I just heard the best joke about Bond Emeruwa. I was having lunch with him just a few minutes ago, and a Nigerian journalist comes -- and this will only make sense if you've ever watched a James Bond movie -- and a Nigerian journalist comes up to him and goes, "Aha, we meet again, Mr. Bond!" (Laughter) It was great.
On vient de me raconter la meilleure blague sur Bond Emeruwa. J'étais en train de déjeuner avec lui il y a à peine cinq minutes quand un journaliste nigérian est arrivé, et vous comprendrez seulement si vous avez déjà vu un James Bond, donc le journaliste nigérian s'approche de Bond Emeruwa et lui dit : "Comme on se retrouve, M. Bond !" (Rires) Ah, elle était bonne.
So, I've got a little sheet of paper here, mostly because I'm Nigerian and if you leave me alone, I'll talk for like two hours.
Bref, j'ai amené un petit morceau de papier, principalement parce que je suis nigérian et que si vous me laissez faire, je risque de parler pendant deux heures.
I just want to say good afternoon, good evening. It's been an incredible few days. It's downhill from now on. I wanted to thank Emeka and Chris. But also, most importantly, all the invisible people behind TED that you just see flitting around the whole place that have made sort of this space for such a diverse and robust conversation. It's really amazing. I've been in the audience. I'm a writer, and I've been watching people with the slide shows and scientists and bankers, and I've been feeling a bit like a gangsta rapper at a bar mitzvah. (Laughter) Like, what have I got to say about all this? And I was watching Jane [Goodall] yesterday, and I thought it was really great, and I was watching those incredible slides of the chimpanzees, and I thought, "Wow. What if a chimpanzee could talk, you know? What would it say?" My first thought was, "Well, you know, there's George Bush." But then I thought, "Why be rude to chimpanzees?" I guess there goes my green card. (Laughter)
Mais, tout d'abord, je voudrais vous dire bonsoir. Ces derniers jours ont été incroyables. Mais ça risque de perdre en qualité à partir de maintenant. Je voudrais remercier Emeka et Chris. Mais plus encore, tous les gens en coulisses, invisibles, que vous voyez s'affairer partout, qui ont créé un lieu abritant une grande diversité de conversations de qualité. C'est vraiment incroyable. Et j'ai fait partie du public. Je suis écrivain et j'ai pu voir des gens avec des diaporamas, des scientifiques et des banquiers, et je me suis senti un peu... ... comme un rappeur de banlieue à une bar mitzvah. (Rires) Je pensais : qu'est-ce que j'ai à dire sur tout ça ? Et puis j'ai regardé Jane Goodall hier, et je me suis dit que c'était vraiment bien et pendant que je regardais ces diapositives à couper le souffle de chimpanzés et je me suis dit : "Ouah. Que dirait un chimpanzé, s'il pouvait parler ?" Ma première idée a été : "Il y a bien George Bush". Mais juste après, je me suis dit : "Pourquoi insulter les chimpanzés ?" Je vais pas tarder à perdre ma green card. (Rires)
There's been a lot of talk about narrative in Africa. And what's become increasingly clear to me is that we're talking about news stories about Africa; we're not really talking about African narratives. And it's important to make a distinction, because if the news is anything to go by, 40 percent of Americans can't -- either can't afford health insurance or have the most inadequate health insurance, and have a president who, despite the protest of millions of his citizens -- even his own Congress -- continues to prosecute a senseless war. So if news is anything to go by, the U.S. is right there with Zimbabwe, right? Which it isn't really, is it? And talking about war, my girlfriend has this great t-shirt that says, "Bombing for peace is like fucking for virginity." It's amazing, isn't it?
On a beaucoup parlé des récits africains. Et il me semble de plus en plus évident que l'on parle des faits divers d'Afrique, pas vraiment des récits africains. C'est important de faire la différence, parce que si on se fie aux faits divers, 40% des Américains ne peuvent pas se payer une assurance maladie ou en ont une tout à fait inutile, et ont un Présidient qui, en dépit des contestations de millions de citoyens, et même de son Congrès, continue de soutenir une guerre insensée. Donc si on se fie aux infos, il n'y a aucun différence entre les États-Unis et le Zimbabwé, n'est-ce pas? Mais ce n'est pas vraiment le cas, n'est-ce pas ? Et puisqu'on parle de la guerre, ma copine a un super t-shirt avec dessus : "Bombarder pour la paix, c'est comme baiser pour être vierge". Excellent, non ?
The truth is, everything we know about America, everything Americans come to know about being American, isn't from the news. I live there. We don't go home at the end of the day and think, "Well, I really know who I am now because the Wall Street Journal says that the Stock Exchange closed at this many points." What we know about how to be who we are comes from stories. It comes from the novels, the movies, the fashion magazines. It comes from popular culture.
La vérité, chers Américains, c'est que tout ce que l'on sait sur l'Amérique, tout ce que les Américains savent à propos de ce qu'être Américain signifie, ne vient pas des infos. Ça... nous... j'y ai vécu. On ne rentre pas chez soi le soir en pensant : "Eh bien, je sais vraiment qui je suis maintenant parce que la rubrique financière annonce que la bourse a clôturé à tel nombre de points." Ce qu'on sait sur comment être qui nous sommes, nous vient des histoires. Ça nous vient des romans, des films, des magazines de mode. Ça nous vient de la culture populaire.
In other words, it's the agents of our imagination who really shape who we are. And this is important to remember, because in Africa the complicated questions we want to ask about what all of this means has been asked from the rock paintings of the San people, through the Sundiata epics of Mali, to modern contemporary literature. If you want to know about Africa, read our literature -- and not just "Things Fall Apart," because that would be like saying, "I've read 'Gone with the Wind' and so I know everything about America." That's very important. There's a poem by Jack Gilbert called "The Forgotten Dialect of the Heart." He says, "When the Sumerian tablets were first translated, they were thought to be business records. But what if they were poems and psalms? My love is like twelve Ethiopian goats standing still in the morning light. Shiploads of thuja are what my body wants to say to your body. Giraffes are this desire in the dark." This is important.
Autrement dit, c'est notre imagination, qui fait de nous ce que nous sommes. C'est important de se souvenir de cela parce que, vous savez, en Afrique, toutes ces questions compliquées sur ce que tout cela signifie ont été posées depuis les peintures rupestres du peuple San, en passant par les épopées Sundiata au Mali jusqu'à la littérature contemporaine. Si vous voulez partir à la rencontre de l'Afrique, lisez notre littérature et pas uniquement "Le Monde s'effondre", parce que ça reviendrait à dire : "J'ai lu "Autant en emporte le vent", donc je sais tout des États-Unis." C'est très important. Il y a un poème de Jack Gilbert qui s'appelle "Le Dialecte oublié du cœur". Il dit : "Quand les tablettes sumériennes furent traduites pour la première fois, on pensait qu'elles étaient des carnets de comptes. Mais pourquoi ne seraient-elles pas des poèmes et des psaumes? Mon amour est comme douze chèvres éthiopiennes qui se tiennent immobiles à l'aube. Des cargaisons entières de thuya sont ce que mon corps veut dire au tien. Les girafes sont ce désir dans l'obscurité." C'est très important.
It's important because misreading is really the chance for complication and opportunity. The first Igbo Bible was translated from English in about the 1800s by Bishop Crowther, who was a Yoruba. And it's important to know Igbo is a tonal language, and so they'll say the word "igwe" and "igwe": same spelling, one means "sky" or "heaven," and one means "bicycle" or "iron." So "God is in heaven surrounded by His angels" was translated as -- [Igbo]. And for some reason, in Cameroon, when they tried to translate the Bible into Cameroonian patois, they chose the Igbo version. And I'm not going to give you the patois translation; I'm going to make it standard English. Basically, it ends up as "God is on a bicycle with his angels." This is good, because language complicates things.
C'est important parce qu'une mauvaise interprétation porte vraiment le risque d'amener des complications. La première Bible traduite de l'anglais à l'igbo le fut vers 1800 par l'évêque Crowther, qui était un Yoruba. Il faut savoir que l'igbo est une langue tonale, et donc prenons les mots "igwe" et "igwe" : même orthographe, l'un signifie "ciel" ou "paradis", l'autre signifie "vélo" ou "fer". Donc "Dieu est au paradis entouré par Ses anges" fut traduit par : [traduction en igbo] Et bizarrement, au Cameroun, quand ils ont essayé de traduire la Bible en patois camerounais, ils ont choisi de partir de la version igbo. Et je ne vais pas vous donner la traduction en patois, je vais vous la faire en anglais standard. En gros, ça a donné : "Dieu est sur un vélo avec ses anges". C'est bien, parce que le langage complique les choses.
You know, we often think that language mirrors the world in which we live, and I find that's not true. The language actually makes the world in which we live. Language is not -- I mean, things don't have any mutable value by themselves; we ascribe them a value. And language can't be understood in its abstraction. It can only be understood in the context of story, and everything, all of this is story. And it's important to remember that, because if we don't, then we become ahistorical. We've had a lot of -- a parade of amazing ideas here. But these are not new to Africa. Nigeria got its independence in 1960. The first time the possibility for independence was discussed was in 1922, following the Aba women's market riots. In 1967, in the middle of the Biafran-Nigerian Civil War, Dr. Njoku-Obi invented the Cholera vaccine. So, you know, the thing is to remember that because otherwise, 10 years from now, we'll be back here trying to tell this story again.
Vous savez, on pense souvent que le langage reflète le monde dans lequel on vit, mais je pense que c'est faux. Le langage est en fait le créateur du monde dans lequel on vit. Le langage n'est pas - enfin, les choses n'ont pas de valeur altérable intrinsèque ; nous leur donnons une valeur. Et le langage ne peut pas être compris comme une chose abstraite. Il peut seulement être compris dans le contexte d'une histoire, et tout, tout cela, est une histoire. Et c'est important de se souvenir de cela parce que si on ne le fais pas, on devient ahistorique. Nous avons vu un défilé d'idées incroyables ici. Mais elles ne sont pas nouvelles pour l'Afrique. Le Nigeria a obtenu son indépendance en 1960. La première fois qu'on a entendu parler d'indépendance fut en 1922, juste après les émeutes au marché des femmes d'Aba. En 1967, au beau milieu de la guerre civile au Biafra, le Dr. Njoku-Obi inventa le vaccin contre le choléra. Et, vous savez, il faut se souvenir de ça, parce que sinon, dans dix ans, on sera ici, en train d'essayer de raconter cette histoire à nouveau.
So, what it says to me then is that it's not really -- the problem isn't really the stories that are being told or which stories are being told, the problem really is the terms of humanity that we're willing to bring to complicate every story, and that's really what it's all about. Let me tell you a Nigerian joke. Well, it's just a joke, anyway. So there's Tom, Dick and Harry and they're working construction. And Tom opens up his lunch box and there's rice in it, and he goes on this rant about, "Twenty years, my wife has been packing rice for lunch. If she does it again tomorrow, I'm going to throw myself off this building and kill myself." And Dick and Harry repeat this. The next day, Tom opens his lunchbox, there's rice, so he throws himself off and kills himself, and Tom, Dick and Harry follow. And now the inquest -- you know, Tom's wife and Dick's wife are distraught. They wished they'd not packed rice. But Harry's wife is confused, because she said, "You know, Harry had been packing his own lunch for 20 years." (Laughter)
Donc... la conclusion que je tire de ça, c'est que ce n'est pas vraiment, le problème n'est pas vraiment les histoires qu'on raconte ou quelles histoires on raconte. Le vrai problème est l'élément humain que nous apportons pour compliquer n'importe quelle histoire, et ça, c'est le vrai problème. Laissez-moi vous raconter une blague nigériane. Enfin, ce n'est qu'une blague, de toute façon. Donc voilà, on a Tom, Dick et Harry, et ils travaillent sur un chantier. Tom ouvre son déjeuner : c'est du riz. Et il commence à se plaindre : "Depuis vingt ans, ma femme me donne du riz pour le déjeuner. Si elle me donne du riz demain, je vais me jeter du haut de cet immeuble et me suicider." Et Dick et Harry répètent la même chose. Le lendemain, Tom ouvre son déjeuner, il y a du riz, donc il saute et se suicide, et Dick et Harry suivent. Et pendant l'enquête, la femme de Tom et celle de Dick sont sous le choc. Elles regrettent vraiment de leur avoir donné du riz. Mais la femme de Harry est perdue, parce que, comme elle dit : "Vous savez Harry préparait lui-même son déjeuner depuis 20 ans." (Rires)
This seemingly innocent joke, when I heard it as a child in Nigeria, was told about Igbo, Yoruba and Hausa, with the Hausa being Harry. So what seems like an eccentric if tragic joke about Harry becomes a way to spread ethnic hatred. My father was educated in Cork, in the University of Cork, in the '50s. In fact, every time I read in Ireland, people get me all mistaken and they say, "Oh, this is Chris O'Barney from Cork." But he was also in Oxford in the '50s, and yet growing up as a child in Nigeria, my father used to say to me, "You must never eat or drink in a Yoruba person's house because they will poison you." It makes sense now when I think about it, because if you'd known my father, you would've wanted to poison him too. (Laughter)
Lorsque j'ai entendu cette blague apparemment innocente, étant enfant au Nigeria, elle parlait d'un Igbo, d'un Yoruba et d'un Hausa, et le Hausa, c'était Harry. Ce qui semblait être une blague hilarante et néanmoins tragique sur Harry devient une façon de propager le racisme. Mon père étudia à Cork, à l'Université de Cork, dans les années 50. En fait, à chaque fois que j'enseigne en Irlande, les gens nous confondent et disent : "Oh, c'est Chris O'Barney de Cork." Mais il était aussi à Oxford dans les années 50, et il avait - quand j'étais enfant au Nigeria, mon père avait l'habitude de me dire : "Ne mange ou ne bois jamais chez un Yoruba, car il t'empoisonnera." Maintenant, je comprends parce que si vous aviez connu mon père, vous auriez voulu l'empoisonner, vous aussi. (Rires)
So I was born in 1966, at the beginning of the Biafran-Nigerian Civil War, and the war ended after three years. And I was growing up in school and the federal government didn't want us taught about the history of the war, because they thought it probably would make us generate a new generation of rebels. So I had a very inventive teacher, a Pakistani Muslim, who wanted to teach us about this. So what he did was to teach us Jewish Holocaust history, and so huddled around books with photographs of people in Auschwitz, I learned the melancholic history of my people through the melancholic history of another people. I mean, picture this -- really picture this. A Pakistani Muslim teaching Jewish Holocaust history to young Igbo children.
Donc je suis né en 1966, à l'aube de la guerre civile du Biafra, et la guerre prit fin après trois ans. Et je grandissais à l'école et le gouvernement fédéral ne voulait rien nous apprendre de l'histoire de la guerre parce qu'ils pensaient sans doute que cela ferait de nous une nouvelle génération de rebelles. Et j'avais un prof très créatif, un Pakistanais musulman, qui voulait nous parler de ça. Donc il nous enseigna l'histoire de l'Holocauste et se baladait avec des livres de photos de prisonniers d'Auschwitz. J'ai appris l'histoire mélancolique de mon peuple à travers l'histoire mélancolique d'un autre peuple. Je veux dire, imaginez ça - vraiment, imaginez. un Pakistanais musulman enseignant l'histoire de l'Holocauste à de jeunes enfants Igbos.
Story is powerful. Story is fluid and it belongs to nobody. And it should come as no surprise that my first novel at 16 was about Neo-Nazis taking over Nigeria to institute the Fourth Reich. It makes perfect sense. And they were to blow up strategic targets and take over the country, and they were foiled by a Nigerian James Bond called Coyote Williams, and a Jewish Nazi hunter. And it happened over four continents. And when the book came out, I was heralded as Africa's answer to Frederick Forsyth, which is a dubious honor at best. But also, the book was launched in time for me to be accused of constructing the blueprint for a foiled coup attempt. So at 18, I was bonded off to prison in Nigeria.
Les histoires sont puissantes. Les histoires sont volatiles et n'appartiennent à personne. Et ça ne surprendra personne que mon premier roman, quand j'avais 16 ans, parlait de néo-nazis envahissant le Nigeria pour y instituer un Quatrième Reich. C'est tout à fait logique. Et ils cherchaient à bombarder des lieux stratégiques et à prendre le pouvoir, et ils étaient neutralisés par un James Bond nigérian nommé Coyote Williams, qui se trouvait être juif, un juif chasseurs de nazis. Et ça se déroulait sur plus de quatre continents. Et quand le livre est sorti, on a dit que j'étais l'équivalent africain de Frederick Forsyth, ce qui était un honneur douteux tout au mieux. Par ailleurs, le livre fut publié au bon moment pour que je me vois accusé de poser les bases d'une tentative de coup d'état. Donc, à 18 ans, je fus emprisonné au Nigeria.
I grew up very privileged, and it's important to talk about privilege, because we don't talk about it here. A lot of us are very privileged. I grew up -- servants, cars, televisions, all that stuff. My story of Nigeria growing up was very different from the story I encountered in prison, and I had no language for it. I was completely terrified, completely broken, and kept trying to find a new language, a new way to make sense of all of this. Six months after that, with no explanation, they let me go. Now for those of you who have seen me at the buffet tables know that it was because it was costing them too much to feed me. (Laughter) But I mean, I grew up with this incredible privilege, and not just me -- millions of Nigerians grew up with books and libraries. In fact, we were talking last night about how all of the steamy novels of Harold Robbins had done more for sex education of horny teenage boys in Africa than any sex education programs ever had. All of those are gone.
J'ai grandi dans un milieu privilégié, et c'est important de parler des privilèges, parce qu'on n'en parle pas ici. Nous sommes pour la plupart très privilégiés. J'ai grandi avec des serviteurs, des voitures, des télés, etc. L'histoire de mon enfance au Nigeria est très différente de l'histoire que j'ai vécu en prison et je n'avais pas de langage pour la décrire. J'étais complètement terrorisé et totalement brisé, et j'essayais sans relâche de trouver un nouveau langage, un nouvelle façon de comprendre tout cela. Six mois plus tard, sans explication, ils m'ont relâché. Ceux d'entre vous qui m'ont croisés au buffet savent que c'est parce que ça leur coûtait trop cher de me nourrir. (Rires) J'avais grandi avec ce très grand privilège, et pas que moi, des millions de Nigérians, j'avais grandi avec des livres et des librairies. En fait, nous parlions hier soir de comment tous les romans sulfureux de Harold Robbins avaient plus contribuées à l'éducation sexuelle des adolescents excités d'Afrique que n'importe quel autre programme d'éducation sexuelle. Et on n'en trouve plus aucun.
We are squandering the most valuable resource we have on this continent: the valuable resource of the imagination. In the film, "Sometimes in April" by Raoul Peck, Idris Elba is poised in a scene with his machete raised, and he's being forced by a crowd to chop up his best friend -- fellow Rwandan Army officer, albeit a Tutsi -- played by Fraser James. And Fraser's on his knees, arms tied behind his back, and he's crying. He's sniveling. It's a pitiful sight. And as we watch it, we are ashamed. And we want to say to Idris, "Chop him up. Shut him up." And as Idris moves, Fraser screams, "Stop! Please stop!" Idris pauses, then he moves again, and Fraser says, "Please! Please stop!" And it's not the look of horror and terror on Fraser's face that stops Idris or us; it's the look in Fraser's eyes. It's one that says, "Don't do this. And I'm not saying this to save myself, although this would be nice. I'm doing it to save you, because if you do this, you will be lost." To be so afraid that you're standing in the face of a death you can't escape and that you're soiling yourself and crying, but to say in that moment, as Fraser says to Idris, "Tell my girlfriend I love her." In that moment, Fraser says, "I am lost already, but not you ... not you." This is a redemption we can all aspire to.
Nous gaspillons la ressource la plus précieuse que nous avons sur ce continent : la précieuse ressource qu'est l'imagination. Dans le film "Quelques Jours en Avril", de Raoul Peck, Idris Elba, se tient prêt, sa machette levée, et la foule le force à tuer son meilleur ami, un officier de l'armée rwandaise, bien que Tutsi, joué par Fraser James. Et Fraser est à genoux, les mains liées dans le dos, et il pleure. Il pleurniche. C'est désolant. Et pendant qu'on le regarde, on a honte. On veut crier à Idris : "Tue-le. Fais-le taire." Et au moment où Idris bouge, Fraser crie : "Arrête ! Je t'en prie, arrête !" Idris s'arrête, puis bouge à nouveau, et Fraser s'écrie "Je t'en prie ! Je t'en prie, arrête !" Et ce n'est pas l'air horrifié et terrorisé de Fraser qui freine Idris, ce sont les yeux de Fraser. Ils disent : "Ne fais pas ça. Et je ne dis pas ça pour moi, même si je préférerais rester en vie, je le dis pour te sauver toi, parce que si tu fais ça, tu seras perdu." Être si effrayé en faisant face à la mort que vous ne pouvez pas vous échappez, que vous vous faites dessus et vous pleurez, mais dire à ce moment, comme Fraser le dit à Idris : "Dis à ma copine que je l'aime." À ce moment, Fraser dit : "Je suis déjà perdu, mais pas toi... pas toi." C'est une rédemption à laquelle on aspire tous.
African narratives in the West, they proliferate. I really don't care anymore. I'm more interested in the stories we tell about ourselves -- how as a writer, I find that African writers have always been the curators of our humanity on this continent. The question is, how do I balance narratives that are wonderful with narratives of wounds and self-loathing? And this is the difficulty that I face. I am trying to move beyond political rhetoric to a place of ethical questioning. I am asking us to balance the idea of our complete vulnerability with the complete notion of transformation of what is possible.
Les récits africains prolifèrent en Occident. Je m'en fiche complètement. Je suis plus intéressé par les histoires qu'on raconte sur nous-mêmes. En tant qu'écrivain, je trouve que les écrivains africains ont toujours été les gardiens de notre humanité sur ce continent. La question est de savoir comment puis-je comparer de magnifiques récits avec des récits de blessures et de haine de soi ? Et ceci est le problème auquel je fais face. J'essaye d'aller au-delà d'une rhétorique politique pour poser une question éthique. Je nous demande de peser l'idée de notre vulnérabilité totale avec la notion complète de transformation, ou de ce qui est possible.
As a young middle-class Nigerian activist, I launched myself along with a whole generation of us into the campaign to stop the government. And I asked millions of people, without questioning my right to do so, to go up against the government. And I watched them being locked up in prison and tear gassed. I justified it, and I said, "This is the cost of revolution. Have I not myself been imprisoned? Have I not myself been beaten?" It wasn't until later, when I was imprisoned again, that I understood the real meaning of torture, and how easy your humanity can be taken from you, for the time I was engaged in war, righteous, righteous war. Excuse me.
En tant que jeune activiste nigérian issu de la classe moyenne, je me suis lancé, ainsi que toute une génération, dans une campagne pour arrêter le gouvernement. Et j'ai demandé à des millions de gens, sans même remettre en question mon droit de le faire, d'aller à l'encontre du gouvernement. Et je les ai regardé se faire emprisonner et asperger de gaz lacrymogène. Je l'ai justifié, j'ai dit : "Ceci est le coût de la révolution. N'ai-je pas moi-même été emprisonné ? N'ai-je pas moi-même été battu ?" Et il fallut que je sois à nouveau emprisonné pour comprendre la véritable signification du mot torture et combien il est facile de se faire voler son humanité, car pendant que j'étais engagé dans cette guerre, une guerre juste, très juste. Pardonnez-moi.
Sometimes I can stand before the world -- and when I say this, transformation is a difficult and slow process -- sometimes I can stand before the world and say, "My name is Chris Abani. I have been human six days, but only sometimes." But this is a good thing. It's never going to be easy. There are no answers. As I was telling Rachel from Google Earth, that I had challenged my students in America -- I said, "You don't know anything about Africa, you're all idiots." And so they said, "Tell me about Africa, Professor Abani." So I went to Google Earth and learned about Africa. And the truth be told, this is it, isn't it? There are no essential Africans, and most of us are as completely ignorant as everyone else about the continent we come from, and yet we want to make profound statements about it. And I think if we can just admit that we're all trying to approximate the truth of our own communities, it will make for a much more nuanced and a much more interesting conversation. I want to believe that we can be agnostic about this, that we can rise above all of this.
Parfois, je peux me tenir devant le monde - et comprenez que la transformation est un processus long et difficile. Parfois, je peux me tenir devant le monde et dire, "Mon nom est Chris Abani. J'ai été humain six jours, mais seulement par moments." Mais c'est une bonne chose. Ce ne sera jamais facile. Il n'y a pas de solution. Comme je le disais à Rachel, de Google Earth, j'ai posé un défi à mes étudiants américains. J'ai dit : "Vous ne savez rien de l'Afrique, vous êtes tous des idiots." Et ils m'ont dit : "Parlez-nous de l'Afrique, Professeur Abani." Alors je suis allé sur Google Earth et j'ai étudié l'Afrique. Il faut dire ce qui est, non ? Il n'y a pas d'Africains essentiels, et nous sommes en majorité ignorants, comme tout le monde, quant au continent dont nous venons, et cependant, nous voulons prendre des positions profondes à son propos. Et je pense que si nous pouvions admettre que nous tentons tous de saisir la nature de nos communautés, cela donnera une conversation bien plus nuancée et intéressante. J'aime à croire que nous pouvons garder l'esprit ouvert à ce sujet, que nous pouvons aller au-delà de tout cela.
When I was 10, I read James Baldwin's "Another Country," and that book broke me. Not because I was encountering homosexual sex and love for the first time, but because the way James wrote about it made it impossible for me to attach otherness to it. "Here," Jimmy said. "Here is love, all of it." The fact that it happens in "Another Country" takes you quite by surprise. My friend Ronald Gottesman says there are three kinds of people in the world: those who can count, and those who can't. (Laughter) He also says that the cause of all our trouble is the belief in an essential, pure identity: religious, ethnic, historical, ideological.
Quand j'avais 10 ans, j'ai lu "Un autre pays" de James Baldwin, et ce livre m'a brisé. Pas parce que c'était la première fois qu'on me parlait de sexe et d'amour homosexuel, mais parce que la façon dont James le décrivait faisait qu'il m'était impossible de m'en détacher. "Voici", dit Jimmy. "Voici l'amour, tout l'amour." Le fait que ça se passe dans "Un autre pays" vous prend un peu par surprise. Mon ami Ronal Gottesman dit qu'il y a 3 sortes de personnes en ce monde : ceux qui savent compter et ceux qui ne savent pas. (Rires) Il dit aussi que la source de tous nos problèmes est la croyance en une essence, une identité pure : religieuse, ethnique, historique, idéologique.
I want to leave you with a poem by Yusef Komunyakaa that speaks to transformation. It's called "Ode to the Drum," and I'll try and read it the way Yusef would be proud to hear it read. "Gazelle, I killed you for your skin's exquisite touch, for how easy it is to be nailed to a board weathered raw as white butcher paper. Last night I heard my daughter praying for the meat here at my feet. You know it wasn't anger that made me stop my heart till the hammer fell. Weeks ago, you broke me as a woman once shattered me into a song beneath her weight, before you slouched into that grassy hush. And now I'm tightening lashes, shaped in hide as if around a ribcage, shaped like five bowstrings. Ghosts cannot slip back inside the body's drum. You've been seasoned by wind, dusk and sunlight. Pressure can make everything whole again. Brass nails tacked into the ebony wood, your face has been carved five times. I have to drive trouble in the hills. Trouble in the valley, and trouble by the river too. There is no palm wine, fish, salt, or calabash. Kadoom. Kadoom. Kadoom. Ka-doooom. Now I have beaten a song back into you. Rise and walk away like a panther." Thank you. (Applause)
Je voudrais vous quitter sur un poème de Yusef Komunyakaa qui parle de transformation. Il s'intitule "Ode au Tambour", je vais essayer de vous le lire d'une façon dont Yusef serait fier. "Gazelle, je t'ai tuée pour ta peau au toucher exquis, comme il est facile d'être clouée à une planche burinée nue telle un blanc papier de boucher. La nuit dernière j'ai entendu ma fille prier pour la viande à mes pieds. Tu sais que ce ne fut pas la colère qui arrêta mon coeur jusqu'à la chute du marteau. Il y a des semaines, tu m'as brisé comme une femme m'a anéanti autrefois dans une chanson sous son poids, avant que tu ne fondes dans un silence verdoyant. Et voilà que je tisse des roseaux, me taillant un abri comme une cage thoracique, formée de cinq cordes d'arc. Les fantômes ne peuvent retourner dans le tambour du corps. Tu as été parfumée par le vent, le crépuscule et le soleil. La pression peut tout réunir à nouveau, par des clous cuivrés dans l'ébène ton visage fut sculpté cinq fois. J'en appelle à l'ardeur des collines. À l'ardeur de la vallée. À l'ardeur de la rivière aussi. Il n'y a pas vin de palme, ni de poisson, pas sel, ni de calebasse. Kadoom. Kadoom. Kadoom. Ka-dooooom. J'ai battu en toi une chanson, alors lève-toi et va, telle une panthère." Merci. (Applaudissements)