The theme of my talk today is, "Be an artist, right now." Most people, when this subject is brought up, get tense and resist it: "Art doesn't feed me, and right now I'm busy. I have to go to school, get a job, send my kids to lessons ... " You think, "I'm too busy. I don't have time for art." There are hundreds of reasons why we can't be artists right now. Don't they just pop into your head?
Voici le sujet de mon discours d'aujourd'hui: "Soyez un artiste, tout de suite." Quand on évoque ce sujet, la plupart des gens se crispent et sont résistants : "L'Art ne me nourrit pas, et là tout de suite, je suis occupé. Je dois aller à l'école, trouver un emploi, envoyer mes enfants dans leurs classes..." Vous pensez, "Je suis trop occupé. Je n'ai pas de temps pour l'Art." Il y a des centaines de raisons pour lesquelles nous ne pouvons être des artistes dans l'immédiat. Elles apparaissent tout simplement dans votre tête, non ?
There are so many reasons why we can't be, indeed, we're not sure why we should be. We don't know why we should be artists, but we have many reasons why we can't be. Why do people instantly resist the idea of associating themselves with art? Perhaps you think art is for the greatly gifted or for the thoroughly and professionally trained. And some of you may think you've strayed too far from art. Well you might have, but I don't think so. This is the theme of my talk today. We are all born artists.
Il y a tant de raisons pour lesquelles nous ne pouvons être un artiste, et en fait, on ne voit pas trop pourquoi on devrait l'être. On ne sait pas pourquoi on devrait être des artistes, mais il y a de nombreuses raisons de ne pas l'être. Pourquoi les gens résistent-ils instantanément à l'idée d'être associés à l'Art ? Peut-être pensez-vous que l'art n'est fait que pour ceux qui sont dotés d'un grand don ou pour ceux qui s'entraînent intensément et professionnellement. Et certains d'entre vous pensent peut-être qu'ils sont très éloignés de l'Art. Peut-être bien, mais je ne pense pas. Voilà le sujet de mon discours d'aujourd'hui. Nous sommes tous nés artistes.
If you have kids, you know what I mean. Almost everything kids do is art. They draw with crayons on the wall. They dance to Son Dam Bi's dance on TV, but you can't even call it Son Dam Bi's dance -- it becomes the kids' own dance. So they dance a strange dance and inflict their singing on everyone. Perhaps their art is something only their parents can bear, and because they practice such art all day long, people honestly get a little tired around kids.
Si vous avez des enfants, vous voyez ce que je veux dire. Quasiment tout ce que les enfants font est de le l'art. Ils dessinent sur les murs avec des crayons. Ils dansent au son de "Son Dam Bi" à la télé, mais vous ne reconnaissez même pas la danse de Son Dam Bi -- ça devient leur propre danse. Donc ils dansent une étrange danse et imposent leur chant à tout le monde. Peut-être que seuls leurs parents peuvent supporter leur Art, et parce qu'ils pratiquent cet Art à longueur de journée, en réalité, les gens se fatiguent un peu au contact des enfants.
Kids will sometimes perform monodramas -- playing house is indeed a monodrama or a play. And some kids, when they get a bit older, start to lie. Usually parents remember the very first time their kid lies. They're shocked. "Now you're showing your true colors," Mom says. She thinks, "Why does he take after his dad?" She questions him, "What kind of a person are you going to be?"
Les enfants jouent parfois des monodrames -- une maison de poupée est en effet un monodrame ou une pièce. Et certains enfants, en grandissant, commencent à mentir. Normalement, les parents se souviennent du tout premier mensonge de leur enfant, Ils sont sous le choc. "Maintenant, tu montres ta vraie personnalité" se dit maman. Elle pense, "Pourquoi est-ce qu'il tient de son père ?" Elle lui demande, "Quelle genre de personne vas-tu devenir ?"
But you shouldn't worry. The moment kids start to lie is the moment storytelling begins. They are talking about things they didn't see. It's amazing. It's a wonderful moment. Parents should celebrate. "Hurray! My boy finally started to lie!" All right! It calls for celebration. For example, a kid says, "Mom, guess what? I met an alien on my way home." Then a typical mom responds, "Stop that nonsense." Now, an ideal parent is someone who responds like this: "Really? An alien, huh? What did it look like? Did it say anything? Where did you meet it?" "Um, in front of the supermarket."
Mais vous ne devriez pas vous inquiéter. Quand les enfants commencent à mentir, ils commencent à raconter des histoires. Ils parlent de choses qu'ils n'ont pas vues. C'est incroyable. C'est un moment merveilleux. Les parents devraient fêter ça. "Hourra ! Mon garçon s'est finalement mis à mentir !" D'accord ! Il faut fêter ça. Par exemple, un enfant dit, "Maman, tu sais quoi ? J'ai rencontré un alien en rentrant à la maison." Alors en général, la mère répond, "Arrête de dire des bêtises." Maintenant, le parent idéal répondrait quelque chose du genre : "Ah bon ? Un alien, hein ? À quoi ressemblait-il ? Il a dit quelque chose ? Où l'as-tu rencontré ?" "Ah, devant le supermarché."
When you have a conversation like this, the kid has to come up with the next thing to say to be responsible for what he started. Soon, a story develops. Of course this is an infantile story, but thinking up one sentence after the next is the same thing a professional writer like me does. In essence, they are not different. Roland Barthes once said of Flaubert's novels, "Flaubert did not write a novel. He merely connected one sentence after another. The eros between sentences, that is the essence of Flaubert's novel." That's right -- a novel, basically, is writing one sentence, then, without violating the scope of the first one, writing the next sentence. And you continue to make connections.
Quand vous avez une conversation comme celle-ci, l'enfant doit donner la réplique afin de rester responsable de ce qu'il a commencé. Rapidement, une histoire se développe. Bien sûr, c'est une histoire infantile, mais penser à une phrase après l'autre, c'est exactement ce qu'un écrivain professionnel comme moi fait. Intrinsèquement, ça n'est pas différent. Un jour, Roland Barthes a dit à propos des romans de Flaubert, "Flaubert n'écrit pas de roman. Il connecte simplement une phrase après l'autre. Le héros entre les phrases, c'est ça l'essence du roman de Flaubert." C'est ça -- au fond, un roman c'est écrire une phrase, puis, sans modifier le sens de la première, écrire la phrase suivante. Et vous continuez pour faire les connections.
Take a look at this sentence: "One morning, as Gregor Samsa was waking up from anxious dreams, he discovered that in his bed he had been changed into a monstrous verminous bug." Yes, it's the first sentence of Franz Kafka's "The Metamorphosis." Writing such an unjustifiable sentence and continuing in order to justify it, Kafka's work became the masterpiece of contemporary literature. Kafka did not show his work to his father. He was not on good terms with his father. On his own, he wrote these sentences. Had he shown his father, "My boy has finally lost it," he would've thought.
Regardez cette phrase : "Un matin, alors que Gregor Samsa se réveillait de rêves anxieux, il découvrit qu'il s'était transformé dans son lit en un monstrueux insecte, une vermine." Oui, c'est la première phrase du roman de Kafka, "La Métamorphose". Écrire une telle phrase injustifiable et continuer afin de la justifier, le travail de Kafka devint un chef-d'œuvre de la littérature contemporaine. Kafka ne montra pas son travail à son père. Il n'était pas en bons termes avec son père. Seul, il écrivit ces phrases. S'il avait montré à son père, "Mon fils est finalement devenu fou", aurait-il pensé.
And that's right. Art is about going a little nuts and justifying the next sentence, which is not much different from what a kid does. A kid who has just started to lie is taking the first step as a storyteller. Kids do art. They don't get tired and they have fun doing it. I was in Jeju Island a few days ago. When kids are on the beach, most of them love playing in the water. But some of them spend a lot of time in the sand, making mountains and seas -- well, not seas, but different things -- people and dogs, etc. But parents tell them, "It will all be washed away by the waves." In other words, it's useless. There's no need. But kids don't mind. They have fun in the moment and they keep playing in the sand. Kids don't do it because someone told them to. They aren't told by their boss or anyone, they just do it.
Et c'est vrai, l'Art c'est un peu perdre les pédales et justifier la phrase suivante, ce qui n'est pas bien différent de ce qu'un enfant fait. Un enfant qui commence à mentir fait son premier pas en tant que conteur d'histoire. Les enfants font de l'Art. Ils ne se fatiguent pas et ils aiment ça. J'étais sur l'île de Jeju, il y a quelques jours. Quand les enfants sont sur la plage, la plupart aime jouer dans l'eau. Mais certains passent beaucoup de temps dans le sable, faisant des montagnes et des mers -- enfin, pas des mers, mais toutes sortes de choses -- des gens et des chiens, etc. Mais leurs parents leur disent, "Ça va être emporté par les vagues." En d'autres mots, c'est inutile. Il n'y a aucune nécessité. Mais peu importe pour les enfants. Ils se divertissent dans l'instant et continuent de jouer dans le sable. Les enfants ne font pas ça parce qu'on le leur a demandé. Ni leur patron, ni personne d'autre, ne leur demande mais ils le font tout simplement.
When you were little, I bet you spent time enjoying the pleasure of primitive art. When I ask my students to write about their happiest moment, many write about an early artistic experience they had as a kid. Learning to play piano for the first time and playing four hands with a friend, or performing a ridiculous skit with friends looking like idiots -- things like that. Or the moment you developed the first film you shot with an old camera. They talk about these kinds of experiences. You must have had such a moment. In that moment, art makes you happy because it's not work. Work doesn't make you happy, does it? Mostly it's tough.
Quand vous étiez petits, je suis sûr que vous preniez le temps d'apprécier l'Art primitif. Quand je demande à mes étudiants d'écrire sur leur moment le plus heureux, beaucoup écrivent à propos d'une expérience artistique précoce quand ils étaient enfants. Apprendre à jouer au piano pour la première fois et jouer à quatre mains avec un ami, ou faire un sketch ridicule avec des amis et avoir l'air d'idiots -- des choses de ce genre. Ou quand vous avez développé la pellicule que vous aviez tirée avec un vieil appareil photo. Ils parlent de ce genre d'expérience. Vous avez sans doute vécu ce genre de moment. En cet instant, l'Art vous rend heureux parce que ça n'est pas du travail. Le travail ne rend pas heureux, n'est-ce pas ? La plupart du temps, c'est pénible.
The French writer Michel Tournier has a famous saying. It's a bit mischievous, actually. "Work is against human nature. The proof is that it makes us tired." Right? Why would work tire us if it's in our nature? Playing doesn't tire us. We can play all night long. If we work overnight, we should be paid for overtime. Why? Because it's tiring and we feel fatigue. But kids, usually they do art for fun. It's playing. They don't draw to sell the work to a client or play the piano to earn money for the family. Of course, there were kids who had to. You know this gentleman, right? He had to tour around Europe to support his family -- Wolfgang Amadeus Mozart -- but that was centuries ago, so we can make him an exception. Unfortunately, at some point our art -- such a joyful pastime -- ends. Kids have to go to lessons, to school, do homework and of course they take piano or ballet lessons, but they aren't fun anymore. You're told to do it and there's competition. How can it be fun? If you're in elementary school and you still draw on the wall, you'll surely get in trouble with your mom. Besides, if you continue to act like an artist as you get older, you'll increasingly feel pressure -- people will question your actions and ask you to act properly.
Il y a une citation célèbre de l'écrivain français Michel Tournier. En fait, c'est assez malin. "Le travail est contre la nature humaine. La preuve est que ça nous fatigue." D'accord ? Pourquoi le travail nous fatiguerait-il si c'est dans notre nature ? Jouer ne nous fatigue pas. On peut jouer la nuit entière. Si on travail toute la nuit, on doit toucher des heures supplémentaires. Pourquoi ? Parce que c'est fatiguant et on sent la fatigue. Mais les enfants, en général ils font de l'Art pour s'amuser. C'est comme un jeu. Ils ne dessinent pas pour vendre leur travail à un client ou jouent du piano pour gagner l'argent de la famille. Bien sûr, des enfants ont déjà du faire ça. Vous connaissez ce monsieur, non ? Il a du faire le tour le l'Europe pour soutenir sa famille -- Wolfgang Amadeus Mozart -- mais c'était il y a plusieurs siècles, alors nous allons considérer que c'est une exception. Malheureusement, à un certain moment, notre Art -- un passe-temps si joyeux -- prend fin. Les enfants doivent aller à l'école, suivre leurs cours, faire leurs devoirs, et bien sûr ils prennent des cours de piano ou de danse, mais ça n'est plus du tout amusant. On vous dit de le faire et il y a une concurrence. Comment cela peut-il être amusant ? Si vous êtes à l'école primaire et que vous dessinez encore sur les mus, vous allez certainement avoir des problèmes avec votre maman. En plus, si vous continuez à vous comporter comme un artiste en grandissant, vous allez sentir une pression croissante -- les gens vont remettre en cause ce que vous faîtes et vous demander de mieux vous comporter.
Here's my story: I was an eighth grader and I entered a drawing contest at school in Gyeongbokgung. I was trying my best, and my teacher came around and asked me, "What are you doing?" "I'm drawing diligently," I said. "Why are you using only black?" Indeed, I was eagerly coloring the sketchbook in black. And I explained, "It's a dark night and a crow is perching on a branch." Then my teacher said, "Really? Well, Young-ha, you may not be good at drawing but you have a talent for storytelling." Or so I wished. "Now you'll get it, you rascal!" was the response. (Laughter) "You'll get it!" he said. You were supposed to draw the palace, the Gyeonghoeru, etc., but I was coloring everything in black, so he dragged me out of the group. There were a lot of girls there as well, so I was utterly mortified.
Voici mon histoire : j'étais en huitième section et j'ai fait un concours de dessin à l'école de Gyeongbokgung. Je faisais de mon mieux et mon professeur est passé et m'a demandé "Qu'est-ce que tu fais ?" "Je dessine avec attention", ai-je répondu. "Pourquoi est-ce que tu n'utilises que du noir ?" En effet, je coloriais avec empressement le cahier en noir. Et j'ai expliqué, "C'est une nuit noire et un corbeau est perché sur une branche." Alors mon professeur a dit, "Vraiment ? Eh bien, Young-ha, tu n'es peut-être pas bon en dessin mais tu as un don pour raconter des histoires." J'aurais bien aimé. "Maintenant, tu vas te faire gronder, coquin !" fut sa réponse. (Rires). "Tu vas te faire gronder !" a-t-il dit. On était supposé dessiner le palais, le Gyeonghoeru, etc..., mais je coloriais tout en noir, alors il m'a exclu du groupe. Il y avait également beaucoup de filles, et j'ai été complètement humilié.
None of my explanations or excuses were heard, and I really got it big time. If he was an ideal teacher, he would have responded like I said before, "Young-ha may not have a talent for drawing, but he has a gift for making up stories," and he would have encouraged me. But such a teacher is seldom found. Later, I grew up and went to Europe's galleries -- I was a university student -- and I thought this was really unfair. Look what I found. (Laughter)
Aucune de mes explications ou excuses n'ont été entendues, et je me suis fait gronder comme jamais. S'il avait été un professeur idéal, il m'aurait répondu comme je disais tout à l'heure, "Peut-être que Young-ha dessine mal, mais il est doué pour raconter des histoires", et il m'aurait encouragé. Mais on trouve rarement ce genre de professeur. Plus tard, j'ai grandi et j'ai visité les galeries d'Europe -- j'étais étudiant à l'université -- et j'ai pensé que c'était vraiment injuste. Regardez ce que j'ai trouvé. (Rires)
Works like this were hung in Basel while I was punished and stood in front of the palace with my drawing in my mouth. Look at this. Doesn't it look just like wallpaper? Contemporary art, I later discovered, isn't explained by a lame story like mine. No crows are brought up. Most of the works have no title, Untitled. Anyways, contemporary art in the 20th century is about doing something weird and filling the void with explanation and interpretation -- essentially the same as I did. Of course, my work was very amateur, but let's turn to more famous examples.
Un travail comme celui-ci était exposé à Bâle alors que moi j'étais puni et je me suis tenu devant le palais avec mon dessin dans la bouche. Regardez ça. Ça ressemble à du papier-peint, non ? J'ai découvert plus tard que l'Art Contemporain ne s'explique pas par une histoire tordue comme la mienne. On ne parle d'aucun corbeau. La plupart des œuvres n'ont pas de titre, Sans-titre. De toute façon, l'Art Contemporain au 20ème siècle c'est faire un truc bizarre et remplir le vide avec une explication et une interprétation -- exactement comme je l'ai fait. Bien sûr, mon travail était très amateur, mais voyons d'autres exemples célèbres.
This is Picasso's. He stuck handlebars into a bike seat and called it "Bull's Head." Sounds convincing, right? Next, a urinal was placed on its side and called "Fountain". That was Duchamp. So filling the gap between explanation and a weird act with stories -- that's indeed what contemporary art is all about. Picasso even made the statement, "I draw not what I see but what I think." Yes, it means I didn't have to draw Gyeonghoeru. I wish I knew what Picasso said back then. I could have argued better with my teacher. Unfortunately, the little artists within us are choked to death before we get to fight against the oppressors of art. They get locked in. That's our tragedy.
C'est un Picasso. Il a collé le guidon dans une selle de vélo et a appelé ça "Tête de taureau". Convaincant, non ? Dans l'exemple suivant, on a mis un urinoir sur son coté et appelé ça "Fontaine". C'est un Duchamp. Alors remplir avec des histoires le vide entre des explications et un truc bizarre -- c'est la nature même de l'Art Contemporain. Picasso a même dit, "Je dessine non pas ce que je vois mais ce que je pense." Oui, ça veut dire que je n'avais pas à dessiner Gyeonghoeru. Si seulement à l'époque, j'avais su ce que Picasso a dit. J'aurais bien mieux argumenté avec mon professeur. Malheureusement, le petit artiste qui est en nous est tué dans l'œuf avant qu'on n'arrive à lutter contre les oppresseurs de l'Art. Il est vérrouillé. C'est notre tragédie.
So what happens when little artists get locked in, banished or even killed? Our artistic desire doesn't go away. We want to express, to reveal ourselves, but with the artist dead, the artistic desire reveals itself in dark form. In karaoke bars, there are always people who sing "She's Gone" or "Hotel California," miming the guitar riffs. Usually they sound awful. Awful indeed. Some people turn into rockers like this. Or some people dance in clubs. People who would have enjoyed telling stories end up trolling on the Internet all night long. That's how a writing talent reveals itself on the dark side.
Alors qu'est-ce qui arrive quand des petits artistes sont vérrouillés, bannis ou même tués ? Notre désir artistique ne s'en va pas. On veut s'exprimer, se révéler, mais l'artiste étant mort, le désir artistique se révèle d'une manière obscure. Dans les bars à karaoké, il y a toujours des gens qui chantent "She's Gone" ou "Hotel California", en mimant les riffs de guitare. En général ils chantent très mal. Vraiment très mal. Certains deviennent des rockers comme ça. Ou, les gens dansent en discothèques. Des gens qui se seraient plus à raconter des histoires se retrouvent à surfer sur l'internet toute la nuit. C'est ainsi qu'un talent d'écrivain se manifeste dans son coté obscure.
Sometimes we see dads get more excited than their kids playing with Legos or putting together plastic robots. They go, "Don't touch it. Daddy will do it for you." The kid has already lost interest and is doing something else, but the dad alone builds castles. This shows the artistic impulses inside us are suppressed, not gone. But they can often reveal themselves negatively, in the form of jealousy. You know the song "I would love to be on TV"? Why would we love it? TV is full of people who do what we wished to do, but never got to. They dance, they act -- and the more they do, they are praised. So we start to envy them. We become dictators with a remote and start to criticize the people on TV. "He just can't act." "You call that singing? She can't hit the notes." We easily say these sorts of things. We get jealous, not because we're evil, but because we have little artists pent up inside us. That's what I think.
Parfois, on voit des papas plus excités que leurs enfants jouer aux Lego ou assembler des robots en plastique. Ils disent, "Ne touche pas à ça. Papa va le faire pour toi." Le gamin a déjà perdu tout intérêt et fait quelque chose d'autre, mais le papa construit tout seul des châteaux. Ça montre que l'instinct artistique qui est en nous est réprimé, mais il est toujours là. Mais il peut se manifester de manière négative, sous la forme de la jalousie. Vous connaissez la chanson "J'adorerais passer à la télé" ? Pourquoi est-ce qu'on adorerait ça ? La télé est remplie de gens qui font ce qu'on aimerait faire, mais qu'on ne fait jamais. Ils dansent, ils jouent la comédie -- et plus ils font ça, plus on les admire. Alors on commence à les envier. On devient des dictateurs avec une télécommande et on critique les gens qui passent à la télé. "C'est un mauvais acteur." "Tu appelles ça chanter ? Elle ne donne pas la note." On dit ce genre de choses très facilement. On devient jaloux, pas parce qu'on est méchant, mais à cause du petit artiste refoulé qui est en nous. C'est ce que je pense.
What should we do then? Yes, that's right. Right now, we need to start our own art. Right this minute, we can turn off TV, log off the Internet, get up and start to do something. Where I teach students in drama school, there's a course called Dramatics. In this course, all students must put on a play. However, acting majors are not supposed to act. They can write the play, for example, and the writers may work on stage art. Likewise, stage art majors may become actors, and in this way you put on a show. Students at first wonder whether they can actually do it, but later they have so much fun. I rarely see anyone who is miserable doing a play. In school, the military or even in a mental institution, once you make people do it, they enjoy it. I saw this happen in the army -- many people had fun doing plays.
Alors que doit-on faire ? Oui, tout à fait. Tout de suite, on doit commencer notre propre création artistique. À cette minute même, on peut éteindre la télé, arrêter l'internet, se lever et commencer à faire quelque chose. Dans l'école de théâtre dans laquelle j'enseigne, Il y a un cours appelé "Art Dramatique". Dans ce cours, tous les étudiants doivent monter une pièce. Cependant, les étudiants en comédie ne sont pas supposés jouer. Ils peuvent écrire la pièce, par exemple, et les auteurs peuvent jouer sur scène. De la même manière, les étudiants en mise en scène peuvent devenir acteurs et ainsi va la création de la pièce. Dans un premier temps, les étudiants se demandent s'ils vont y arriver, mais après un moment, ils s'éclatent vraiment. J'ai rarement vu quelqu'un de très mécontent en faisant une pièce. À l'école, l'armée ou même dans un hôpital psychiatrique, dès que vous demandez aux gens de faire ça, ça leur plaît. J'ai vu ça à l'armée -- beaucoup ont pris du plaisir à monter des pièces.
I have another experience: In my writing class, I give students a special assignment. I have students like you in the class -- many who don't major in writing. Some major in art or music and think they can't write. So I give them blank sheets of paper and a theme. It can be a simple theme: Write about the most unfortunate experience in your childhood. There's one condition: You must write like crazy. Like crazy! I walk around and encourage them, "Come on, come on!" They have to write like crazy for an hour or two. They only get to think for the first five minutes.
J'ai une autre expérience : dans mes cours d´écriture, je donne aux étudiants un devoir particulier. J'ai des étudiants comme vous dans la classe -- beaucoup qui ne se spécialisent pas dans l'écriture. Certains étudient l'art ou la musique et ils pensent qu'ils ne peuvent pas écrire. Alors je leur donne des feuilles blanches et un thème. Ça peut être un thème simple : Écrivez sur votre expérience la plus malheureuse de votre enfance. Il y a une condition : vous devez écrire comme des fous. Comme des fous ! Je fais le tour et les encourage, "Allez, allez !" Ils doivent écrire comme des fous pendant une heure ou deux. Ils ne pensent que pendant les cinq premières minutes.
The reason I make them write like crazy is because when you write slowly and lots of thoughts cross your mind, the artistic devil creeps in. This devil will tell you hundreds of reasons why you can't write: "People will laugh at you. This is not good writing! What kind of sentence is this? Look at your handwriting!" It will say a lot of things. You have to run fast so the devil can't catch up. The really good writing I've seen in my class was not from the assignments with a long deadline, but from the 40- to 60-minute crazy writing students did in front of me with a pencil. The students go into a kind of trance. After 30 or 40 minutes, they write without knowing what they're writing. And in this moment, the nagging devil disappears.
La raison pour laquelle je leur demande d'écrire comme des fous c'est parce que quand vous écrivez doucement et que de nombreuses pensées vous viennent à l'esprit, le démon artistique se libère. Ce démon va vous donner des centaines de raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas écrire : "Les gens vont se moquer de toi. Ça n'est pas de la bonne écriture ! Qu'est-ce que c'est que cette phrase ? Regarde moi cette écriture (manuscrite) !" Il va dire beaucoup de choses. Vous devez alors courir pour que le démon ne vous rattrape pas. Les meilleures choses que j'ai lues dans ma classe ne sont pas issues des devoirs qui doivent être rendus ultérieurement avec un long délai, mais des quarante, soixante minutes de ces écrits que les étudiants font comme des fous en face de moi avec un crayon. Les étudiants entrent comme dans une transe. Après trente ou quarante minutes, ils écrivent sans savoir ce qu'ils écrivent. Et à ce moment-là, le démon moqueur disparait.
So I can say this: It's not the hundreds of reasons why one can't be an artist, but rather, the one reason one must be that makes us artists. Why we cannot be something is not important. Most artists became artists because of the one reason. When we put the devil in our heart to sleep and start our own art, enemies appear on the outside. Mostly, they have the faces of our parents. (Laughter) Sometimes they look like our spouses, but they are not your parents or spouses. They are devils. Devils. They came to Earth briefly transformed to stop you from being artistic, from becoming artists. And they have a magic question. When we say, "I think I'll try acting. There's a drama school in the community center," or "I'd like to learn Italian songs," they ask, "Oh, yeah? A play? What for?" The magic question is, "What for?" But art is not for anything. Art is the ultimate goal. It saves our souls and makes us live happily. It helps us express ourselves and be happy without the help of alcohol or drugs. So in response to such a pragmatic question, we need to be bold. "Well, just for the fun of it. Sorry for having fun without you," is what you should say. "I'll just go ahead and do it anyway." The ideal future I imagine is where we all have multiple identities, at least one of which is an artist.
Donc je peux dire la chose suivante : ça n'est pas les centaines de raisons pour lesquelles on ne peut être un artiste mais plutôt, la seule raison pour laquelle on doit l'être qui fait de nous un artiste. La raison pour laquelle on ne peut être quelque chose est sans importance. La plupart des artistes sont devenus des artistes uniquement pour une raison. Quand on met en veille le démon qui est dans notre cœur et qu'on commence notre propre Art, les ennemies viennent de l'extérieur. En général, ils ont les visages de nos parents. (Rires) Parfois, celui de nos époux, mais ils ne sont pas vos parents ou vos époux(ses). Ce sont des démons. Des démons. Ils sont venus sur Terre, se sont rapidement transformés pour freiner votre expression artistique, pour vous empêcher d'être un artiste. Et ils ont une question magique. Quand on dit, "Je pense que je vais m'essayer à jouer la comédie. Il y a une école de théâtre dans le centre municipal", ou "J'aimerais apprendre à chanter les chansons italiennes", ils demandent, "Ah bon ? Une pièce ? Pour quoi faire ?" La question magique, c'est "Pour quoi faire ?" Mais l'Art n'est fait pour rien. L'Art est l'objectif ultime. Il sauve nos âmes et nous rend heureux dans notre vie. Il nous aide à nous exprimer et à être heureux sans l'aide de l'alcool ou des drogues. Alors en réponde à une telle question pragmatique, on doit être audacieux. "Eh bien, juste pour m'amuser. Désolé de m'amuser sans toi". Voilà ce que vous devriez répondre. "Je vais continuer et faire ça de toute façon." Dans le futur idéal que j'imagine, nous avons tous des identités multiples, dont l'une au moins est celle d'un artiste.
Once I was in New York and got in a cab. I took the backseat, and in front of me I saw something related to a play. So I asked the driver, "What is this?" He said it was his profile. "Then what are you?" I asked. "An actor," he said. He was a cabby and an actor. I asked, "What roles do you usually play?" He proudly said he played King Lear. King Lear. "Who is it that can tell me who I am?" -- a great line from King Lear. That's the world I dream of. Someone is a golfer by day and writer by night. Or a cabby and an actor, a banker and a painter, secretly or publicly performing their own arts.
Une fois, j'étais à New York et je suis monté dans un taxi. Je suis monté à l'arrière, et devant moi, j'ai vu quelque chose à propos d'une pièce. Alors j'ai demandé au chauffeur, "Qu'est-ce que c'est ?" Il m'a dit que c'était son profil. "Alors qu'est-ce que vous faîtes ?" lui ai-je demandé. Il m'a répondu "Acteur". Il était chauffeur de taxi et acteur. Je lui ai demandé, "Quels rôles jouez-vous habituellement ?" Il m'a fièrement répondu qu'il jouait le Roi Lear. Le Roi Lear. "Qui peut me dire qui je suis ?" -- un passage fantastique du Roi Lear. C'est le monde dont je rêve. Quelqu'un joue au golf la journée et écrit la nuit. Ou un chauffeur de taxi et un acteur, un banquier et un peintre, exerçant leur Art secrètement ou publiquement.
In 1990, Martha Graham, the legend of modern dance, came to Korea. The great artist, then in her 90s, arrived at Gimpo Airport and a reporter asked her a typical question: "What do you have to do to become a great dancer? Any advice for aspiring Korean dancers?" Now, she was the master. This photo was taken in 1948 and she was already a celebrated artist. In 1990, she was asked this question. And here's what she answered: "Just do it." Wow. I was touched. Only those three words and she left the airport. That's it. So what should we do now? Let's be artists, right now. Right away. How? Just do it!
En 1990, Martha Graham, la légende de la danse moderne, est venue en Corée. La grande artiste, alors âgée de plus de 90 ans, est arrivée à l'aéroport de Gimpo et un journaliste lui a demandé une question classique : "Que doit-on faire pour devenir une grande danseuse ? Des conseils pour les danseuses coréennes en herbe ?" Elle était le maître, à cette époque. Cette photo a été prise en 1948 et elle était déjà une artiste reconnue. En 1990, on lui posa cette question. Et voici ce qu'elle a répondu : "Le faire. Tout simplement." Ouah. Ça m'a touché. Ces trois mots seulement et elle a quitté l'aéroport. Voilà tout. Alors que faire maintenant ? Soyons des artistes, tout de suite. Immédiatement. Comment ? En le faisant. Tout simplement !
Thank you.
Merci.
(Applause)
(Applaudissements)