait dans une catastrophe nucléaire, détruisant la civilisation humaine. Et ce n'est pas arrivé. En fait, les armes nucléaires ont poussé les humains à travers la planète à changer la façon dont ils géraient les politiques internationales pour réduire la violence.
And many countries basically took out war from their political toolkit. They no longer tried to pursue their interests with warfare. Not all countries have done so, but many countries have. And this is maybe the most important reason why international violence declined dramatically since 1945, and today, as I said, more people commit suicide than are killed in war. So this, I think, gives us a good example that even the most frightening technology, humans can rise up to the challenge and actually some good can come out of it. The problem is, we have very little margin for error. If we don't get it right, we might not have a second option to try again.
Et de nombreux pays ont basiquement retiré la guerre de leur arsenal politique. Ils ne cherchent plus à poursuivre leurs intérêts par la guerre. Tous les pays ne l'ont pas fait, mais de nombreux autres l'ont fait. Et c'est peut-être la raison la plus importante pour laquelle la violence internationale a dramatiquement décliné depuis 1945, aujourd'hui, comme je disais, il y a plus de personnes qui se suicident que de morts à la guerre. Donc ça, je pense, nous donne un bon exemple que même la technologie la plus effrayante, les humains peuvent relever le défi et une bonne chose peut vraiment en sortir. Le problème est que nous avons une très petite marge d'erreur. Si nous ratons, nous pourrions ne pas avoir de seconde chance.
CA: That's a very powerful note, on which I think we should draw this to a conclusion. Before I wrap up, I just want to say one thing to people here and to the global TED community watching online, anyone watching online: help us with these dialogues. If you believe, like we do, that we need to find a different kind of conversation, now more than ever, help us do it. Reach out to other people, try and have conversations with people you disagree with, understand them, pull the pieces together, and help us figure out how to take these conversations forward so we can make a real contribution to what's happening in the world right now.
CA : C'est une note très forte, sur laquelle je pense que nous devrions conclure. Avant de finir, je veux juste dire une chose aux auditeurs ici et à la communauté TED qui nous suit en ligne, tous ceux qui nous suivent : aidez-nous pour ces Dialogues. Si vous croyez, comme nous, que nous devons trouver une forme différente de conversation, maintenant plus que jamais, aidez-nous. Allez vers les autres, parlez à des personnes avec qui vous êtes en désaccord, comprenez-les, rassemble les morceaux ensemble, et aidez-nous à savoir comment faire progresser ces conversations pour que nous apportions une vraie contribution à ce qui arrive dans le monde, maintenant.
I think everyone feels more alive, more concerned, more engaged with the politics of the moment. The stakes do seem quite high, so help us respond to it in a wise, wise way.
Je pense que tout le monde se sent plus vivant, plus concerné, plus engagé avec les politiques du moment. Les enjeux peuvent sembler très importants, donc aidez-nous à leur répondre d'une façon sage, la plus sage.
Yuval Harari, thank you.
Yuval Harari, Merci.
(Applause)
(Applaudissements)