Bruno Giussani: Commissioner, thank you for coming to TED.
B. Giussani : Commissaire, merci d'être venu à TED.
António Guterres: Pleasure.
A. Guterres: Merci à vous.
BG: Let's start with a figure. During 2015, almost one million refugees and migrants arrived in Europe from many different countries, of course, from Syria and Iraq, but also from Afghanistan and Bangladesh and Eritrea and elsewhere. And there have been reactions of two different kinds: welcoming parties and border fences. But I want to look at it a little bit from the short-term and the long-term perspective. And the first question is very simple: Why has the movement of refugees spiked so fast in the last six months?
BG : Commençons par un chiffre. En 2015, presque un million de réfugiés et de migrants sont arrivés en Europe en provenance de nombreux pays, bien évidemment, de Syrie et d’Irak, mais aussi d'Afghanistan, du Bangladesh, d'Érythrée et d'ailleurs. Et il y a eu deux types de réactions : des fêtes de bienvenue et des barrières frontalières. Mais je veux examiner ça sous l'angle du court terme et du long terme. La première question est très simple : pourquoi le mouvement de réfugiés a-t-il connu une hausse si soudaine ces six derniers mois ?
AG: Well, I think, basically, what triggered this huge increase was the Syrian refugee group. There has been an increased movement into Europe from Africa, from Asia, but slowly growing, and all of a sudden we had this massive increase in the first months of this year. Why? I think there are three reasons, two long-term ones and the trigger. The long-term ones, in relation to Syrians, is that hope is less and less clear for people. I mean, they look at their own country and they don't see much hope to go back home, because there is no political solution, so there is no light at the end of the tunnel. Second, the living conditions of the Syrians in the neighboring countries have been deteriorating. We just had research with the World Bank, and 87 percent of the Syrians in Jordan and 93 percent of the Syrians in Lebanon live below the national poverty lines. Only half of the children go to school, which means that people are living very badly. Not only are they refugees, out of home, not only have they suffered what they have suffered, but they are living in very, very dramatic conditions.
AG : Eh bien, je pense qu'à l'origine de cette augmentation massive, il y a le groupe de réfugiés syriens. Il y a eu en Europe une intensification du mouvement de réfugiés venus d'Afrique et d'Asie, qui augmentait lentement, mais tout d'un coup il y a eu une augmentation énorme dans les premiers mois de l'année. Pourquoi ? Pour trois raisons, deux à long terme et un déclencheur. Les raisons à long terme, concernant les Syriens, sont qu'il y a de moins en moins d'espoir pour ces personnes. Ils regardent leur propre pays, et ne voient pas beaucoup d'espoir de rentrer chez eux, parce qu'il n'y a pas de solution politique et donc pas de lumière au bout du tunnel. La seconde, les conditions de vie des Syriens dans les pays frontaliers se sont détériorées. On vient de faire des recherches avec la Banque mondiale et 87 % des Syriens en Jordanie et 93 % des Syriens au Liban vivent en dessous des seuils de pauvreté nationaux. Seulement la moitié des enfants vont à l'école, ce qui signifie que les gens vivent très mal. Non seulement ils sont réfugiés, hors de chez eux, non seulement ils ont énormément souffert, mais ils vivent dans des conditions vraiment très difficiles.
And then the trigger was when all of a sudden, international aid decreased. The World Food Programme was forced, for lack of resources, to cut by 30 percent food support to the Syrian refugees. They're not allowed to work, so they are totally dependent on international support, and they felt, "The world is abandoning us." And that, in my opinion, was the trigger. All of a sudden, there was a rush, and people started to move in large numbers and, to be absolutely honest, if I had been in the same situation and I would have been brave enough to do it, I think I would have done the same.
Le déclencheur, c'est que tout à coup, l'aide internationale a diminué. Le Programme alimentaire mondial a été forcé, par manque de ressources de diminuer de 30 % l'aide alimentaire aux réfugiés syriens. Ils ne sont pas autorisés à travailler, donc ils dépendent totalement de l'aide internationale et ils se disent : « le monde nous abandonne ». Et selon moi, c'est l'élément déclencheur. Tout à coup, il y a eu une ruée, les gens ont commencé à se déplacer en masse, et pour être absolument honnête, si j'avais été dans la même situation et j'avais eu assez de courage pour le faire, je pense que j'aurais fait la même chose.
BG: But I think what surprised many people is it's not only sudden, but it wasn't supposed to be sudden. The war in Syria has been happening for five years. Millions of refugees are in camps and villages and towns around Syria. You have yourself warned about the situation and about the consequences of a breakdown of Libya, for example, and yet Europe looked totally unprepared.
BG : Mais ce qui a surpris beaucoup de gens, ce n'est pas seulement le caractère soudain, car ça ne devait pas être soudain. La guerre en Syrie durait depuis cinq ans. Des millions de réfugiés sont dans des camps et des villages autour de la Syrie. Vous avez vous-même alerté sur cette situation, et les conséquences d'un renversement de la Libye, par exemple, et pourtant l'Europe a semblée totalement prise au dépourvu.
AG: Well, unprepared because divided, and when you are divided, you don't want to recognize the reality. You prefer to postpone decisions, because you do not have the capacity to make them. And the proof is that even when the spike occurred, Europe remained divided and was unable to put in place a mechanism to manage the situation. You talk about one million people. It looks enormous, but the population of the European Union is 550 million people, which means we are talking about one per every [550] Europeans. Now, in Lebanon, we have one refugee per three Lebanese. And Lebanon? Struggling, of course, but it's managing. So, the question is: is this something that could have been managed if -- not mentioning the most important thing, which would have been addressing the root causes, but forgetting about root causes for now, looking at the phenomenon as it is -- if Europe were able to come together in solidarity to create an adequate reception capacity of entry points? But for that, the countries at entry points need to be massively supported, and then screening the people with security checks and all the other mechanisms, distributing those that are coming into all European countries, according to the possibilities of each country. I mean, if you look at the relocation program that was approved by the Commission, always too little too late, or by the Council, too little too late --
AG : En effet, car elle était divisée, et lorsque vous êtes divisés, vous ne voulez pas admettre la réalité, vous préférez reporter les décisions à plus tard, car vous n'êtes pas en mesure de les prendre, et la preuve est que même quand le pic est arrivé, l'Europe est resté divisée, et était incapable de mettre en place un mécanisme pour contrôler la situation. Vous parlez d'environ 1 million de personnes, cela paraît énorme, mais la population de l'Union Européenne est de 550 millions de personnes ce qui signifie que nous parlons d'une personne pour 2000 Européens. Maintenant, au Liban, nous avons un réfugié pour trois Libanais. Et le Liban ? Il lutte bien sûr, mais il s'en sort. Donc, la question est : est-ce qu'on aurait pu contrôler ça, si... sans parler du plus important, il aurait fallu s'occuper des causes ; mais si on oublie ces causes pour l'instant, et qu'on considère le phénomène lui-même, si l'Europe était capable s'unir avec solidarité pour créer une capacité de réception adéquate à chaque point d'entrée ? Mais pour ça, les pays aux points d'entrée doivent recevoir une aide importante et il faut filtrer les entrants avec des contrôles de sécurité et tous les autres mécanismes en les répartissant dans tous les pays européens en fonction des possibilités de chaque pays. Si vous regardez le programme de réinstallation approuvé par la Commission — toujours trop tard ou par le Conseil, toujours trop peu et trop tard.
BG: It's already breaking down.
BG : C'est déja un échec.
AG: My country is supposed to receive four thousand. Four thousand in Portugal means nothing. So this is perfectly manageable if it is managed, but in the present circumstances, the pressure is at the point of entry, and then, as people move in this chaotic way through the Balkans, then they come to Germany, Sweden, basically, and Austria. They are the three countries that are, in the end, receiving the refugees. The rest of Europe is looking without doing much.
AG : Mon pays est censé en recevoir 4000. 4000 au Portugal, c'est rien. Donc c'est parfaitement faisable si c'est bien géré, mais dans les circonstances actuelles, la pression est sur le point d'entrée, et à mesure que les populations traversent les Balkans de cette manière chaotique, alors ils vont en Allemagne, en Suède, principalement, et en Autriche ce sont les trois pays au final, qui reçoivent des réfugiés. Le reste de l'Europe regarde, sans faire grand chose.
BG: Let me try to bring up three questions, playing a bit devil's advocate. I'll try to ask them, make them blunt. But I think the questions are very present in the minds of many people in Europe right now, The first, of course, is about numbers. You say 550 million versus one million is not much, but realistically, how many people can Europe take?
BG : Permettez-moi de vous poser trois questions en me faisant un peu l'avocat du diable. Je vais les poser de façon directe. Mais je pense que ces questions sont très présentes dans l'esprit de beaucoup d'Européens aujourd'hui. La première est bien sûr à propos du nombre. Vous dites que 550 millions contre 1 million, ce n'est pas grand chose mais concrètement combien de personnes l'Europe peut-elle accueillir ?
AG: Well, that is a question that has no answer, because refugees have the right to be protected. And there is such a thing as international law, so there is no way you can say, "I take 10,000 and that's finished." I remind you of one thing: in Turkey, at the beginning of the crisis, I remember one minister saying, "Turkey will be able to receive up to 100,000 people." Turkey has now two million three-hundred thousand or something of the sort, if you count all refugees.
AG : Eh bien, cette question n'a pas de réponse, parce que les réfugiés ont le droit d'être protégés. La loi internationale, ça existe, donc il n'est pas possible de dire, « J'en prends 10 000 et c'est tout. » Laissez-moi vous rappeler ceci : en Turquie, au début de la crise, je me souviens qu'un ministre a dit, « La Turquie sera capable d'accueillir jusqu'à 100 000 personnes. » La Turquie a maintenant 2,3 millions, à peu près, si on compte tous les réfugiés.
So I don't think it's fair to say how many we can take. What it is fair to say is: how we can we organize ourselves to assume our international responsibilities? And Europe has not been able to do so, because basically, Europe is divided because there is no solidarity in the European project. And it's not only about refugees; there are many other areas. And let's be honest, this is the moment in which we need more Europe instead of less Europe. But as the public less and less believes in European institutions, it is also each time more difficult to convince the public that we need more Europe to solve these problems.
Donc je ne pense pas que ça soit juste de dire combien on peut en accueillir. Ce qui est pertinent de dire c'est : comment peut-on s'organiser pour assumer nos responsabilités internationales ? Et l'Europe n'a pas été capable de le faire, surtout parce qu'elle est divisée, parce qu'il n'y a pas de solidarité dans le projet européen. Et ce n'est pas que pour les réfugiés, c'est vrai dans d'autres domaines. Soyons francs, c'est là que nous avons besoin de plus d'Europe au lieu de moins d'Europe. Mais puisque le public croit de moins en moins en les institutions européennes, il devient plus difficile de convaincre l'opinion publique que nous avons besoin de plus d'Europe pour résoudre ces problèmes.
BG: We seem to be at the point where the numbers turn into political shifts, particularly domestically. We saw it again this weekend in France, but we have seen it over and over in many countries: in Poland and in Denmark and in Switzerland and elsewhere, where the mood changes radically because of the numbers, although they are not very significant in absolute numbers. The Prime Minister of --
BG : Il semble que les chiffres deviennent politiques, particulièrement au sein de chaque pays. On l'a revu ce weekend en France mais on l'a vu encore et encore dans de nombreux pays en Pologne au Danemark, en Suisse et ailleurs, où le climat change radicalement à cause des chiffres, bien qu'ils ne soient pas significatifs en nombre absolu. Le Premier Ministre de —
AG: But, if I may, on these: I mean, what does a European see at home in a village where there are no migrants? What a European sees is, on television, every single day, a few months ago, opening the news every single day, a crowd coming, uncontrolled, moving from border to border, and the images on television were of hundreds or thousands of people moving. And the idea is that nobody is taking care of it -- this is happening without any kind of management. And so their idea was, "They are coming to my village." So there was this completely false idea that Europe was being invaded and our way of life is going to change, and everything will -- And the problem is that if this had been properly managed, if people had been properly received, welcomed, sheltered at point of entry, screened at point of entry, and the moved by plane to different European countries, this would not have scared people. But, unfortunately, we have a lot of people scared, just because Europe was not able to do the job properly.
AG : Si je puis me permettre à ce propos. Je veux dire, qu'est-ce qu'un Européen voit chez lui dans un village où il n'y a aucun migrant ? Ce qu'un Européen voit, à la télévision, chaque jour, depuis quelques mois, à la une des journaux télévisés une foule qui arrive, incontrôlée, passant de frontière en frontière, et des images à la télévision avec des centaines, des milliers de personnes qui bougent. Et le message est que personne ne s'en occupe. C'est en train de se passer sans aucun contrôle. Et ils se disent : « Ils vont arriver dans mon village. » Il y avait cette idée complètement fausse que l'Europe était envahie que notre manière de vivre allait changer, que tout allait — Le problème c'est que, si cela avait été géré convenablement, si les gens avaient été reçus et accueillis correctement, pris en charge, filtrés au point d'entrée, et transportés par avion dans les différents pays européens, cela n'aurait pas fait peur aux gens. Mais, malheureusement, beaucoup de gens ont peur, parce que l'Europe n'a pas fait son travail correctement.
BG: But there are villages in Germany with 300 inhabitants and 1,000 refugees. So, what's your position? How do you imagine these people reacting?
BG : Mais il y a des villages en Allemagne de 300 habitants avec 1000 réfugiés. Dans ce cas, quelle est votre position ? Comment imaginez-vous la réaction de ces populations ?
AG: If there would be a proper management of the situation and the proper distribution of people all over Europe, you would always have the percentage that I mentioned: one per each 2,000. It is because things are not properly managed that in the end we have situations that are totally impossible to live with, and of course if you have a village -- in Lebanon, there are many villages that have more Syrians than Lebanese; Lebanon has been living with that. I'm not asking for the same to happen in Europe, for all European villages to have more refugees than inhabitants. What I am asking is for Europe to do the job properly, and to be able to organize itself to receive people as other countries in the world were forced to do in the past.
AG : S'il y avait eu une gestion appropriée de la situation et une répartition convenable des migrants en Europe, vous auriez partout le pourcentage dont j'ai parlé : 1 pour 2000 habitants. C'est parce que la situation n'a pas été bien gérée qu'au final nous arrivons à ces situations qui sont tout à fait invivables, et bien sûr si vous avez un village — au Liban, il y a beaucoup de villages où il y a plus de Syriens que de Libanais, le Liban vit avec cela. Je ne demande pas à ce que la même chose arrive en Europe, que tous les villages européens aient plus de réfugiés que d'habitants. Ce que je demande c'est que l'Europe fasse correctement son travail, et qu'elle soit capable de s'organiser pour accueillir les gens comme d'autres pays dans le monde ont dû le faire par le passé.
BG: So, if you look at the global situation not only at Europe --
BG : Donc la situation globale pas juste l'Europe —
(Applause)
(Applaudissements)
BG: Oui !
BG: Yes!
(Applaudissements)
(Applause)
BG : Si on regarde la situation globale, pas seulement l'Europe,
BG: If you look at the global situation, so, not only at Europe, I know you can make a long list of countries that are not really stepping up, but I'm more interested in the other part -- is there somebody who's doing the right thing?
je sais que l'on peur faire une longue liste de pays qui ne sont pas à la hauteur, mais le contraire m’intéresse plus — y-a-t-il quelqu'un qui fait les choses bien ?
AG: Well, 86 percent of the refugees in the world are in the developing world. And if you look at countries like Ethiopia -- Ethiopia has received more than 600,000 refugees. All the borders in Ethiopia are open. And they have, as a policy, they call the "people to people" policy that every refugee should be received. And they have South Sudanese, they have Sudanese, they have Somalis. They have all the neighbors. They have Eritreans. And, in general, African countries are extremely welcoming of refugees coming, and I would say that in the Middle East and in Asia, we have seen a tendency for borders to be open.
AG : Et bien, 86 % des réfugiés dans le monde sont dans les pays en développement. Et si on regarde des pays comme l'Ethiopie — l'Ethiopie a reçu plus de 600 000 réfugiés. Toutes les frontières de l'Ethiopie sont ouvertes et ils ont comme politique, qu'ils appellent "échange ", le fait que chaque réfugié doit être accueilli. Et ils ont des Soudanais du sud, des Soudanais, des Somaliens. Ils ont tout leurs voisins. Ils ont des Érythréens. Et, en général, les pays africains sont extrêmement accueillants envers les réfugiés, et je dirais qu'au Moyen-Orient et en Asie, la tendance est aux frontières ouvertes.
Now we see some problems with the Syrian situation, as the Syrian situation evolved into also a major security crisis, but the truth is that for a large period, all borders in the Middle East were open. The truth is that for Afghans, the borders of Pakistan and Iran were open for, at the time, six million Afghans that came. So I would say that even today, the trend in the developing world has been for borders to be open. The trend in the developed world is for these questions to become more and more complex, especially when there is, in the public opinion, a mixture of discussions between refugee protections on one side and security questions -- in my opinion, misinterpreted -- on the other side.
Aujourd'hui on voit des problèmes avec la situation syrienne, et elle a évolué en une crise sécuritaire majeure, mais la vérité est que pendant longtemps, toutes les frontières au Moyen-Orient étaient ouvertes. La vérité pour les Afghans c'est que les frontières du Pakistan et de l'Iran étaient ouvertes : 6 millions d'Afghans sont partis. Donc je dirais que même aujourd'hui, la tendance dans les pays dévéloppés est à l'ouverture des frontières. Cette question des frontières dans les pays développés, est de plus en plus compliquée, surtout quand il y a, dans l'opinion publique, des débats mêlés : la protection des réfugiés d'un côté et des questions de sécurité — à mon avis mal interprétées — de l'autre côté.
BG: We'll come back to that too, but you mentioned the cutting of funding and the vouchers from the World Food Programme. That reflects the general underfunding of the organizations working on these issues. Now that the world seems to have woken up, are you getting more funding and more support, or it's still the same?
BG : Nous reviendrons à cela également mais vous avez mentionné la baisse des financements et des bons de le part du World Food Programme. Cela reflète le sous-financement des organisations qui travaillent sur ces problématiques. Aujourd'hui le monde semble se réveiller et prendre conscience de la situation recevez-vous plus de financement, de soutien ou la situation est toujours la même ?
AG: We are getting more support. I would say that we are coming close to the levels of last year. We were much worse during the summer. But that is clearly insufficient to address the needs of the people and address the needs of the countries that are supporting the people. And here we have a basic review of the criteria, the objectives, the priorities of development cooperation that is required.
AG : Nous obtenons plus de soutien je dirais que nous sommes proches du niveau de l'an dernier. Nous étions beaucoup plus mal cet été. Mais c'est clairement insuffisant pour répondre aux besoins des populations et répondre aux besoins des pays qui s'occupent ces populations. Et il existe des critères, des objectifs et des priorités requis par les organisations de développement.
For instance, Lebanon and Jordan are middle-income countries. Because they are middle-income countries, they cannot receive soft loans or grants from the World Bank. Now, today this doesn't make any sense, because they are providing a global public good. They have millions of refugees there, and to be honest, they are pillars of stability in the region, with all the difficulties they face, and the first line of defense of our collective security. So it doesn't make sense that these countries are not a first priority in development cooperation policies. And they are not. And not only do the refugees live in very dramatic circumstances inside those countries, but the local communities themselves are suffering, because salaries went down, because there are more unemployed, because prices and rents went up. And, of course, if you look at today's situation of the indicators in these countries, it is clear that, especially their poor groups of the population, are living worse and worse because of the crisis they are facing.
Par exemple le Liban et la Jordanie sont des pays à revenu intermédiaire parce qu'ils sont des pays à revenu intermédiaire ils ne peuvent recevoir des prêts ou des subventions de la Banque Mondiale. Aujourd'hui ça n'a aucun sens car ils œuvrent pour un bien public mondial. Ils ont des millions de réfugiés là-bas, et honnêtement, ils sont les piliers de la stabilité dans la région avec toutes les difficultés qu'ils connaissent, et la première ligne de défense de notre sécurité collective. Donc cela n'a aucun sens que ces pays ne soient pas la priorité des politiques de coopération de développement et ils ne le sont pas. Et non seulement les réfugiés vivent dans des conditions effroyables à l'intérieur de ces pays, mais les communautés locales souffrent également, parce que les salaires ont chuté, parce que le chômage a augmenté, parce que les prix et les loyers ont grimpé. Et, bien sûr, si vous regardez la situation aujourd'hui, les indicateurs dans ces pays, il est clair que leur population, surtout les franges les plus pauvres, vivent de plus en plus mal, du fait de la crise qu'ils traversent.
BG: Who should be providing this support? Country by country, international organizations, the European Union? Who should be coming up with this support?
BG : Qui devrait fournir ce soutien les pays, les organisations internationales, l'Union Européenne ? Qui ?
AG: We need to join all efforts. It's clear that bilateral cooperation is essential. It's clear that multilateral cooperation is essential. It's clear that international financial institutions should have flexibility in order to be able to invest more massively in support to these countries. We need to combine all the instruments and to understand that today, in protracted situations, at a certain moment, that it doesn't make sense anymore to make a distinction between humanitarian aid and development aid or development processes. Because you are talking about children in school, you are talking about health, you are talking about infrastructure that is overcrowded. You are talking about things that require a long-term perspective, a development perspective and not only an emergency humanitarian aid perspective.
AG : Nous devons joindre tous nos efforts. Il est évident que la coopération bilatérale et multilatérale. sont nécessaires. Il est évident que les institutions financières mondiales devrait avoir plus de flexibilité dans le but d'investir plus massivement pour le soutien de ces pays. Nous devons combiner tous ces instruments et comprendre qu'aujourd'hui, lors de situations prolongées, et à un certain moment, cela n'a aucun sens de faire la distinction entre aide humanitaire et aide au développement ou processus de développement. Parce qu'il s'agit d'enfants à l'école, il s'agit de santé, il s'agit de structures bondées. Il s'agit de choses qui nécessite une vision à long terme, une vision pour le développement, et non seulement une aide humanitaire d'urgence.
BG: I would like your comment on something that was in newspapers this morning. It is a statement made by the current front-runner for the Republican nomination for US President, Donald Trump. Yesterday, he said this.
BG : Je souhaiterais votre avis sur quelque chose qui était dans les journaux ce matin. C'est une déclaration faite par le favori à la nomination républicaine pour l'élection présidentielle aux État-Unis Donald Trump. Hier, il a dit cela.
(Laughter)
(Rires)
No, listen to this. It's interesting. I quote: "I am calling for a total and complete shutdown of Muslims entering the US, until our country's representatives can figure out what's going on." How do you react to that?
Non, écoutez ça. C'est intéressant. Je cite: « J'en appelle à une fermeture totale et complète des entrées de Musulmans aux États-Unis, jusqu'à ce que les institutions de ce pays sachent ce qu'il se passe. » Comment vous réagissez à cela?
AG: Well, it's not only Donald Trump. We have seen several people around the world with political responsibility saying, for instance, that Muslims refugees should not be received. And the reason why they say this is because they think that by doing or saying this, they are protecting the security of their countries. Now, I've been in government. I am very keen on the need for governments to protect the security of their countries and their people. But if you say, like that, in the US or in any European country, "We are going to close our doors to Muslim refugees," what you are saying is the best possible help for the propaganda of terrorist organizations. Because what you are saying --
AG : Et bien, ce n'est pas que Donald Trump. Nous avons vu plusieurs responsables politiques dire à travers le monde, par exemple que les réfugiés musulmans ne devraient pas être accueillis. Et la raison pour laquelle ils disent cela c'est parce qu'ils pensent qu'en disant ou faisant ça, ils protègent la sécurité de leur pays. J'ai été au gouvernement. Je suis bien au courant de la nécessité des gouvernements de protéger la sécurité de leur pays et de leur peuple. Mais si vous dites, comme ça, aux États-Unis ou dans n'importe quel pays d'Europe, « Nous allons fermer nos frontières aux réfugiés musulmans. », ce que vous dites est la meilleure aide possible à la propagande des organisations terroristes. Parce que ce que vous dites —
(Applause)
(Applaudissements)
What you are saying will be heard by all the Muslims in your own country, and it will pave the way for the recruitment and the mechanisms that, through technology, Daesh and al-Nusra, al-Qaeda, and all those other groups are today penetrating in our societies. And it's just telling them, "You are right, we are against you." So obviously, this is creating in societies that are all multiethnic, multi-religious, multicultural, this is creating a situation in which, really, it is much easier for the propaganda of these terrorist organizations to be effective in recruiting people for terror acts within the countries where these kinds of sentences are expressed.
Parce que ce que vous dites sera entendu par les musulmans dans votre propre pays, et cela ouvrira la voie au recrutement et aux mécanismes qui font que, grâce aux technologies, Daesh et al-Nusra, al-Qaeda, et tous les autres groupes pénètrent aujourd'hui nos sociétés, et cela revient à leur dire : « Vous avez raison, nous sommes contre vous. » Et cela crée évidemment, dans des sociétés multiethniques, multireligieuses, multiculturelles, une situation dans la laquelle il est bien plus facile pour la propagande et les organisations terroristes d'être efficaces dans le recrutement de terroristes au sein des pays où ce type de déclaration est fait.
BG: Have the recent attacks in Paris and the reactions to them made your job more difficult?
BG : Est-ce que les récentes attaques de Paris et ses réactions rendent votre travail plus difficile ?
AG: Undoubtedly.
AG : Sans aucun doute.
BG: In what sense?
BG : Dans quel sens ?
AG: In the sense that, I mean, for many people the first reaction in relation to these kinds of terrorist attacks is: close all borders -- not understanding that the terrorist problem in Europe is largely homegrown. We have thousands and thousands of European fighters in Syria and in Iraq, so this is not something that you solve by just not allowing Syrians to come in. And I must say, I am convinced that the passport that appeared, I believe, was put by the person who has blown --
AG : Du fait que, pour beaucoup de gens, la première réaction face à ce genre d'attaques est de fermer toutes les frontières — sans voir que le problème du terrorisme en Europe est principalement intérieur. Nous avons des milliers et des milliers de soldats européens en Syrie et en Iraq, donc ce n'est pas quelque chose qu'on résout seulement en interdisant aux Syriens de venir, Et je suis convaincu que le passeport que l'on a retrouvé, a été déposé par la personne qui —
BG: -- himself up, yeah.
BG :— s'est faite explosée, oui.
AG: [I believe] it was on purpose, because part of the strategies of Daesh is against refugees, because they see refugees as people that should be with the caliphate and are fleeing to the crusaders. And I think that is part of Daesh's strategy to make Europe react, closing its doors to Muslim refugees and having an hostility towards Muslims inside Europe, exactly to facilitate Daesh's work.
AG : Je crois c'était voulu, car une partie de la stratégie de Daesh est contre les réfugiés, parce qu'ils voient les réfugiés comme des gens qui devraient être avec le califat et se réfugient auprès des croisés. Et je pense que la stratégie de Daesh consiste à forcer l'Europe à faire fermer les frontières aux réfugiés musulmans et créer de l'hostilité envers les musulmans au sein de l'Europe, précisément pour faciliter le travail de Daesh.
And my deep belief is that it was not the refugee movement that triggered terrorism. I think, as I said, essentially terrorism in Europe is today a homegrown movement in relation to the global situation that we are facing, and what we need is exactly to prove these groups wrong, by welcoming and integrating effectively those that are coming from that part of the world.
Et ma conviction profonde est que le mouvement de réfugiés n'a pas déclenché le terrorisme. Je pense comme je l'ai dit, le terrorisme en Europe est essentiellement un terrorisme intérieur qui vient de la situation globale à laquelle nous faisons face. Et ce dont nous avons besoin c'est de leur prouver le contraire, en accueillant et en intégrant efficacement, ceux qui viennent de cette région du monde.
And another thing that I believe is that to a large extent, what we are today paying for in Europe is the failures of integration models that didn't work in the '60s, in the '70s, in the '80s, in relation to big migration flows that took place at that time and generated what is today in many of the people, for instance, of the second generation of communities, a situation of feeling marginalized, having no jobs, having improper education, living in some of the neighborhoods that are not adequately provided by public infrastructure. And this kind of uneasiness, sometimes even anger, that exists in this second generation is largely due to the failure of integration policies, to the failure of what should have been a much stronger investment in creating the conditions for people to live together and respect each other. For me it is clear.
Et je crois également que dans une large mesure, nous payons aujourd'hui en Europe le prix de l'échec des modèles d'intégration qui ont échoué dans les années 1960, 1970 et 1980, suite aux vagues de migration massives de cette époque et qui ont généré, chez beaucoup de gens, par exemple chez les secondes générations, le sentiment d'être marginalisé, d'être au chômage, d'avoir une éducation inappropriée, de vivre dans des quartiers dépourvus d'infrastructures publiques. Et cette sorte de malaise, parfois même de colère, qui existe chez les secondes générations est largement dû à l'échec des politiques d'intégration, à l'échec d'un investissement qui aurait dû être plus considérable dans la création de conditions adéquates au vivre ensemble et respect mutuel. Pour moi c'est clair.
(Applause)
(Applaudissements)
For me it is clear that all societies will be multiethnic, multicultural, multi-religious in the future. To try to avoid it is, in my opinion, impossible. And for me it's a good thing that they will be like that, but I also recognize that, for that to work properly, you need a huge investment in the social cohesion of your own societies. And Europe, to a large extent, failed in that investment in the past few decades.
Pour moi c'est clair que toutes les sociétés seront multiethniques, muticulturelles, multireligieuses dans le futur. Eviter cela est, je pense, impossible. Et pour moi c'est une bonne chose que cela devienne comme ça, mais je reconnais que, pour que cela fonctionne, il faut un investissement énorme pour la cohésion sociale de votre société. Et l'Europe, a en grande partie échoué dans cet investissement au cours des dernières décennies.
BG: Question: You are stepping down from your job at the end of the year, after 10 years. If you look back at 2005, when you entered that office for the first time, what do you see?
BG : Une question, vous vous retirez de votre poste à la fin de l'année, après 10 ans. Si vous revenez sur 2005, lorsque vous êtes entré en fonction pour la première fois, qu'est-ce que vous voyez ?
AG: Well, look: In 2005, we were helping one million people go back home in safety and dignity, because conflicts had ended. Last year, we helped 124,000. In 2005, we had about 38 million people displaced by conflict in the world. Today, we have more than 60 million. At that time, we had had, recently, some conflicts that were solved. Now, we see a multiplication of new conflicts and the old conflicts never died: Afghanistan, Somalia, Democratic Republic of Congo. It is clear that the world today is much more dangerous than it was. It is clear that the capacity of the international community to prevent conflicts and to timely solve them, is, unfortunately, much worse than what it was 10 years ago. There are no clear power relations in the world, no global governance mechanisms that work, which means that we live in a situation where impunity and unpredictability tend to prevail, and that means that more and more people suffer, namely those that are displaced by conflicts.
AG : Et bien, écoutez. En 2005, nous aidions un million de personnes à rentrer chez eux dans la sécurité et la dignité, parce que les conflits avaient cessés. L'année dernière nous avons aidé 124 000 personnes. En 2005 nous avions environ 38 millions de personnes déplacées à cause de conflits dans le monde. Aujourd'hui nous en avons plus de 60 millions. A cette époque, certains conflit venaient de se résoudre. Aujourd'hui,on voit une multiplication des conflits et les vieux conflits ne meurent jamais : Afghanistan, Somalie, République Démocratique du Congo. Il est clair que le monde est aujourd'hui bien plus dangereux qu'il ne l'était. Il est clair que la capacité de la communauté internationale pour empêcher les conflits et les résoudre en temps et en heure, est, malheureusement, bien plus faible qu'elle ne l'était il y a 10 ans. Il n'y a aucune relation claire dans le monde, aucun mécanisme de gouvernance mondiale qui fonctionne, ce qui signifie que nous vivons dans une situation où l'impunité et l'imprévisibilié tendent à prévaloir, et ça veut dire que de plus en plus de gens souffrent, à savoir ceux qui sont déplacés par les conflits.
BG: It's a tradition in American politics that when a President leaves the Oval Office for the last time, he leaves a handwritten note on the desk for his successor that walks in a couple of hours later. If you had to write such a note to your successor, Filippo Grandi, what would you write?
BG : C'est une tradition dans la vie politique américaine lorsqu'un Président quitte le bureau ovale pour la dernière fois, il laisse une note manuscrite sur le bureau à son successeur qui arrive quelques heures après. Si vous deviez écrire une note à votre successeur Filippo Grandi, qu'est ce que vous écririez ?
AG: Well, I don't think I would write any message. You know, one of the terrible things when one leaves an office is to try to become the backseat driver, always telling the new one what to do. So that, I will not do. If I had to say something to him, it would be, "Be yourself, and do your best."
AG : Je pense que je n'écrirais rien. Vous savez, une des choses terribles quand une personne quitte son travail c'est d'essayer de devenir un copilote, en disant au nouveau quoi faire donc je ne ferai pas ça. Si je devais lui dire quelque chose, je dirais : " Soyez vous-même et faites de votre mieux. "
BG: Commissioner, thank you for the job you do. Thank you for coming to TED.
BG : Commissaire merci pour le travail que vous faites. Merci d'être venu à TED.
(Applause)
(Applaudissements)