In the early days of Twitter, it was like a place of radical de-shaming. People would admit shameful secrets about themselves, and other people would say, "Oh my God, I'm exactly the same." Voiceless people realized that they had a voice, and it was powerful and eloquent. If a newspaper ran some racist or homophobic column, we realized we could do something about it. We could get them. We could hit them with a weapon that we understood but they didn't -- a social media shaming. Advertisers would withdraw their advertising. When powerful people misused their privilege, we were going to get them. This was like the democratization of justice. Hierarchies were being leveled out. We were going to do things better.
Au début de son existence, Twitter était comme un lieu radical de déshumiliation. Les gens admettaient des secrets honteux à leur sujet, et d'autres personnes disaient : « Mon Dieu, je suis exactement pareil ». Des gens sans-voix réalisaient qu'ils avaient une voix, et c'était puissant et éloquent. Si un journal tenait une rubrique raciste ou homophobe, on se rendait compte qu'on pouvait faire quelque chose. On pouvait les avoir. On pouvait les frapper avec une arme qu'on comprenait mais eux pas... une humiliation sur les réseaux sociaux. Les publicitaires enlevaient leurs publicités. Quand des gens puissants abusaient de leurs privilèges, on leur tombait dessus. Ça ressemblait à la démocratisation de la justice. Les hiérarchies étaient aplanies. On allait mieux faire les choses.
Soon after that, a disgraced pop science writer called Jonah Lehrer -- he'd been caught plagiarizing and faking quotes, and he was drenched in shame and regret, he told me. And he had the opportunity to publicly apologize at a foundation lunch. This was going to be the most important speech of his life. Maybe it would win him some salvation. He knew before he arrived that the foundation was going to be live-streaming his event, but what he didn't know until he turned up, was that they'd erected a giant screen Twitter feed right next to his head. (Laughter) Another one in a monitor screen in his eye line.
Peu après ça, un auteur de vulgaristion scientifique déshonoré du nom de Jonah Lehrer -- il avait été pris en flagrant délit de plagiat et de citations bidons, et il baignait dans la honte et le regret, m'a-t-il dit. Et il a eu la possobilité de s'excuser publiquement lors d'un repas caritatif. Ça allait être le discours le plus important de sa vie. Peut-être que ça lui offrirait son salut. Il savait avant d'arriver que la fondation allait diffuser cet évènement en direct, mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'on avait installé un écran géant qui diffusait les derniers Tweets juste à côté de sa tête. (Rires) Et un autre écran de contrôle dans son champ de vision.
I don't think the foundation did this because they were monstrous. I think they were clueless: I think this was a unique moment when the beautiful naivety of Twitter was hitting the increasingly horrific reality.
Je ne pense pas que la fondation ait fait ça parce que c'était des monstres, Je pense qu'ils étaient mal informés : c'était un moment unique où la belle naïveté de Twitter se heurtait à la réalité qui était de plus en plus horrible.
And here were some of the Tweets that were cascading into his eye line, as he was trying to apologize:
Et voici certains des Tweets qui défilaient sous ses yeux, alors qu'il essayait de s'excuser :
"Jonah Lehrer, boring us into forgiving him." (Laughter)
« Jonah Lehrer, qui nous barbe pour qu'on lui pardonne. » (Rires)
And, "Jonah Lehrer has not proven that he is capable of feeling shame."
Et « Jonah Lehrer n'a pas prouvé qu'il pouvait ressentir la honte. »
That one must have been written by the best psychiatrist ever, to know that about such a tiny figure behind a lectern.
Celui-là a dû être écrit par le meilleur psychiatre qu'il soit, pour savoir ça sur un petit personnage derrière un lutrin.
And, "Jonah Lehrer is just a frigging sociopath."
Et « Jonah Lehrer est juste un foutu sociopathe. »
That last word is a very human thing to do, to dehumanize the people we hurt. It's because we want to destroy people but not feel bad about it. Imagine if this was an actual court, and the accused was in the dark, begging for another chance, and the jury was yelling out, "Bored! Sociopath!" (Laughter)
Ce dernier mot, c'est très humain, déshumaniser les gens que nous blessons. C'est parce que nous voulons détruire les gens mais pas nous sentir mal. Imaginez que ce soit un vrai procès, l'accusé serait dans le noir, suppliant qu'on lui donne une autre chance, et le jury crierait : « Ennuyeux ! Sociopathe ! » (Rires)
You know, when we watch courtroom dramas, we tend to identify with the kindhearted defense attorney, but give us the power, and we become like hanging judges.
Vous savez, quand on regarde des séries judiciaires, on a tendance à s'identifier au gentil avocat de la défense, mais qu'on nous donne le pouvoir, et on devient des juges de la mort.
Power shifts fast. We were getting Jonah because he was perceived to have misused his privilege, but Jonah was on the floor then, and we were still kicking, and congratulating ourselves for punching up. And it began to feel weird and empty when there wasn't a powerful person who had misused their privilege that we could get. A day without a shaming began to feel like a day picking fingernails and treading water.
Le pouvoir change vite de mains. On s'en prenait à Jonah parce qu'on percevait de lui un abus de privilèges, mais à ce moment-là, Jonah était parterre et nous frappions toujours, en nous félicitant de l'effet positif. Et ça a commencé à être gênant et vide lorsque ce n'était pas quelqu'un de puissant ayant abusé de ses privilèges à qui on s'en prenait. Une journée sans humiliation ressemblait à une journée à se curer les ongles et à faire du surplace.
Let me tell you a story. It's about a woman called Justine Sacco. She was a PR woman from New York with 170 Twitter followers, and she'd Tweet little acerbic jokes to them, like this one on a plane from New York to London: [Weird German Dude: You're in first class. It's 2014. Get some deodorant." -Inner monologue as inhale BO. Thank god for pharmaceuticals.] So Justine chuckled to herself, and pressed send, and got no replies, and felt that sad feeling that we all feel when the Internet doesn't congratulate us for being funny. (Laughter) Black silence when the Internet doesn't talk back. And then she got to Heathrow, and she had a little time to spare before her final leg, so she thought up another funny little acerbic joke:
Laissez-moi vous raconter une histoire. C'est à propos d'une femme du nom de Justine Sacco. C'était une New Yorkaise responsable des relations publiques qui avait 170 abonnés sur Twitter, et elle leur twittait de petites blagues acerbes, comme celle-ci dans un avion de New York à Londres : [ Mec allemand bizarre : tu es en 1ère classe. On est en 2014. Achète du déo. -- monologue intérieur en inhalant sa puanteur. Merci aux pharmacies.] Justine a ricané, pressé le bouton d'envoi et n'a reçu aucune réponse et a ressenti ce triste sentiment que nous avons tous quand internet ne nous félicite pas d'être drôle. (Rires) Un silence noir quand internet ne répond pas. Arrivée à Heathrow, elle avait un peu de temps libre avant son trajet final, alors elle a pensé à une autre petite blague acerbe rigolote,
[Going to Africa. Hope I don't get AIDS. Just kidding. I'm white!]
[ Pars en Afrique. Espère ne pas attraper le SIDA. Je déconne. Je suis blanche !]
And she chuckled to herself, pressed send, got on the plane, got no replies, turned off her phone, fell asleep, woke up 11 hours later, turned on her phone while the plane was taxiing on the runway, and straightaway there was a message from somebody that she hadn't spoken to since high school, that said, "I am so sorry to see what's happening to you." And then another message from a best friend, "You need to call me right now. You are the worldwide number one trending topic on Twitter." (Laughter)
Elle a ricané, a appuyé sur le bouton d'envoi, est montée dans l'avion, n'a pas eu de réponse, a éteint son téléphone, s'est endormie, s'est réveillée 11 heures plus tard, a allumé son téléphone alors que l'avion roulait sur la piste, et, immédiatement, elle avait un message de quelqu'un à qui elle n'avait pas parlé depuis le lycée, qui disait : « Désolé de voir ce qui t'arrive ». Et un autre message d'un meilleur ami : « Tu dois m'appeler tout de suite. Tu es le sujet numéro un sur Twitter à travers le monde. » (Rires)
What had happened is that one of her 170 followers had sent the Tweet to a Gawker journalist, and he retweeted it to his 15,000 followers: [And now, a funny holiday joke from IAC's PR boss] And then it was like a bolt of lightning. A few weeks later, I talked to the Gawker journalist. I emailed him and asked him how it felt, and he said, "It felt delicious." And then he said, "But I'm sure she's fine."
Ce qu'il s'est passé c'est qu'un de ses 170 abonnés a envoyé le Tweet à un journaliste du Gawker qui l'a retweeté à ses 15 000 abonnés : [ Et maintenant, une blague de vacances rigolote du chef des relations publiques de l'IAC] Ça a été comme un éclair. Quelques semaines plus tard, j'ai parlé au journaliste. Je lui ai envoyé un mail, lui demandant son ressenti il m'a dit que « c'était délicieux ». Puis il a dit : « Je suis sûr qu'elle va très bien ».
But she wasn't fine, because while she slept, Twitter took control of her life and dismantled it piece by piece. First there were the philanthropists: [If @JustineSacco's unfortunate words ... bother you, join me in supporting @CARE's work in Africa.] [In light of ... disgusting, racist tweet, I'm donating to @care today] Then came the beyond horrified: [... no words for that horribly disgusting racist as fuck tweet from Justine Sacco. I am beyond horrified.]
Elle n'allait pas très bien, parce que pendant qu'elle dormait, Twitter a pris le contrôle de sa vie et l'a démantelée, pièce par pièce. Tout d'abord il y avait les philanthropes : [ Si les mots malheureux de @JustineSacco vous gênent, soutenez le travail de @CARE en Afrique.] [ A la lumière de... tweet raciste dégoutant, je fais aujourd'hui un don à @care] Puis sont venus les horrifiés : [ Pas de mots pour ce tweet raciste horriblement dégoutant de Justine Sacco. Je suis plus qu'horrifié.]
Was anybody on Twitter that night? A few of you. Did Justine's joke overwhelm your Twitter feed the way it did mine? It did mine, and I thought what everybody thought that night, which was, "Wow, somebody's screwed! Somebody's life is about to get terrible!" And I sat up in my bed, and I put the pillow behind my head, and then I thought, I'm not entirely sure that joke was intended to be racist. Maybe instead of gleefully flaunting her privilege, she was mocking the gleeful flaunting of privilege. There's a comedy tradition of this, like South Park or Colbert or Randy Newman. Maybe Justine Sacco's crime was not being as good at it as Randy Newman. In fact, when I met Justine a couple of weeks later in a bar, she was just crushed, and I asked her to explain the joke, and she said, "Living in America puts us in a bit of a bubble when it comes to what is going on in the Third World. I was making of fun of that bubble."
Êtiez-vous sur Twitter ce soir-là ? Certains oui. Est-ce que la blague de Justine a envahi vos actualités comme pour moi ? C'était le cas pour moi, j'ai pensé ce que tout le monde pensait et qui était : « Elle a merdé ! Sa vie est sur le point de devenir horrible ! » Je me suis assis dans mon lit, j'ai mis mon oreiller derrière ma tête, puis j'ai pensé : je ne suis pas certain que cette blague se voulait raciste. Peut-être qu'au lieu d'exhiber gaiment ses privilèges, elle se moquait du joyeux étalage de privilèges. C'est une tradition en comédie, comme pour South Park, Colbert ou Randy Newman. Peut-être que le crime de Justine Sacco était de ne pas être aussi bonne que Randy Newman. En fait, quand j'ai rencontré Justine dans un bar quelques semaines après, elle était accablée, je lui ai demandé d'expliquer la blague, elle a dit : « Vivre aux États-Unis nous place dans une sorte de bulle par rapport à ce qu'il se passe dans le Tiers Monde. Je me moquais de cette bulle. »
You know, another woman on Twitter that night, a New Statesman writer Helen Lewis, she reviewed my book on public shaming and wrote that she Tweeted that night, "I'm not sure that her joke was intended to be racist," and she said straightaway she got a fury of Tweets saying, "Well, you're just a privileged bitch, too." And so to her shame, she wrote, she shut up and watched as Justine's life got torn apart.
Vous savez, une autre femme sur Twitter ce soir-là, auteur pour le New Statesman, elle a chroniqué mon livre sur l'humiliation publique, a écrit ce qu'elle avait tweeté « Je suis pas sure que sa blague se voulait raciste », et elle a dit avoir immédiatement reçu une vague de Tweets disant : « Toi aussi, tu n'es qu'une salope privilégiée ». Alors, honteusement, a-t-elle écrit, elle s'est tue et a regardé la vie de Justine être détruite.
It started to get darker: [Everyone go report this cunt @JustineSacco] Then came the calls for her to be fired. [Good luck with the job hunt in the new year. #GettingFired] Thousands of people around the world decided it was their duty to get her fired. [@JustineSacco last tweet of your career. #SorryNotSorry Corporations got involved, hoping to sell their products on the back of Justine's annihilation: [Next time you plan to tweet something stupid before you take off, make sure you are getting on a @Gogo flight!] (Laughter)
C'est devenu plus sombre : [ Que tout le monde signale cette conne @JustineSacco] Puis des appels à son renvoi. [ Bonne chance pour la recherche d'un boulot cette année. #EtreRenvoyé] Des milliers de gens dans le monde ont fait de son renvoi leur devoir. [ @JustineSacco dernier Tweet de ta carrière. #DésoléPasDésolé] Des entreprises s'en sont mêlées, espérant vendre leurs produits grâce à l'anéantissement de Justine : [ La prochaine fois que vous prévoyez un tweet débile avant le décollage, assurez-vous de prendre un vol @Gogo !] (Rires)
A lot of companies were making good money that night. You know, Justine's name was normally Googled 40 times a month. That month, between December the 20th and the end of December, her name was Googled 1,220,000 times. And one Internet economist told me that that meant that Google made somewhere between 120,000 dollars and 468,000 dollars from Justine's annihilation, whereas those of us doing the actual shaming -- we got nothing. (Laughter) We were like unpaid shaming interns for Google. (Laughter)
Beaucoup d'entreprises gagnaient de l'argent ce soir-là. Le nom de Justine était normalement recherché 40 fois par mois sur Google. Ce mois-là, entre le 20 décembre et la fin du mois, il a été entré 1 220 000 fois sur Google. Et un économiste d'internet m'a dit que ça signifiait que Google avait gagné entre $ 120 000 et $ 468 000 grâce à l'anéantissement de Justine, alors que ceux qui humiliaient vraiment -- on n'a rien eu. (Rires) On était en quelque sorte des stagiaires de l'humiliation non payés pour Google. (Rires)
And then came the trolls: [I'm actually kind of hoping Justine Sacco gets aids? lol] Somebody else on that wrote, "Somebody HIV-positive should rape this bitch and then we'll find out if her skin color protects her from AIDS." And that person got a free pass. Nobody went after that person. We were all so excited about destroying Justine, and our shaming brains are so simple-minded, that we couldn't also handle destroying somebody who was inappropriately destroying Justine. Justine was really uniting a lot of disparate groups that night, from philanthropists to "rape the bitch." [@JustineSacco I hope you get fired! You demented bitch... Just let the world know you're planning to ride bare back while in Africa.]
Puis sont venus les trolls : [ En fait j'espère un peu que Justine Sacco ait le SIDA ? LOL] Quelqu'un d'autre a écrit : « Un séropositif devrait violer cette pute et on verra si sa couleur de peau la protège du SIDA » Et cette personne s'en est tirée sans rien. Personne ne s'en est pris à elle. On était étions si excités de détruire Justine, et nos cerveaux d'humiliation sont si simplets, qu'on ne pouvait pas détruire aussi quelqu'un qui détruisait Justine de façon inappropriée. Justine unissait beaucoup de groupes disparates ce soir-là, des philanthropes aux « violez cette salope ». [ @JustineSacco j'espère que tu seras virée ! Salope illuminée. Fais savoir au monde que tu prévois de baiser sans capote
Women always have it worse than men.
quand tu seras en Afrique.]
When a man gets shamed, it's, "I'm going to get you fired." When a woman gets shamed, it's, "I'm going to get you fired and raped and cut out your uterus."
C'est toujours pire pour les femmes. Quand un homme est humilié c'est : « Je vais te faire virer ». Quand il s'agit d'une femme, c'est : « Je vais te faire virer, violer et te découper l'utérus ».
And then Justine's employers got involved: [IAC on @JustineSacco tweet: This is an outrageous, offensive comment. Employee in question currently unreachable on an intl flight.] And that's when the anger turned to excitement: [All I want for Christmas is to see @JustineSacco's face when her plane lands and she checks her inbox/voicemail. #fired] [Oh man, @justinesacco is going to have the most painful phone-turning-on moment ever when her plane lands.] [We are about to watch this @JustineSacco bitch get fired. In REAL time. Before she even KNOWS she's getting fired.] What we had was a delightful narrative arc. We knew something that Justine didn't. Can you think of anything less judicial than this? Justine was asleep on a plane and unable to explain herself, and her inability was a huge part of the hilarity. On Twitter that night, we were like toddlers crawling towards a gun. Somebody worked out exactly which plane she was on, so they linked to a flight tracker website. [British Airways Flight 43 On-time - arrives in 1 hour 34 minutes] A hashtag began trending worldwide: # hasJustineLandedYet? [It is kinda wild to see someone self-destruct without them even being aware of it. #hasJustineLandedYet] [Seriously. I just want to go home to go to bed, but everyone at the bar is SO into #HasJustineLandedYet. Can't look away. Can't leave.] [#HasJustineLandedYet may be the best thing to happen to my Friday night.] [Is no one in Cape Town going to the airport to tweet her arrival? Come on, twitter! I'd like pictures] And guess what? Yes there was. [@JustineSacco HAS in fact landed at Cape Town international. And if you want to know what it looks like to discover that you've just been torn to shreds because of a misconstrued liberal joke, not by trolls, but by nice people like us, this is what it looks like: [... She's decided to wear sunnies as a disguise.]
Et puis les employeurs de Justine s'en sont mêlés : [ L'IAC sur le tweet de @JustineSacco : C'est un commentaire scandaleux et injurieux. L'employée en question n'est pas joignable car en vol.] Puis on est passé de colère à excitation : [ Pour Noël, je voudrais voir la tête de @JustineSacco quand elle atterrira et qu'elle vérifiera ses messages. #Virée] [ Bon Dieu, @JustineSacco va vivre l'allumage de téléphone le plus douloureux qu'il soit à son atterrissage.] [ On va voir cette salope de @JustineSacco se faire virée. En direct. Avant même qu'elle sache qu'elle va être virée.] On avait un délicieux arc narratif. On savait une chose que Justine ignorait. Peut-on penser à moins juridique que ça ? Justine dormait dans un avion, incapable de s'expliquer et son incapacité comptait pour une grande part de l'hilarité. Ce soir-là sur Twitter, on était comme des gamins rampant vers un flingue. Quelqu'un a trouvé exactement dans quel avion elle était et l'a liée à un site de pistage de vol. [ Vol British Airways 43 A l'heure - arrive dans 1h34] Un hashtag est devenu à la mode dans le monde entier : #JustineATElleAtterri? [ C'est assez fou de voir quelqu'un s'autodétruire sans même qu'elle le sache. #JustineATElleAtterri] [ Sérieusement. Je veux rentrer me coucher mais tout le monde au bar est à fond dans #JustineATElleAtterri. Je ne peux pas partir.] [ #JustineATElleAtterri est ce qu'il peut m'arriver de mieux un vendredi soir] [Quelqu'un de Cape Town va à l'aéroport pour tweeter son arrivée ? Allez Twitter ! Je veux une photo] Vous savez quoi ? Quelqu'un l'a fait. [@JustineSacco A ATTERRI à Cape Town International. Et si vous voulez savoir ce que c'est de découvrir que vous venez d'être détruite à cause d'une blague libérale mal interprétée, pas par des trolls, mais par des gens sympas comme nous, voici ce que c'est : [ Elle s'est déguisée avec ses lunettes de soleil]
So why did we do it? I think some people were genuinely upset, but I think for other people, it's because Twitter is basically a mutual approval machine. We surround ourselves with people who feel the same way we do, and we approve each other, and that's a really good feeling. And if somebody gets in the way, we screen them out. And do you know what that's the opposite of? It's the opposite of democracy. We wanted to show that we cared about people dying of AIDS in Africa. Our desire to be seen to be compassionate is what led us to commit this profoundly un-compassionate act. As Meghan O'Gieblyn wrote in the Boston Review, "This isn't social justice. It's a cathartic alternative."
Pourquoi avons-nous fait ça ? Je pense que certains étaient vraiment fâchés, mais pour les autres, c'est parce que Twitter est une machine d'approbation mutuelle. Nous nous entourons de personnes qui pensent comme nous, et nous nous approuvons, et nous nous sentons bien. Et si quelqu'un s'interpose, on l'élimine. Et vous savez de quoi c'est le contraire ? C'est le contraire de la démocratie. Nous voulions montrer notre soutien aux Africains qui meurent du SIDA. Notre désir d'être vu comme compatissants nous à mener à commettre cette acte profondément sans compassion. Comme l'a écrit Meghan O'Gieblyn dans Boston Review, « Ce n'est pas de la justice sociale. C'est une alternative cathartique. »
For the past three years, I've been going around the world meeting people like Justine Sacco -- and believe me, there's a lot of people like Justine Sacco. There's more every day. And we want to think they're fine, but they're not fine. The people I met were mangled. They talked to me about depression, and anxiety and insomnia and suicidal thoughts. One woman I talked to, who also told a joke that landed badly, she stayed home for a year and a half. Before that, she worked with adults with learning difficulties, and was apparently really good at her job.
Les 3 dernières années, j'ai parcouru le monde à la rencontre de gens comme Justine Sacco -- et croyez-moi, il y en a plein. Il y en a plus chaque jour. Nous voulons penser qu'ils vont bien, mais c'est faux. Les gens que j'ai rencontrés étaient mutilés. Ils m'ont parlé de dépression, d'anxiété, d'insomnie, de pensées suicidaires. Une femme à qui j'ai parlé, qui avait aussi dit une blague mal perçue, est restée chez elle pendant un an et demi. Avant, elle travaillait avec des adultes ayant des difficultés d'apprentissage, et était apparemment très bonne dans son travail.
Justine was fired, of course, because social media demanded it. But it was worse than that. She was losing herself. She was waking up in the middle of the night, forgetting who she was. She was got because she was perceived to have misused her privilege. And of course, that's a much better thing to get people for than the things we used to get people for, like having children out of wedlock. But the phrase "misuse of privilege" is becoming a free pass to tear apart pretty much anybody we choose to. It's becoming a devalued term, and it's making us lose our capacity for empathy and for distinguishing between serious and unserious transgressions.
Justine a été virée, bien sûr, car les médias sociaux l'ont exigé. Mais c'était pire que ça. Elle se perdait. Elle se réveillait au milieu de la nuit, oubliant qui elle était. On l'a eue parce qu'elle était perçue comme ayant abusé de ses privilèges. Et c'est bien mieux d'avoir les gens ainsi que ce dont on se servait avant, comme un enfant hors mariage. Mais l'expression « abus de privilèges » devient un laisser-passer pour détruire qui nous décidons de détruire. Ce terme perd de sa valeur, et nous fait perdre notre capacité à l'empathie et à distinguer les transgressions sérieuses de celle qui ne le sont pas.
Justine had 170 Twitter followers, and so to make it work, she had to be fictionalized. Word got around that she was the daughter the mining billionaire Desmond Sacco. [Let us not be fooled by #JustineSacco her father is a SA mining billionaire. She's not sorry. And neither is her father.] I thought that was true about Justine, until I met her at a bar, and I asked her about her billionaire father, and she said, "My father sells carpets."
Justine avait 170 abonnés sur Twitter, et pour que ça marche, elle devait être fictionnalisée. La rumeur disait qu'elle était la fille du milliardaire minier Desmond Sacco. [ Ne nous faisons pas avoir par @JustineSacco, son père est milliardaire. Elle n'est pas désolée. Et lui non plus.] je pensais que c'était vrai, avant de la rencontrer dans un bar, je lui ai demandé pour son père milliardaire,
And I think back on the early days of Twitter,
elle m'a dit : « Mon père vend des tapis ».
when people would admit shameful secrets about themselves, and other people would say, "Oh my God, I'm exactly the same." These days, the hunt is on for people's shameful secrets. You can lead a good, ethical life, but some bad phraseology in a Tweet can overwhelm it all, become a clue to your secret inner evil.
Et je repense aux débuts de Twitter, quand les gens avouaient des secrets honteux à propos d'eux mêmes, et d'autres disaient : « Mon Dieu, je suis pareil ». Maintenant, c'est la chasse aux secrets honteux des gens. Vous pouvez menez une vie bonne et éthique, mais une mauvaise phraséologie dans un Tweet peut tout écraser, devenir la preuve de votre démon intérieur secret.
Maybe there's two types of people in the world: those people who favor humans over ideology, and those people who favor ideology over humans. I favor humans over ideology, but right now, the ideologues are winning, and they're creating a stage for constant artificial high dramas where everybody's either a magnificent hero or a sickening villain, even though we know that's not true about our fellow humans. What's true is that we are clever and stupid; what's true is that we're grey areas. The great thing about social media was how it gave a voice to voiceless people, but we're now creating a surveillance society, where the smartest way to survive is to go back to being voiceless.
Il y a peut-être deux types des personnes dans le monde : ceux qui préfèrent les humains à l'idéologie, et ceux qui préfèrent l'idéologie aux humains. Je préfère les humains à l'idéologie, mais en ce moment, les idéologues gagnent, ils créent une scène pour de grands drames constants et artificiels où chacun est soit un superbe héro ou un ignoble méchant, même si on sait que ce n'est pas vrai quant à nos pairs humains. Ce qui est vrai c'est que nous sommes intelligents et stupides ; il y a des zones grises. L'idée géniale des médias sociaux était de donner une voix aux personnes sans voix, mais nous créons maintenant une société de surveillance où la façon la plus intelligente de survivre est de redevenir sans voix.
Let's not do that.
Ne faisons pas ça.
Thank you.
Merci
(Applause)
(Applaudissements)
Bruno Giussani: Thank you, Jon.
Bruno Giussani : Merci Jon.
Jon Ronson: Thanks, Bruno.
Jon Ronson : Merci Bruno.
BG: Don't go away. What strikes me about Justine's story is also the fact that if you Google her name today, this story covers the first 100 pages of Google results -- there is nothing else about her. In your book, you mention another story of another victim who actually got taken on by a reputation management firm, and by creating blogs and posting nice, innocuous stories about her love for cats and holidays and stuff, managed to get the story off the first couple pages of Google results, but it didn't last long. A couple of weeks later, they started creeping back up to the top result. Is this a totally lost battle?
BG : Ne pars pas. Ce qui me frappe dans l'histoire de Justine, c'est que si on cherche son nom aujourd'hui, cette histoire couvre les 100 premières pages de résultats Google -- il n'y a rien d'autre sur elle. Dans votre livre, vous évoquez une autre histoire, une autre victime qui s'est faite avoir par une entreprise de gestion de réputation, en créant des blogs et des billets sympas, des histoires anodines sur son amour pour les chats, ses vacances etc., elle a réussi à supprimer l'histoire des premières pages de résultats Google, mais pas pour longtemps. Quelques semaines après, ils sont réapparus en tête des résultats. Est-ce une bataille complètement perdue ?
Jon Ronson: You know, I think the very best thing we can do, if you see a kind of unfair or an ambiguous shaming, is to speak up, because I think the worst thing that happened to Justine was that nobody supported her -- like, everyone was against her, and that is profoundly traumatizing, to be told by tens of thousands of people that you need to get out. But if a shaming happens and there's a babble of voices, like in a democracy, where people are discussing it, I think that's much less damaging. So I think that's the way forward, but it's hard, because if you do stand up for somebody, it's incredibly unpleasant.
JR : vous savez, je pense que la meilleure chose à faire, si vous voyez ce genre d'humiliation ambigüe et injuste c'est d'en parler, parce je pense que la pire chose qui est arrivée à Justine est que personne ne la soutenait -- tout le monde était contre elle, c'était profondément traumatisant d'entendre des dizaines de milliers de gens vous dire que vous deviez partir. Si une humiliation se produit et qu'il y a un brouhaha, comme en démocratie, où les gens en débattent, je pense que ça fait moins de dégâts. Je pense que c'est la voie vers l'avant, mais c'est dur, car si vous défendez quelqu'un, c'est incroyablement déplaisant.
BG: So let's talk about your experience, because you stood up by writing this book. By the way, it's mandatory reading for everybody, okay? You stood up because the book actually puts the spotlight on shamers. And I assume you didn't only have friendly reactions on Twitter.
BG : Parlons de votre expérience, car vous avez agi en écrivant ce livre. Au fait, c'est une lecture obligatoire pour tout le monde. Vous avez agi car le livre met en lumière les humiliateurs. Je suppose que vous n'avez pas reçu que des réactions amicales sur Twitter.
JR: It didn't go down that well with some people. (Laughter) I mean, you don't want to just concentrate -- because lots of people understood, and were really nice about the book. But yeah, for 30 years I've been writing stories about abuses of power, and when I say the powerful people over there in the military, or in the pharmaceutical industry, everybody applauds me. As soon as I say, "We are the powerful people abusing our power now," I get people saying, "Well you must be a racist too."
JR : Ça ne s'est pas si bien passé avec certains. (Rires) Vous ne vous concentrez pas juste -- parce que beaucoup de gens ont compris et ont été très sympas au sujet du livre. Pendant 30 ans, j'ai écrit des histoires d'abus de pouvoir, et quand je parle des gens puissants dans l'armée ou dans l'industrie pharmaceutique, tout le monde m'applaudit. Dès que je dis : « Maintenant, nous sommes les gens puissants qui abusent de leur pouvoir », les gens me disent : « Vous devez aussi être raciste. »
BG: So the other night -- yesterday -- we were at dinner, and there were two discussions going on. On one side you were talking with people around the table -- and that was a nice, constructive discussion. On the other, every time you turned to your phone, there is this deluge of insults.
BG : L'autre soir -- hier -- lorsque nous dinions, nous tenions deux conversations. D'un côté, nous parlions avec les gens autour de la table -- c'était une discussion sympa et constructive. D'un autre, dès que vous regardiez votre téléphone, il y avait ce déluge d'insultes.
JR: Yeah. This happened last night. We had like a TED dinner last night. We were chatting and it was lovely and nice, and I decided to check Twitter. Somebody said, "You are a white supremacist." And then I went back and had a nice conversation with somebody, and then I went back to Twitter, somebody said my very existence made the world a worse place. My friend Adam Curtis says that maybe the Internet is like a John Carpenter movie from the 1980s, when eventually everyone will start screaming at each other and shooting each other, and then eventually everybody would flee to somewhere safer, and I'm starting to think of that as a really nice option.
JR : C'est arrivé hier soir. Nous avions un diner TED. Nous discutions, c'était agréable et sympa, et j'ai décidé de regarder Twitter. Quelqu'un a dit : « Vous êtes un suprémaciste blanc ». J'y suis retourné et j'ai parlé avec quelqu'un, je suis retourné sur Twitter, quelqu'un disait que mon existence rendait le monde pire. Mon ami Adam Curtis dit que peut-être qu'internet est comme un film de John Carpenter des années 80, il y aura finalement toujours quelqu'un qui criera sur quelqu'un d'autre et tirera sur quelqu'un, et tout le monde fuira vers un endroit plus sûr, et je commence à voir ça comme une très bonne option.
BG: Jon, thank you. JR: Thank you, Bruno.
BG : Merci Jon. JR : Merci Bruno.
(Applause)
(Applaudissements)