About 10 years ago, I went through a little bit of a hard time. So I decided to go see a therapist. I had been seeing her for a few months, when she looked at me one day and said, "Who actually raised you until you were three?" Seemed like a weird question. I said, "My parents." And she said, "I don't think that's actually the case; because if it were, we'd be dealing with things that are far more complicated than just this."
Il y a 10 ans, j'ai traversé une période difficile. J'ai donc décidé d'aller chez un thérapeute. Après quelques mois de thérapie, elle m'a observée et m'a demandé : « Qui vous a élevée jusqu'à vos 3 ans ? » C'était une question étrange. J'ai répondu : « Mes parents. » Elle m'a alors dit qu'elle en doutait. Parce que, si c'était le cas, mes problèmes auraient été bien plus compliqués.
It sounded like the setup to a joke, but I knew she was serious. Because when I first started seeing her, I was trying to be the funniest person in the room. And I would try and crack these jokes, but she caught on to me really quickly, and whenever I tried to make a joke, she would look at me and say, "That is actually really sad." (Laughter) It's terrible.
J'aurais pu croire à une plaisanterie mais je savais qu'elle était sérieuse. Pendant nos premiers entretiens, j'essayais d'être drôle. J'essayais de raconter des blagues. Mais elle a vite découvert mon petit jeu. À chacune de mes blagues, elle me regardait et disait : « En fait, c'est très triste. » (Rires) C'est affreux.
So I knew I had to be serious, and I asked my parents who had actually raised me until I was three? And to my surprise, they said my primary caregiver had been a distant relative of the family. I had called her my auntie.
Je devais la prendre au sérieux et j'ai demandé à mes parents qui m'avait élevée jusqu'à mes trois ans. À ma grande surprise, ils ont avoué que c'est une parente éloignée qui avait pris soin de moi. Je l'appelais ma tatie.
I remember my auntie so clearly, it felt like she had been part of my life when I was much older. I remember the thick, straight hair, and how it would come around me like a curtain when she bent to pick me up; her soft, southern Thai accent; the way I would cling to her, even if she just wanted to go to the bathroom or get something to eat. I loved her, but [with] the ferocity that a child has sometimes before she understands that love also requires letting go.
Je me souviens très bien d'elle. C'est comme si elle avait fait partie de ma vie jusqu'à bien plus tard. Je me souviens de ses cheveux épais et raides qui tombaient en cascade quand elle se penchait pour me prendre dans ses bras. Elle avait l'accent doux du Sud de la Thaïlande. Je m'accrochais à elle, même quand elle devait juste aller aux toilettes, ou manger. Je l'adorais avec cette férocité qu'on parfois les enfants quand ils ne comprennent pas encore que l'amour requiert de lâcher prise.
But my clearest and sharpest memory of my auntie, is also one of my first memories of life at all. I remember her being beaten and slapped by another member of my family. I remember screaming hysterically and wanting it to stop, as I did every single time it happened, for things as minor as wanting to go out with her friends, or being a little late. I became so hysterical over her treatment, that eventually, she was just beaten behind closed doors.
L'un de mes souvenirs les plus vivaces de cette tatie, est aussi l'un de mes premiers souvenirs. Je me souviens qu'elle était battue par un autre membre de la famille. Je me souviens pleurer et crier en demandant d'arrêter, chaque fois que ça arrivait, pour des raisons insignifiantes, comme sortir avec des amies, ou être un peu en retard. Cette violence me rendait si hystérique, qu'à la fin, on la battait dans une autre pièce.
Things got so bad for her that eventually she ran away. As an adult, I learned later that she had been just 19 when she was brought over from Thailand to the States to care for me, on a tourist visa. She wound up working in Illinois for a time, before eventually returning to Thailand, which is where I ran into her again, at a political rally in Bangkok. I clung to her again, as I had when I was a child, and I let go, and then I promised that I would call. I never did, though. Because I was afraid if I said everything that she meant to me -- that I owed perhaps the best parts of who I became to her care, and that the words "I'm sorry" were like a thimble to bail out all the guilt and shame and rage I felt over everything she had endured to care for me for as long as she had -- I thought if I said those words to her, I would never stop crying again. Because she had saved me. And I had not saved her.
La situation empirait tellement qu'elle s'est finalement enfuie. À l'âge adulte, j'ai appris qu'elle avait 19 ans quand elle a quitté la Thaïlande pour venir temporairement aux États-Unis, s'occuper de moi. Elle a un peu travaillé dans l'Illinois, avant de pouvoir rentrer en Thaïlande. C'est là que je l'ai retrouvée, à Bangkok, dans une manifestation politique. Je me suis accrochée à elle, comme quand j'étais enfant, et je l'ai lâchée, en promettant d'appeler. Mais je ne l'ai jamais fait. Je craignais que lui avouer l'importance qu'elle a pour moi, que le fait que je lui doive le meilleur de moi-même, que lui demander pardon soit une goutte d'eau dans l'océan, incapable d'alléger ma culpabilité, ma honte et ma rage face à tout ce qu'elle avait enduré pour s'occuper de moi. Je craignais de ne plus pouvoir arrêter le flots de mes larmes. Parce qu'elle m'avait sauvée. Et moi, je ne l'avais pas sauvée.
I'm a journalist, and I've been writing and researching human trafficking for the past eight years or so, and even so, I never put together this personal story with my professional life until pretty recently. I think this profound disconnect actually symbolizes most of our understanding about human trafficking. Because human trafficking is far more prevalent, complex and close to home than most of us realize.
Je suis journaliste et j'investigue la traite des personnes depuis plus de 8 ans. Mais ce n'est que très récemment que j'ai associé mon histoire personnelle à ma vie professionnelle. Je pense que cette déconnexion profonde symbolise parfaitement notre compréhension de la traite des personnes. Celle-ci est en effet plus fréquente, complexe et proche de nous, qu'on ne l'imagine.
I spent time in jails and brothels, interviewed hundreds of survivors and law enforcement, NGO workers. And when I think about what we've done about human trafficking, I am hugely disappointed. Partly because we don't even talk about the problem right at all. When I say "human trafficking," most of you probably don't think about someone like my auntie. You probably think about a young girl or woman, who's been brutally forced into prostitution by a violent pimp. That is real suffering, and that is a real story. That story makes me angry for far more than just the reality of that situation, though.
Je suis allée dans des prisons et des bordels, j'ai interviewé des survivants, des policiers, des ONG. Mais je suis profondément déçue par notre façon d'aborder la traite des personnes. D'abord parce qu'on ne parle même pas de ce problème chez nous. Cette expression n'évoque sans doute pas pour la plupart d'entre vous, une personne comme ma tatie. Ça évoque probablement une jeune fille ou une femme, brutalement forcée à se prostituer par un proxénète violent. C'est une réelle souffrance et ça existe vraiment. Cette histoire me rend furieuse bien davantage que la réalité.
As a journalist, I really care about how we relate to each other through language, and the way we tell that story, with all the gory, violent detail, the salacious aspects -- I call that "look at her scars" journalism. We use that story to convince ourselves that human trafficking is a bad man doing a bad thing to an innocent girl. That story lets us off the hook. It takes away all the societal context that we might be indicted for, for the structural inequality, or the poverty, or the barriers to migration. We let ourselves think that human trafficking is only about forced prostitution, when in reality, human trafficking is embedded in our everyday lives.
En tant que journaliste, j'attache de l'importance au langage, et la manière dont nous racontons ces histoires, avec le sang, les détails violents et salaces, j'appelle ça du voyeurisme. On utilise cette histoire pour se convaincre que cela se résume à un homme brutal abusant d'une fille innocente. Cette histoire ne nous touche pas. Elle élimine le contexte social dont nous sommes responsables, les inégalités structurelles, la pauvreté, les barrières à l'immigration. On se laisse bercer par l'illusion que la traite des personnes se réduit à la prostitution forcée. Alors qu'en réalité, elle est étroitement liée à notre vie quotidienne.
Let me show you what I mean. Forced prostitution accounts for 22 percent of human trafficking. Ten percent is in state- imposed forced labor. but a whopping 68 percent is for the purpose of creating the goods and delivering the services that most of us rely on every day, in sectors like agricultural work, domestic work and construction. That is food and care and shelter. And somehow, these most essential workers are also among the world's most underpaid and exploited today. Human trafficking is the use of force, fraud or coercion to compel another person's labor. And it's found in cotton fields, and coltan mines, and even car washes in Norway and England. It's found in U.S. military bases in Iraq and Afghanistan.
Je vais vous donner un exemple. La prostitution forcée représente 22% de la traite des personnes. 10% viennent du travail forcé imposé par l'État, mais les 68% restants servent à fabriquer les biens, à fournir les services, sur lesquels nous comptons tous les jours, dans les secteurs de l'agriculture, le travail domestique, le bâtiment. En d'autres termes, l'alimentaire, les soins et nos maisons. Ces travailleurs pourtant essentiels sont parmi les moins payés et les plus exploités au monde. La traite des personnes est l'usage de la force, de la fraude ou de la contrainte pour obliger une tierce personne à travailler. Elle existe dans les champs de coton, les mines de coltan, même dans les lavage-autos en Norvège et en Angleterre, dans les bases militaires américaines en Irak et en Afghanistan,
It's found in Thailand's fishing industry. That country has become the largest exporter of shrimp in the world. But what are the circumstances behind all that cheap and plentiful shrimp? Thai military were caught selling Burmese and Cambodian migrants onto fishing boats. Those fishing boats were taken out, the men put to work, and they were thrown overboard if they made the mistake of falling sick, or trying to resist their treatment. Those fish were then used to feed shrimp, The shrimp were then sold to four major global retailers: Costco, Tesco, Walmart and Carrefour.
dans l'industrie de la pêche en Thaïlande. La Thaïlande est devenue le premier exportateur mondial de crevettes. Quelles sont les circonstances qui permettent de produire des tonnes de crevettes à bas prix ? Des militaires thaïs ont été interceptés en train de vendre des émigrés birmans et cambodgiens sur des bateaux de pêche. Ces bateaux partaient au large, on les forçait à travailler. On les jetait par dessus bord s'ils avaient la mauvaise idée de tomber malade ou de résister. On nourrissait les crevettes avec ces poissons. Les crevettes sont ensuite vendues à 4 grands distributeurs mondiaux : Costco, Tesco, Walmart et Carrefour.
Human trafficking is found on a smaller scale than just that, and in places you would never even imagine. Traffickers have forced young people to drive ice cream trucks, or to sing in touring boys' choirs. Trafficking has even been found in a hair braiding salon in New Jersey.
La traite des personnes existe aussi à plus petite échelle, là où on ne l'attend pas. De jeunes gens sont forcés à conduire des camions de glaces, à chanter dans des chœurs itinérants. On en a découvert dans le New Jersey, dans un salon de coiffure africaine.
The scheme in that case was incredible. The traffickers found young families who were from Ghana and Togo, and they told these families that "your daughters are going to get a fine education in the United States." They then located winners of the green card lottery, and they told them, "We'll help you out. We'll get you a plane ticket. We'll pay your fees. All you have to do is take this young girl with you, say that she's your sister or your spouse. Once everyone arrived in New Jersey, the young girls were taken away, and put to work for 14-hour days, seven days a week, for five years. They made their traffickers nearly four million dollars.
Ce cas précis était incroyable. Les trafiquants approchaient de jeunes familles au Ghana et au Togo. Ils leurs racontaient que leurs filles allaient recevoir une bonne éducation aux États-Unis. Ils identifiaient les personnes qui avaient gagné une carte verte et leur disaient : « Nous allons vous aider. On vous offre le billet d'avion, on vous paie vos frais. En échange, emmenez cette jeune fille, prétendez que c'est votre sœur ou votre femme.» Une fois arrivées dans le New Jersey, on emmenait les filles, et on les contraignait à travailler 14 heures par jour, 7 jours sur 7, pendant 5 ans. Elles rapportaient à leurs trafiquants presque 4 millions de dollars.
This is a huge problem. So what have we done about it? We've mostly turned to the criminal justice system. But keep in mind, most victims of human trafficking are poor and marginalized. They're migrants, people of color. Sometimes they're in the sex trade. And for populations like these, the criminal justice system is too often part of the problem, rather than the solution. In study after study, in countries ranging from Bangladesh to the United States, between 20 and 60 percent of the people in the sex trade who were surveyed said that they had been raped or assaulted by the police in the past year alone. People in prostitution, including people who have been trafficked into it, regularly receive multiple convictions for prostitution. Having that criminal record makes it so much more difficult to leave poverty, leave abuse, or leave prostitution, if that person so desires. Workers outside of the sex sector -- if they try and resist their treatment, they risk deportation. In case after case I've studied, employers have no problem calling on law enforcement to try and threaten or deport their striking trafficked workers. If those workers run away, they risk becoming part of the great mass of undocumented workers who are also subject to the whims of law enforcement if they're caught.
C'est un problème de taille. Qu'avons-nous fait ? On s'est adressé au système judiciaire. N'oubliez pas que les victimes des trafiquants sont pauvres et marginalisées. Ce sont des émigrés, des gens de couleur, parfois des esclaves sexuels. Et pour ces populations, le système judiciaire fait plus souvent partie du problème que de la solution. Étude après étude, du Bangladesh aux États-Unis, 20 à 60% des personnes interrogées, travaillant dans le milieu du sexe, ont affirmé avoir été violées ou agressées par la police durant l'année. Les personnes dans la prostitution, même les victimes d'un trafic, sont souvent condamnées plusieurs fois pour faits de prostitution. Avoir un casier judiciaire rend encore plus difficile de fuir la pauvreté, les abus ou la prostitution, si tel est le souhait de la personne. En dehors de cette industrie, s'ils tentent de résister à leurs traitements, ils risquent l'expulsion. Dans tous les cas étudiés, les employeurs n'avaient aucun scrupule à appeler les forces de l'ordre pour menacer ou expulser ces travailleurs rebelles. S'ils s'enfuient, ils prennent le risque de rejoindre la foule de clandestins, qui sont aussi la cible de forces de l'ordre imprévisibles quand ils sont appréhendés.
Law enforcement is supposed to identify victims and prosecute traffickers. But out of an estimated 21 million victims of human trafficking in the world, they have helped and identified fewer than 50,000 people. That's like comparing the population of the world to the population of Los Angeles, proportionally speaking. As for convictions, out of an estimated 5,700 convictions in 2013, fewer than 500 were for labor trafficking. Keep in mind that labor trafficking accounts for 68 percent of all trafficking, but fewer than 10 percent of the convictions.
Les forces de l'ordre sont censées identifier les victimes et poursuivre les trafiquants. Mais sur les 21 millions de victimes estimées de la traite dans le monde, elles ont effectivement aidé et identifié moins de 50 000 personnes. C'est comme comparer la population mondiale à celle de Los Angeles, en termes d'échelle. En 2013, il y a eu 5700 condamnations, dont moins de 500 pour trafic de main d’œuvre. Gardez à l'esprit que celui-ci représente 68% de la totalité des trafics, mais moins de 10% des condamnations.
I've heard one expert say that trafficking happens where need meets greed. I'd like to add one more element to that. Trafficking happens in sectors where workers are excluded from protections, and denied the right to organize. Trafficking doesn't happen in a vacuum. It happens in systematically degraded work environments. You might be thinking, oh, she's talking about failed states, or war-torn states, or -- I'm actually talking about the United States. Let me tell you what that looks like.
Un expert m'a dit un jour que la traite des personnes survient quand le besoin rencontre la cupidité. J'aimerais y ajouter un composant. Il y a du trafic dans les secteurs où les ouvriers n'ont pas de protection, et n'ont pas le droit de se liguer. La traite ne naît pas d'un vide. Elle naît systématiquement dans des conditions de travail déteriorées. Vous croyez sans doute que je parle d'États défaillants, ou gangrenés par les guerres. Non, je vous parle des États-Unis. Voici à quoi ça ressemble.
I spent many months researching a trafficking case called Global Horizons, involving hundreds of Thai farm workers. They were sent all over the States, to work in Hawaii pineapple plantations, and Washington apple orchards, and anywhere the work was needed. They were promised three years of solid agricultural work. So they made a calculated risk. They sold their land, they sold their wives' jewelry, to make thousands in recruitment fees for this company, Global Horizons. But once they were brought over, their passports were confiscated. Some of the men were beaten and held at gunpoint. They worked so hard they fainted in the fields. This case hit me so hard.
J'ai passé des mois sur un trafic appelé Global Horizons, qui impliquait des centaines de fermiers thaïlandais. On les expédiait à Hawaï, dans les plantations d'ananas, dans les pommeraies de Washington, partout où la main d'œuvre est nécessaire. On leur promettait 3 ans de travail agricole. Alors ils prenaient un risque calculé. Ils vendaient leurs terres, les bijoux de leur femme, pour payer les frais de recrutement de cette société, Global Horizons. Une fois sur place, on leur confisquait leur passeport. Certains hommes étaient battus ou menacés avec une arme. Ils travaillaient si durement qu'ils s'évanouissaient dans les champs. Leur histoire m'a vraiment bouleversée.
After I came back home, I was wandering through the grocery store, and I froze in the produce department. I was remembering the over-the-top meals the Global Horizons survivors would make for me every time I showed up to interview them. They finished one meal with this plate of perfect, long-stemmed strawberries, and as they handed them to me, they said, "Aren't these the kind of strawberries you eat with somebody special in the States? And don't they taste so much better when you know the people whose hands picked them for you?"
De retour chez moi, je suis allée au supermarché et je suis restée bloquée devant le rayon des fruits et légumes. J'ai repensé aux repas que m'offraient les survivants de Global Horizons chaque fois que je leur rendais visite pour les interviewer. Un de ces repas comprenait un plat de fraises parfaites en dessert. En me les proposant, ils disaient ceci : « Aux États-Unis, vous mangez cette sorte de fraises avec quelqu'un qui vous est cher, non ? Et ne sont-elles pas plus goûteuses quand vous connaissez les personnes qui les ont cueillies pour vous ? »
As I stood in that grocery store weeks later, I realized I had no idea of who to thank for this plenty, and no idea of how they were being treated. So, like the journalist I am, I started digging into the agricultural sector. And I found there are too many fields, and too few labor inspectors. I found multiple layers of plausible deniability between grower and distributor and processor, and God knows who else. The Global Horizons survivors had been brought to the States on a temporary guest worker program. That guest worker program ties a person's legal status to his or her employer, and denies that worker the right to organize. Mind you, none of what I am describing about this agricultural sector or the guest worker program is actually human trafficking. It is merely what we find legally tolerable. And I would argue this is fertile ground for exploitation. And all of this had been hidden to me, before I had tried to understand it.
Plus tard, toujours au supermarché je me suis aperçue que je n'avais aucune idée qui remercier pour cette abondance, ou du traitement infligé à ces personnes. Mon métier de journaliste m'a poussée à creuser le secteur agricole. J'ai compris qu'il y avait trop de champs, et trop peu d'inspecteurs du travail. J'ai découvert plusieurs couches de réfutations crédibles entre les cultivateurs, les distributeurs, les transformateurs et les autres maillons de la chaîne. Les survivants de Global Horizons avaient rejoint les États-Unis sur la base d'un programme de travail temporaire. Ce programme lie le statut légal d'une personne à son employeur, et lui interdit le droit de se liguer. Ceci dit, ce que je vous explique à propos du secteur agricole, ou du programme de travail temporaire, ne relève pas exactement d'un trafic. Il s'agit juste de la limite tolérable, légalement parlant. Je pense qu'il s'agit d'un terreau propice à l'exploitation. Tout ceci m'avait été caché, avant que je ne m'y intéresse.
I wasn't the only person grappling with these issues. Pierre Omidyar, founder of eBay, is one of the biggest anti-trafficking philanthropists in the world. And even he wound up accidentally investing nearly 10 million dollars in the pineapple plantation cited as having the worst working conditions in that Global Horizons case. When he found out, he and his wife were shocked and horrified, and they wound up writing an op-ed for a newspaper, saying that it was up to all of us to learn everything we can about the labor and supply chains of the products that we support. I totally agree.
Je n'étais pas la seule personne perturbée par cette situation. Pierre Omidyar, le fondateur d'eBay, est un philanthrope des plus engagés contre la traite des êtres humains. Cependant, il a accidentellement investi 10 millions de dollars dans des plantations d'ananas en lien avec Global Horizons qui présentaient de terribles conditions de travail. Cette découverte les a horrifiés, lui et sa femme. Ils ont rédigé une lettre ouverte dans un quotidien appelant chacun de nous à s'informer autant que possible sur les chaînes d'approvisionnement des produits que nous achetons. Ils ont raison.
What would happen if each one of us decided that we are no longer going to support companies if they don't eliminate exploitation from their labor and supply chains? If we demanded laws calling for the same? If all the CEOs out there decided that they were going to go through their businesses and say, "no more"? If we ended recruitment fees for migrant workers? If we decided that guest workers should have the right to organize without fear of retaliation? These would be decisions heard around the world. This isn't a matter of buying a fair-trade peach and calling it a day, buying a guilt-free zone with your money. That's not how it works. This is the decision to change a system that is broken, and that we have unwittingly but willingly allowed ourselves to profit from and benefit from for too long.
Que se passerait-il si chacun d'entre nous décidait de ne plus acheter auprès des entreprises qui n'éliminent pas l'exploitation de leurs chaînes d'approvisionnement et de main d’œuvre ? Si nous exigions des lois à cette fin ? Si tous les PDG décidaient de revoir leur politique et de dire : « Ça suffit. » ? Si nous mettions fin aux frais de recrutement pour ces ouvriers ? Si nous décidions que les travailleurs temporaires ont le droit de s'organiser sans crainte de représailles ? Le monde entier en entendrait parler. Il ne s'agit pas d'acheter une pêche du commerce équitable, pour vous déculpabiliser en achetant un produit certifié. Le monde ne fonctionne pas ainsi. C'est une décision pour changer un système défaillant, et dont nous profitons à notre insu mais avec grand plaisir depuis trop longtemps.
We often dwell on human trafficking survivors' victimization. But that is not my experience of them. Over all the years that I've been talking to them, they have taught me that we are more than our worst days. Each one of us is more than what we have lived through. Especially trafficking survivors. These people were the most resourceful and resilient and responsible in their communities. They were the people that you would take a gamble on. You'd say, I'm gong to sell my rings, because I have the chance to send you off to a better future. They were the emissaries of hope.
Nous nous étendons souvent sur la victimisation des survivants d'un trafic humain. Mais j'en ai une expérience différente. Depuis toutes ces années que je les fréquente, ils m'ont appris que nous sommes davantage que la somme de nos mauvais jours. Chacun d'entre nous dépasse les expériences qu'il a vécues. Surtout les survivants de la traite des personnes. Ces personnes sont les plus ingénieuses, résilientes et responsables au sein de leurs communautés. Ce sont les personnes à qui on fait confiance. Vous vendriez vos bijoux pour avoir la chance de leur offrir un meilleur avenir. Ils sont les émissaires de l'espoir.
These survivors don't need saving. They need solidarity, because they're behind some of the most exciting social justice movements out there today. The nannies and housekeepers who marched with their families and their employers' families -- their activism got us an international treaty on domestic workers' rights. The Nepali women who were trafficked into the sex trade -- they came together, and they decided that they were going to make the world's first anti-trafficking organization actually headed and run by trafficking survivors themselves. These Indian shipyard workers were trafficked to do post-Hurricane Katrina reconstruction. They were threatened with deportation, but they broke out of their work compound and they marched from New Orleans to Washington, D.C., to protest labor exploitation. They cofounded an organization called the National Guest Worker Alliance, and through this organization, they have wound up helping other workers bring to light exploitation and abuses in supply chains in Walmart and Hershey's factories. And although the Department of Justice declined to take their case, a team of civil rights lawyers won the first of a dozen civil suits this February, and got their clients 14 million dollars.
Ces survivants n'ont pas besoin de secours. Ils ont besoin de solidarité. Ils sont en effet à la source de plusieurs mouvements en faveur de la justice sociale. Les revendications des nounous et des domestiques qui ont manifesté avec leurs familles, et avec les familles de leurs employeurs, ont conduit à la signature d'un traité international sur les droits des travailleurs domestiques. Les Népalaises qui ont été vendues pour le trafic sexuel se sont unies et ont décidé de créer la première organisation au monde contre la traite des personnes dirigée et gérée par des survivantes. Ces travailleurs indiens des chantiers navals ont été vendus pour participer à la reconstruction après Katrina. On les a menacés d'expulsion mais ils ont résisté et se sont enfuis. Ils ont manifesté de la Nouvelle-Orléans à Washington pour protester contre leur exploitation. Ils ont fondé une organisation : l'Alliance Nationale des Travailleurs Temporaires. À travers celle-ci, ils ont pu aider d'autres travailleurs, ils ont dévoilé les abus et l'exploitation dans la distribution, chez Walmart et Hershey's. En dépit du refus du Ministère de la Justice de les entendre, des avocats spécialisés en Droits de l'Homme ont gagné en février le premier d'une dizaine de procès civils.
These survivors are fighting for people they don't even know yet,
Ils ont obtenu 14 millions de dollars de dédommagement pour leurs clients.
other workers, and for the possibility of a just world for all of us. This is our chance to do the same. This is our chance to make the decision that tells us who we are, as a people and as a society; that our prosperity is no longer prosperity, as long as it is pinned to other people's pain; that our lives are inextricably woven together; and that we have the power to make a different choice.
Ces survivants se battent pour des personnes qu'ils ne connaissent pas encore, d'autres travailleurs, et pour créer un monde juste pour tout le monde. Nous avons l'opportunité de faire pareil. Nous pouvons prendre la décision qui va nous définir en tant qu'individu et en tant que société ; que notre prospérité ne peut porter son nom si elle est rendue possible par la souffrance d'autrui ; que nos vies sont interdépendantes ; et que nous avons le pouvoir de faire un autre choix.
I was so reluctant to share my story of my auntie with you. Before I started this TED process and climbed up on this stage, I had told literally a handful of people about it, because, like many a journalist, I am far more interested in learning about your stories than sharing much, if anything, about my own. I also haven't done my journalistic due diligence on this. I haven't issued my mountains of document requests, and interviewed everyone and their mother, and I haven't found my auntie yet. I don't know her story of what happened, and of her life now. The story as I've told it to you is messy and unfinished. But I think it mirrors the messy and unfinished situation we're all in, when it comes to human trafficking. We are all implicated in this problem. But that means we are all also part of its solution. Figuring out how to build a more just world is our work to do, and our story to tell. So let us tell it the way we should have done, from the very beginning. Let us tell this story together.
J'ai beaucoup hésité à partager l'histoire de ma tatie avec vous. Avant de participer à TED, et d'être parmi vous, je n'en avais pratiquement jamais parlé. Parce qu'en tant que journaliste, je suis plus encline à écouter vos histoires, qu'à partager les miennes. Je n'ai pas encore fait une enquête sérieuse sur mon passé. Je n'ai pas rempli des tonnes de requêtes, ni interviewé qui que ce soit. Je n'ai pas encore retrouvé ma tatie. Je ne connais pas sa version, ni sa vie aujourd'hui. Mon histoire aujourd'hui est chaotique et inachevée. Mais elle reflète bien la situation chaotique et inachevée d'aujourd'hui à propos de la traite des personnes. Nous sommes tous des parties prenantes. Par conséquent, nous faisons tous partie de la solution. Nous pouvons réfléchir à comment construire un monde plus juste, et transmettre nos histoires. Unissons nos efforts pour agir comme nous aurions dû le faire dès le départ. Racontons ensemble cette histoire.
Thank you so much.
Merci beaucoup.
(Applause)
(Applaudissements)