Democracy. In the West, we make a colossal mistake taking it for granted. We see democracy not as the most fragile of flowers that it really is, but we see it as part of our society's furniture. We tend to think of it as an intransigent given. We mistakenly believe that capitalism begets inevitably democracy. It doesn't.
La démocratie. Dans les pays occidentaux, nous faisons l'erreur colossale de la croire acquise. Nous voyons la démocratie non pas comme elle est, la plus fragile des fleurs, mais comme un élément du décor de notre société. Nous avons tendance à la concevoir comme un dû. Nous croyons faussement que le capitalisme engendre inévitablement la démocratie. Mais non.
Singapore's Lee Kuan Yew and his great imitators in Beijing have demonstrated beyond reasonable doubt that it is perfectly possible to have a flourishing capitalism, spectacular growth, while politics remains democracy-free. Indeed, democracy is receding in our neck of the woods, here in Europe.
Lee Kuan Yew à Singapour et ses grands imitateurs à Pekin ont démontré de la plus claire des manières qu'il est parfaitement possible d'avoir un capitalisme fleurissant, une croissance spectaculaire, et un système politique toujours dénué de toute démocratie. En fait, la démocratie recule chez nous ici en Europe.
Earlier this year, while I was representing Greece -- the newly elected Greek government -- in the Eurogroup as its Finance Minister, I was told in no uncertain terms that our nation's democratic process -- our elections -- could not be allowed to interfere with economic policies that were being implemented in Greece. At that moment, I felt that there could be no greater vindication of Lee Kuan Yew, or the Chinese Communist Party, indeed of some recalcitrant friends of mine who kept telling me that democracy would be banned if it ever threatened to change anything.
Plus tôt cette année, pendant que je représentais la Grèce – le gouvernement grec nouvellement élu – dans l'Eurogroupe en tant que Ministre des Finances, on m'a dit clairement que le processus démocratique de notre nation – nos élections – n'aurait pas le droit d'interférer avec les politiques économiques mises en œuvre en Grèce. À ce moment, je sentis qu'il n'y avait pas de meilleure preuve de ce que fait Lee Kuan Yew, ou le Parti communiste chinois – en effet, certains de mes amis, récalcitrants, me répétaient qu'on interdirait la démocratie si jamais elle menaçait de changer quoi que ce soit.
Tonight, here, I want to present to you an economic case for an authentic democracy. I want to ask you to join me in believing again that Lee Kuan Yew, the Chinese Communist Party and indeed the Eurogroup are wrong in believing that we can dispense with democracy -- that we need an authentic, boisterous democracy. And without democracy, our societies will be nastier, our future bleak and our great, new technologies wasted.
Ce soir, ici, je veux vous présenter le cas économique d'une démocratie authentique. Je veux vous demander, avec moi, de croire à nouveau, que Lee Kuan Yew, le Parti communiste chinois et en effet l'Eurogroupe se trompent lorsqu'ils pensent qu'on peut se passer de démocratie – et que nous avons besoin d'une vraie démocratie, avec ce côté turbulent. Et sans la démocratie, nos sociétés seront plus mauvaises, notre futur sombre et nos géniales nouvelles technologies, bien mal utilisées.
Speaking of waste, allow me to point out an interesting paradox that is threatening our economies as we speak. I call it the twin peaks paradox. One peak you understand -- you know it, you recognize it -- is the mountain of debts that has been casting a long shadow over the United States, Europe, the whole world. We all recognize the mountain of debts. But few people discern its twin. A mountain of idle cash belonging to rich savers and to corporations, too terrified to invest it into the productive activities that can generate the incomes from which you can extinguish the mountain of debts and which can produce all those things that humanity desperately needs, like green energy.
En parlant de gaspillage, permettez-moi de signaler un paradoxe intéressant qui menace nos économies en ce moment. Je l'appelle le paradoxe du double sommet. Le premier, on comprend – on sait ce que c'est, on le reconnait – c'est la montagne de dettes, qui a projeté sa grande ombre sur les États-Unis, l'Europe, le monde entier. Nous reconnaissons tous la montagne de dettes. Mais peu de personnes discernent sa sœur jumelle. Une montagne d'argent inactif appartenant aux riches épargnants et aux entreprises, trop terrifiés pour l'investir dans des activités productives pouvant générer des revenus qui permettraient de faire disparaître la montagne de dettes et qui pourraient produire tout ce dont l'humanité a tant besoin, comme des énergies vertes.
Now let me give you two numbers. Over the last three months, in the United States, in Britain and in the Eurozone, we have invested, collectively, 3.4 trillion dollars on all the wealth-producing goods -- things like industrial plants, machinery, office blocks, schools, roads, railways, machinery, and so on and so forth. $3.4 trillion sounds like a lot of money until you compare it to the $5.1 trillion that has been slushing around in the same countries, in our financial institutions, doing absolutely nothing during the same period except inflating stock exchanges and bidding up house prices.
Maintenant laissez-moi vous donner deux chiffres. Durant les trois derniers mois, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans la zone euro, nous avons investi, collectivement, 3400 milliards de dollars dans tous les biens créateurs de richesse – des choses comme des sites industriels, de l'équipement, des immeubles de bureaux, des écoles, des routes, chemins de fer, des machines, et ainsi de suite. 3400 milliards de dollars, ça semble beaucoup d'argent jusqu'à ce que l'on les compare aux 5100 milliards de dollars gaspillés dans les mêmes pays, dans nos institutions financières, ne servant absolument à rien pendant cette même période à part faire gonfler la bourse et le prix des maisons.
So a mountain of debt and a mountain of idle cash form twin peaks, failing to cancel each other out through the normal operation of the markets.
Donc cette montagne de dettes et cette montagne d'argent inactif forment des montagnes jumelles, qui devraient s'éliminer mutuellement si on les remettait dans la boucle normale des marchés.
The result is stagnant wages, more than a quarter of 25- to 54-year-olds in America, in Japan and in Europe out of work. And consequently, low aggregate demand, which in a never-ending cycle, reinforces the pessimism of the investors, who, fearing low demand, reproduce it by not investing -- exactly like Oedipus' father, who, terrified by the prophecy of the oracle that his son would grow up to kill him, unwittingly engineered the conditions that ensured that Oedipus, his son, would kill him.
Résultat : les salaires stagnent, plus d'un quart des 25-54 ans en Amérique, au Japon et en Europe est au chômage. Et donc, la faible demande mondiale, prise dans une spirale sans fin, renforce le pessimisme des investisseurs, qui, craignant la faible demande, la reproduisent en n'investissant pas – exactement comme le père d'Œdipe, qui, terrifié par la prophétie de l'oracle annonçant que son fils le tuerait, crée involontairement les conditions amenant Œdipe, son fils, à le tuer.
This is my quarrel with capitalism. Its gross wastefulness, all this idle cash, should be energized to improve lives, to develop human talents, and indeed to finance all these technologies, green technologies, which are absolutely essential for saving planet Earth.
Voilà en quoi je conteste le capitalisme. Ce gaspillage indécent, tout cet argent inactif, devrait être utilisé pour améliorer nos vies, développer les talents, et en effet, pour financer toutes ces technologies, les technologies vertes, qui sont absolument essentielles pour sauver la planète.
Am I right in believing that democracy might be the answer? I believe so, but before we move on, what do we mean by democracy? Aristotle defined democracy as the constitution in which the free and the poor, being in the majority, control government.
Ai-je raison de croire que la démocratie peut être la réponse ? Je veux le croire, mais avant de continuer, qu'entend-on par démocratie ? Aristote définit la démocratie comme une organisation dans laquelle l'homme libre et le pauvre, étant la majorité, contrôlent le gouvernement.
Now, of course Athenian democracy excluded too many. Women, migrants and, of course, the slaves. But it would be a mistake to dismiss the significance of ancient Athenian democracy on the basis of whom it excluded.
Maintenant, la démocratie athénienne excluait bien sûr trop de gens. Les femmes, les immigrés et, bien sûr, les esclaves. Mais ce serait une erreur de nier l'importance de l'ancienne démocratie athénienne sur la base de qui elle excluait.
What was more pertinent, and continues to be so about ancient Athenian democracy, was the inclusion of the working poor, who not only acquired the right to free speech, but more importantly, crucially, they acquired the rights to political judgments that were afforded equal weight in the decision-making concerning matters of state. Now, of course, Athenian democracy didn't last long. Like a candle that burns brightly, it burned out quickly. And indeed, our liberal democracies today do not have their roots in ancient Athens. They have their roots in the Magna Carta, in the 1688 Glorious Revolution, indeed in the American constitution. Whereas Athenian democracy was focusing on the masterless citizen and empowering the working poor, our liberal democracies are founded on the Magna Carta tradition, which was, after all, a charter for masters. And indeed, liberal democracy only surfaced when it was possible to separate fully the political sphere from the economic sphere, so as to confine the democratic process fully in the political sphere, leaving the economic sphere -- the corporate world, if you want -- as a democracy-free zone.
Ce qui était plus pertinent, et qui continue de l'être à propos de l'ancienne démocratie athénienne, était l'intégration des travailleurs pauvres, qui avaient non seulement acquis le droit de s'exprimer librement, mais aussi celui plus important et crucial d'émettre des jugements politiques qui leur conférait le même poids dans les prises de décision concernant les problèmes d'État. Bien sûr, la démocratie athénienne n'a pas duré dans le temps. Comme une bougie brillant de mille feux, elle a brûlé trop rapidement. Et en fait, nos démocraties libérales ne descendent pas de l'Athènes antique. Leurs racines puisent dans la Magna Carta, dans la Glorieuse Révolution de 1688, et sans doute dans la constitution américaine. Là où la démocratie athénienne était centrée sur le citoyen sans maître et donnait du pouvoir au travailleur pauvre, nos démocraties libérales sont fondées sur la tradition de la Magna Carta, qui était, après tout, une charte pour les maîtres. Et en fait, la démocratie libérale n'apparut que lorsqu'il fut possible de bien séparer la sphère politique de la sphère économique, pour confiner le processus démocratique entièrement dans la sphère politique, laissant la sphère économique – le monde des affaires, si vous voulez – comme une zone non-démocratique.
Now, in our democracies today, this separation of the economic from the political sphere, the moment it started happening, it gave rise to an inexorable, epic struggle between the two, with the economic sphere colonizing the political sphere, eating into its power.
Maintenant, aujourd'hui dans nos démocraties, cette séparation de l'économie de la sphère politique, dès qu'elle a commencé à se produire, a initié une inexorable et épique bataille entre les deux, la sphère économique colonisant la sphère politique, dévorant son pouvoir.
Have you wondered why politicians are not what they used to be? It's not because their DNA has degenerated.
Vous êtes vous demandé pourquoi les politiciens ont changé ? Ce n'est pas leur ADN qui a dégénéré.
(Laughter)
(Rires)
It is rather because one can be in government today and not in power, because power has migrated from the political to the economic sphere, which is separate.
Mais plutôt parce qu'on peut aujourd'hui gouverner sans avoir le pouvoir, car le pouvoir a migré de la sphère politique à l'économique, qui est à part.
Indeed, I spoke about my quarrel with capitalism. If you think about it, it is a little bit like a population of predators, that are so successful in decimating the prey that they must feed on, that in the end they starve.
Et donc, je parlais de mon problème avec le capitalisme. Quand on y pense, c'est un peu comme une population de prédateurs, qui sont si talentueux pour décimer les proies dont ils se nourrissent qu'à la fin, ils n'ont plus rien à manger.
Similarly, the economic sphere has been colonizing and cannibalizing the political sphere to such an extent that it is undermining itself, causing economic crisis. Corporate power is increasing, political goods are devaluing, inequality is rising, aggregate demand is falling and CEOs of corporations are too scared to invest the cash of their corporations.
De façon similaire, la sphère économique a colonisé et dévoré la sphère politique à tel point qu'elle se sape elle-même, causant des crises économiques. Le pouvoir des entreprises augmente, les biens politiques dévalorisés, les inégalités augmentent, la demande globale s'écroule et les chefs d'entreprises ont trop peur d'investir l'argent de leurs entreprises.
So the more capitalism succeeds in taking the demos out of democracy, the taller the twin peaks and the greater the waste of human resources and humanity's wealth.
Donc plus le capitalisme retire le pouvoir au peuple, plus hautes sont les montagnes jumelles, plus on gaspille les ressources humaines et la richesse de l'humanité.
Clearly, if this is right, we must reunite the political and economic spheres and better do it with a demos being in control, like in ancient Athens except without the slaves or the exclusion of women and migrants.
De toute évidence, si cela est juste, il faut que nous réunissions les sphères politique et économique et autant le faire sous le contrôle du peuple comme dans l'ancienne Athènes, mais sans esclaves ou exclusion des femmes et des migrants.
Now, this is not an original idea. The Marxist left had that idea 100 years ago and it didn't go very well, did it?
Ce n'est pas une idée originale. La gauche marxiste a eu cette idée il y a 100 ans et ça n'a pas bien marché, non ?
The lesson that we learned from the Soviet debacle is that only by a miracle will the working poor be reempowered, as they were in ancient Athens, without creating new forms of brutality and waste.
La leçon que nous avons apprise de la débâcle soviétique est qu'il faudrait un miracle pour rendre le pouvoir aux travailleurs pauvres comme ils l'étaient dans l'ancienne Athènes, sans créer de nouvelles formes de brutalité et de gaspillages.
But there is a solution: eliminate the working poor. Capitalism's doing it by replacing low-wage workers with automata, androids, robots. The problem is that as long as the economic and the political spheres are separate, automation makes the twin peaks taller, the waste loftier and the social conflicts deeper, including -- soon, I believe -- in places like China.
Mais il y a une solution : éliminer les travailleurs pauvres. Le capitalisme le fait en remplaçant les emplois peu rémunérés par des automates, androïdes, ou robots. Le problème est que tant que les sphères politique et économique sont séparées, l'automatisation ne fera qu'alimenter les montagnes jumelles, augmenter le gaspillage et approfondir les conflits sociaux, y compris – et bientôt, je crois – dans des endroits comme la Chine.
So we need to reconfigure, we need to reunite the economic and the political spheres, but we'd better do it by democratizing the reunified sphere, lest we end up with a surveillance-mad hyperautocracy that makes The Matrix, the movie, look like a documentary.
Donc il nous faut réaménager, il faut que nous réunissions les sphères économique et politique, et nous avons tout intérêt à le faire en démocratisant les sphères réunifiées, ou on se retrouvera sous un régime hyper-autocratique, fou de surveillance, qui donnera à Matrix, le film, un air de documentaire.
(Laughter)
(Rires)
So the question is not whether capitalism will survive the technological innovations it is spawning. The more interesting question is whether capitalism will be succeeded by something resembling a Matrix dystopia or something much closer to a Star Trek-like society, where machines serve the humans and the humans expend their energies exploring the universe and indulging in long debates about the meaning of life in some ancient, Athenian-like, high tech agora.
Mais la question n'est pas de savoir si le capitalisme survivra aux innovations technologiques qu'il a vu naître. Il est plus intéressant de se demander si ce qui succédera au capitalisme s'approchera d'une dystopie comme Matrix ou de quelque chose de plus proche de la société de Star Trek, où les machines servent les humains et les humains consacrent leur énergie à l'exploration de l'univers et au plaisir d'échanger longuement sur le sens de la vie dans des agoras high-tech, aux airs athéniens et antiques.
I think we can afford to be optimistic. But what would it take, what would it look like to have this Star Trek-like utopia, instead of the Matrix-like dystopia?
Je pense que nous pouvons nous permettre d'être optimistes. Mais que faudrait-il, comment cela serait-ce si nous vivions l'utopie de Star Trek plutôt que la dystopie de Matrix ?
In practical terms, allow me to share just briefly, a couple of examples.
Sur le plan pratique, permettez-moi juste de partager brièvement, quelques exemples.
At the level of the enterprise, imagine a capital market, where you earn capital as you work, and where your capital follows you from one job to another, from one company to another, and the company -- whichever one you happen to work at at that time -- is solely owned by those who happen to work in it at that moment. Then all income stems from capital, from profits, and the very concept of wage labor becomes obsolete. No more separation between those who own but do not work in the company and those who work but do not own the company; no more tug-of-war between capital and labor; no great gap between investment and saving; indeed, no towering twin peaks.
Au niveau des entreprises, imaginez un marché financier, où vous gagnez du capital en travaillant, et où votre capital vous suit d'un travail à un autre, d'une compagnie à une autre, et la compagnie – celle où vous travaillez à ce moment, n'importe laquelle – est entièrement détenue par ceux qui y travaillent à ce moment. Alors tous les revenus découleront du capital, des profits, et le concept même du salaire salarié deviendra obsolète. Plus de clivage entre ceux qui possèdent sans travailler dans l'entreprise et ceux qui travaillent mais ne possèdent pas la compagnie ; plus de lutte acharnée entre capital et travail ; plus de grand écart entre l'investissement et l'épargne ; en de fait, plus de montagnes jumelles immenses.
At the level of the global political economy, imagine for a moment that our national currencies have a free-floating exchange rate, with a universal, global, digital currency, one that is issued by the International Monetary Fund, the G-20, on behalf of all humanity. And imagine further that all international trade is denominated in this currency -- let's call it "the cosmos," in units of cosmos -- with every government agreeing to be paying into a common fund a sum of cosmos units proportional to the country's trade deficit, or indeed to a country's trade surplus. And imagine that that fund is utilized to invest in green technologies, especially in parts of the world where investment funding is scarce.
Au niveau de la politique économique mondiale, imaginez un moment que nos devises nationales aient un taux d'échange à flottement libre, avec une devise digitale, universelle, mondiale, issue par le Fonds Monétaire International, le G-20, au nom de toute l'humanité. Et imaginez ensuite que tous les échanges internationaux se fassent dans cette devise – appelons-la « le cosmos », en unités de cosmos – et que chaque gouvernement accepte de placer dans un fonds commun une somme d'unités cosmos proportionnelle au déficit commercial du pays, ou a contrario à l'excédent commercial du pays. Et imaginez qu'on investisse ce fonds dans des technologies vertes, surtout dans des parties du monde où les investissements manquent.
This is not a new idea. It's what, effectively, John Maynard Keynes proposed in 1944 at the Bretton Woods Conference. The problem is that back then, they didn't have the technology to implement it. Now we do, especially in the context of a reunified political-economic sphere.
Cette idée n'est pas nouvelle. C'est en réalité ce que John Maynard Keynes a proposé en 1944 à la conférence de Bretton Woods. Le problème est qu'à l'époque, ils n'avaient pas la technologie pour l'implémenter. Maintenant nous l'avons, surtout dans le contexte d'une sphère politico-économique réunifiée.
The world that I am describing to you is simultaneously libertarian, in that it prioritizes empowered individuals, Marxist, since it will have confined to the dustbin of history the division between capital and labor, and Keynesian, global Keynesian. But above all else, it is a world in which we will be able to imagine an authentic democracy.
Le monde que je vous décris est tout à la fois libertaire, car il donne la priorité au pouvoir individuel, Marxiste, puis qu'il veut enfermer dans les poubelles de l'histoire la division entre capital et travail, et Keynésien, Keynésien à l'échelle mondiale. Mais par-dessus tout, c'est un monde qui nous permettra d'imaginer une démocratie authentique.
Will such a world dawn? Or shall we descend into a Matrix-like dystopia? The answer lies in the political choice that we shall be making collectively. It is our choice, and we'd better make it democratically.
Un tel monde peut-il naître ? Ou devrons-nous tomber dans une dystopie à la Matrix ? La réponse dépend du choix politique que nous devons faire collectivement. C'est notre choix, et il vaudrait mieux le faire démocratiquement.
Thank you.
Merci.
(Applause)
(Applaudissements)
Bruno Giussani: Yanis ... It was you who described yourself in your bios as a libertarian Marxist. What is the relevance of Marx's analysis today?
Bruno Giussani : Yanis... Tu te décrivais toi-même comme un marxiste libertaire dans ta bio. Quelle est la pertinence de l'analyse de Marx aujourd'hui ?
Yanis Varoufakis: Well, if there was any relevance in what I just said, then Marx is relevant. Because the whole point of reunifying the political and economic is -- if we don't do it, then technological innovation is going to create such a massive fall in aggregate demand,
Yanis Varoufakis : Eh bien, si on juge ce que je viens de dire pertinent, alors Marx est pertinent. Car tout l'intérêt de réunifier la politique et l'économie est – si nous ne le faisons pas, alors l'innovation technologique va créer une telle chute de la demande globale,
what Larry Summers refers to as secular stagnation. With this crisis migrating from one part of the world, as it is now, it will destabilize not only our democracies, but even the emerging world that is not that keen on liberal democracy. So if this analysis holds water, then Marx is absolutely relevant. But so is Hayek, that's why I'm a libertarian Marxist, and so is Keynes, so that's why I'm totally confused.
ce que Larry Summers appelle une stagnation séculaire. Et cette crise, en migrant d'une partie à l'autre du monde, comme actuellement, déstabilisera non seulement nos démocraties, mais également ce monde émergent qui n'est pas si enclin à la démocratie libérale. Donc si cette analyse tient la route, alors Marx est absolument pertinent. Mais Hayek également, c'est pourquoi je suis un Marxiste libertaire, et Keynes aussi, donc voilà pourquoi je suis si déconcerté.
(Laughter)
(Rires)
BG: Indeed, and possibly we are too, now.
BG : Tout à fait, et on l'est sans doute aussi, maintenant.
(Laughter)
(Rires)
(Applause)
(Applaudissements)
YV: If you are not confused, you are not thinking, OK?
YV : Si on n'est pas déconcerté, c'est qu'on ne réfléchit pas, non ?
BG: That's a very, very Greek philosopher kind of thing to say --
BG : Ça fait très, très philosophe grec de dire ça –
YV: That was Einstein, actually --
YV : C'est d'Einstein, à vrai dire –
BG: During your talk you mentioned Singapore and China, and last night at the speaker dinner, you expressed a pretty strong opinion about how the West looks at China. Would you like to share that?
BG : Pendant votre discours, vous avez parlé de Singapour et la Chine, et la nuit dernière au dîner, vous exprimiez une assez forte opinion sur comment l'Occident juge la Chine. Pourriez-vous la partager ?
YV: Well, there's a great degree of hypocrisy. In our liberal democracies, we have a semblance of democracy. It's because we have confined, as I was saying in my talk, democracy to the political sphere, while leaving the one sphere where all the action is -- the economic sphere -- a completely democracy-free zone.
YV : Bon, il y a un grand degré d'hypocrisie. Dans nos démocraties libérales, nous avons un semblant de démocratie. Ceci car nous avons réduit, comme je disais plus tôt, la démocratie à la sphère politique, tout en laissant la sphère où précisément se passe toute l'action – la sphère économique – être une zone non-démocratique.
In a sense, if I am allowed to be provocative, China today is closer to Britain in the 19th century. Because remember, we tend to associate liberalism with democracy -- that's a mistake, historically. Liberalism, liberal, it's like John Stuart Mill. John Stuart Mill was particularly skeptical about the democratic process. So what you are seeing now in China is a very similar process to the one that we had in Britain during the Industrial Revolution, especially the transition from the first to the second. And to be castigating China for doing that which the West did in the 19th century, smacks of hypocrisy.
Dans un sens, si je peux me permettre cette provocation, la Chine aujourd'hui est plus proche de la Grande-Bretagne du 19ème siècle. Parce que souvenez-vous, on associe souvent libéralisme et démocratie – mais c'est faux, historiquement. Libéralisme, libéral, c'est comme John Stuart Mill. John Stuart Mill était particulièrement sceptique quant au processus démocratique. Et ce qu'on voit maintenant en Chine est un processus très similaire à celui qu'il y a eu en Grande-Bretagne pendant la Révolution Industrielle, particulièrement la transition de la première à la seconde. Et reprocher à la Chine de faire ce que l'Occident a fait au 19ème siècle, a des relents d'hypocrisie.
BG: I am sure that many people here are wondering about your experience as the Finance Minister of Greece earlier this year.
BG : Je suis sûr que beaucoup se posent des questions à propos de votre expérience comme Ministre des Finances grec, plus tôt cette année.
YV: I knew this was coming.
YV : Je savais que ça viendrait.
BG: Yes.
BG : Oui.
BG: Six months after, how do you look back at the first half of the year?
BG : Six mois après, quel bilan tirez-vous de la première moitié de l'année ?
YV: Extremely exciting, from a personal point of view, and very disappointing, because we had an opportunity to reboot the Eurozone. Not just Greece, the Eurozone. To move away from the complacency and the constant denial that there was a massive -- and there is a massive architectural fault line going through the Eurozone, which is threatening, massively, the whole of the European Union process.
YV : Extrêmement excitant, d'un point de vue personnel, et très décevant, car nous avions une opportunité de réinitialiser la zone euro. Pas seulement la Grèce, la zone euro. Pour en finir avec la complaisance et le déni constant qu'il y avait une énorme – qu'il y a énorme ligne de faille dans la zone euro, qui menace, massivement, le processus entier de l'Union Européenne.
We had an opportunity on the basis of the Greek program -- which by the way, was the first program to manifest that denial -- to put it right. And, unfortunately, the powers in the Eurozone, in the Eurogroup, chose to maintain denial.
Nous avions une opportunité basée sur le programme grec – qui d'ailleurs, était le premier programme à manifester ce déni – et le rectifier. Et, malheureusement, les pouvoirs de la zone euro, de l'Eurogroupe, ont choisi de maintenir ce déni.
But you know what happens. This is the experience of the Soviet Union. When you try to keep alive an economic system that architecturally cannot survive, through political will and through authoritarianism, you may succeed in prolonging it, but when change happens it happens very abruptly and catastrophically.
Mais vous savez ce qui se passe. C'est l'expérience de l'Union Soviétique. Quand on essaie de garder en vie un système économique voué architecturalement à l'échec, grâce au pouvoir politique et à l'autoritarisme, vous pouvez réussir à le prolonger, mais quand le changement arrive, il arrive de façon très brusque et catastrophique.
BG: What kind of change are you foreseeing?
BG : Quel type de changement prévoyez-vous ?
YV: Well, there's no doubt that if we don't change the architecture of the Eurozone, the Eurozone has no future.
YV : Eh bien, sans aucun doute, si l'architecture de la zone euro n'est pas changée, la zone euro n'a pas d'avenir.
BG: Did you make any mistakes when you were Finance Minister?
BG : Avez-vous fait des erreurs en tant que Ministre ?
YV: Every day.
YV : Tous les jours. BG : Par exemple ?
BG: For example? YV: Anybody who looks back --
YV : Quiconque regarde en arrière –
(Applause)
(Applaudissements)
No, but seriously. If there's any Minister of Finance, or of anything else for that matter, who tells you after six months in a job, especially in such a stressful situation, that they have made no mistake, they're dangerous people. Of course I made mistakes.
Non, mais sérieusement. Si n'importe quel Ministres des Finances, ou d'autre chose vous dit après six mois à son poste, particulièrement dans une situation si stressante, qu'il n'a pas fait d'erreurs, alors c'est une personne dangereuse. Bien sûr que je me suis trompé.
The greatest mistake was to sign the application for the extension of a loan agreement in the end of February. I was imagining that there was a genuine interest on the side of the creditors to find common ground. And there wasn't. They were simply interested in crushing our government, just because they did not want to have to deal with the architectural fault lines that were running through the Eurozone. And because they didn't want to admit that for five years they were implementing a catastrophic program in Greece. We lost one-third of our nominal GDP. This is worse than the Great Depression. And no one has come clean from the troika of lenders that have been imposing this policy to say, "This was a colossal mistake."
Ma plus grande erreur a été de signer l'application pour l'extension des accords de prêt, fin février. J'imaginais qu'il y avait un intérêt véritable pour les créditeurs à trouver un terrain d'entente. Mais il n'y en avait pas. Ils voulaient juste écraser notre gouvernement, parce qu'ils ne voulaient pas avoir à s'occuper de la ligne de faille qui fracture la zone euro. Et parce qu'ils n'ont pas voulu admettre que pendant cinq ans ils appliquaient un programme catastrophique en Grèce. Nous avons perdu un tiers de notre PIB. Ce qui est pire que pendant la Grande Dépression. Et personne, dans la troïka des prêteurs imposant ce programme n'a admis que c'était une erreur colossale.
BG: Despite all this, and despite the aggressiveness of the discussion, you seem to be remaining quite pro-European.
BG : En dépit de tout ça, et en dépit de la véhémence de la discussion, vous semblez rester assez pro-Européen.
YV: Absolutely. Look, my criticism of the European Union and the Eurozone comes from a person who lives and breathes Europe. My greatest fear is that the Eurozone will not survive. Because if it doesn't, the centrifugal forces that will be unleashed will be demonic, and they will destroy the European Union. And that will be catastrophic not just for Europe but for the whole global economy.
YV : Absolument. Vous voyez, la critique que j'émets sur l'Union Européenne et la zone euro vient d'une personne qui ne vit que pour l'Europe. Ma plus grande peur est que la zone euro ne survive pas. Et si elle ne survit pas, les forces centrifuges qui seront libérées seront monstrueuses, et détruiront l'Union Européenne. Et ce sera catastrophique pas seulement pour l'Europe mais pour toute l'économie.
We are probably the largest economy in the world. And if we allow ourselves to fall into a route of the postmodern 1930's, which seems to me to be what we are doing, then that will be detrimental to the future of Europeans and non-Europeans alike.
Nous sommes probablement la plus grande économie dans le monde. Et si nous nous laissons retomber dans les pas des années 30 postmodernes, ce qui me semble être le cas, alors cela nuira à l'avenir des Européens mais aussi des non-Européens.
BG: We definitely hope you are wrong on that point. Yanis, thank you for coming to TED.
BG : Nous espérons bien sûr que vous avez tort sur ce point. Yanis, merci d'être venu à TED.
YV: Thank you.
YV : Merci.
(Applause)
(Applaudissements)